par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 16 juin 2011, 10-17499
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
16 juin 2011, 10-17.499

Cette décision est visée dans la définition :
Conjonctif




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que le 30 avril 1965, Louis X... et son épouse, Augusta Y... ont consenti une donation-partage conjonctive à leurs deux enfants, M. René X..., qui a reçu, à titre préciputaire pour moitié, un lot évalué 150 000 francs à l'acte, composé essentiellement d'une exploitation agricole, et Mme Josette X..., épouse Z..., qui a reçu en avancement d'hoirie deux parcelles constructibles dans un lotissement dont la valeur était estimée à l'acte à 75 000 francs ; que leur troisième enfant, Henri X..., ayant refusé de participer à cette opération, les époux X... lui ont fait donation le 21 novembre 1968 d'une autre parcelle dans le même lotissement, l'acte prévoyant un rapport en moins prenant de la valeur au jour de l'acte de cet immeuble fixée à 50 000 francs ; que les donateurs sont décédés, lui le 6 juin 1971, elle le 1er mars 1999 ; que M. Laurent X..., fils de Henri, décédé le 3 octobre 1995, a demandé la réduction de la donation-partage ; qu'au vu de l'expertise qu'il avait ordonnée, le tribunal a condamné M. René X... à payer des indemnités de 453 816 euros à sa soeur et de 487 711 euros à son neveu au titre de la réduction de la donation-partage ; que l'arrêt attaqué (Grenoble, 24 mars 2009) a ordonné une nouvelle expertise ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. René X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que, pour le calcul de la quotité disponible et de la réserve, les biens dont il a été disposé par la donation-partage doivent être évalués à la date du décès du survivant des disposants alors, selon le moyen, que le calcul de la réserve se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur et qu'on y réunit fictivement, après en avoir déduit les dettes, ceux dont il a été disposé par donation entre vifs d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession ; qu'en cas de donation partage conjonctive, la réserve de la succession du prémourant des disposants doit donc se déterminer en réunissant fictivement les biens existant au jour de son décès et ceux dont il a disposé par donation partage, ces derniers devant être évalués à la date de son décès ; que la cour d'appel, en jugeant que pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible, il convenait d'évaluer l'ensemble des biens faisant l'objet de la donation partage conjonctive à la date du décès du survivant des disposants, soit en 1999, a violé les articles 922 et 1077-2 anciens du code civil ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 1077-2, alinéa 1er, du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 71-523 du 3 juillet 1971 et antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, applicable en la cause, les donations-partages suivent, en principe, les règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne l'imputation, le calcul de la réserve et la réduction ; qu'il s'ensuit que les dispositions de l'article 922 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, s'appliquent à la composition de la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible qui doit être constituée pour déterminer s'il y a lieu à réduction; qu'aux termes de l'article 1077-2, alinéa 2, dans la même rédaction, l'action en réduction ne peut être introduite qu'après le décès de l'ascendant qui a fait le partage ou du survivant des ascendants en cas de partage conjonctif ; qu'un tel partage est indivisible par la volonté des donateurs qui ont constitué une masse unique de leurs biens pour les répartir sans considération de leur origine ; que la quotité dont celui qui a survécu à l'autre pouvait disposer n'étant déterminable qu'à son décès, la valeur de l'ensemble des biens donnés doit être fixée à cette date ; qu'ayant exactement écarté l'application en l'espèce des dispositions de l'article 1078 du code civil dans sa rédaction issue de la même loi après avoir constaté que tous les enfants n'avaient pas reçu un lot dans le partage anticipé, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que, s'agissant d'une donation-partage conjonctive, les biens dont les donateurs ont ainsi disposé sont réunis d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession du survivant des donateurs ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. René X... fait aussi grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande de paiement d'un salaire différé alors, selon le moyen, que les juges du fond sont tenus d'analyser, même sommairement, les pièces qui leur sont soumises ; qu'en l'espèce, pour rejeter les demandes de salaire différé formées par M. René X..., la cour d'appel a énoncé qu'il ne justifiait par aucune pièce de ce qu'il aurait travaillé pour le compte de son père, M. Louis X... sans être associé aux bénéfices et aux pertes et sans recevoir de rémunération ; qu'en s'abstenant d'analyser même sommairement l'attestation de la caisse de retraite MSA dont il résultait que M. X... avait été aide familial dans l'exploitation de son père du 1er juillet 1952 au 31 décembre 1969, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, devant la cour d'appel, M. René X... s'était borné à faire valoir qu'il était créancier d'un salaire différé d'un montant de 7 558,89 euros à l'ouverture de la succession de son père, à réactualiser à la date d'ouverture de la succession de sa mère, sans donner aucune précision sur les conditions d'ouverture de ce droit ni faire spécialement état de la pièce visée au moyen ; que dès lors, c'est sans encourir la critique du moyen que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur la portée de cette pièce, a retenu qu'il ne justifiait pas avoir travaillé pour le compte de l'exploitant sans être associé aux bénéfices et aux pertes ni recevoir de rémunération ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. René X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR dit que pour le calcul de la quotité disponible et de la réserve, les biens dont il a été disposé par la donation partage du 30 avril 1965 devraient être évalués à la date du décès du survivant des disposants ;

AUX MOTIFS QU'« en principe, les biens compris dans une donation partage sont fictivement réunis, pour le calcul de la quotité disponible et de la réserve, pour leur valeur au décès du donateur en application de l'article 922 du Code civil étant donné que l'article 1077-2 alinéa 1 dispose que « les donations partages suivent les règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne l'imputation, le calcul de la réserve et la réduction ». Cependant, l'article 1078 prévoit qu'exceptionnellement les biens sont évalués au jour de la donation partage si tous les enfants vivants représentés au décès de l'ascendant ont reçu un lot dans le partage anticipé et qu'il n'a pas été prévu de réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent. En l'espèce, dès lors que Henri n'a pas été gratifié par la donation partage, cette exception doit être écartée. Faisant application d'une jurisprudence constante, le Tribunal a décidé à bon droit que s'agissant d'une donation partage conjonctive, le bien devait être évalué à la date du décès du survivant des disposants soit en l'espèce en 1999 pour le calcul de la quotité disponible et de la réserve » ;

ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE « selon l'article 1077-2 du code civil l'action en réduction ne peut être introduite qu'après le décès du survivant des ascendants en cas de partage conjonctif, ce qui implique qu'il faille se placer à cette date pour déterminer la valeur des biens conformément à l'article 922 du même code; que la jurisprudence de la Cour de cassation confirme le caractère indivisible du partage conjonctif d'ascendants, ce qui interdit de scinder l'acte selon l'origine de propriété des biens donnés (arrêt de la première chambre civile du 1er juin 1965, publié au bulletin sous le n° 360) ; en l'espèce, s'il est ex act que les biens ayant appartenu en propre à Louis X... forment la quasi-totalité de la donation, il demeure que le caractère conjonctif du partage résulte clairement des clauses stipulant une réserve d'usufruit, le bénéfice d'une rente viagère, ou encore la renonciation des époux aux actions qu'ils pouvaient avoir à exercer contre la communauté ; il convient donc de se placer en 1999 pour apprécier le taux de la réduction de la libéralité faite à René X..., en fonction de la masse des biens de la succession et des règles relatives à la quotité disponible » ;

ALORS QUE le calcul de la réserve se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur et qu'on y réunit fictivement, après en avoir déduit les dettes, ceux dont il a été disposé par donation entre vifs d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession ; qu'en cas de donation partage conjonctive, la réserve de la succession du prémourant des disposants doit donc se déterminer en réunissant fictivement les biens existant au jour de son décès et ceux dont il a disposé par donation partage, ces derniers devant être évalués à la date de son décès ; que la Cour d'appel, en jugeant que pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible, il convenait d'évaluer l'ensemble des biens faisant l'objet de la donation partage conjonctive à la date du décès du survivant des disposants, soit en 1999, a violé les articles 922 et 1077-2 anciens du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR débouté Monsieur René X... de ses demandes de salaire différé ;

AUX MOTIFS QU'« Sur la demande de salaire différé ; cette demande est recevable en application d'une jurisprudence constante qui admet qu'en matière de partage, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif et à la fixation de leurs droits, les demandes formées pour la première fois en appel sont recevables. Monsieur X... ne justifie cependant par aucune pièce de ce qu'il aurait travaillé pour le compte de l'exploitant sans être associé aux bénéfices et aux pertes et sans recevoir de rémunération de sorte qu'il doit être débouté de sa demande » ;

ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'analyser, même sommairement, les pièces qui leur sont soumises ; qu'en l'espèce, pour rejeter les demandes de salaire différé formées par Monsieur René X..., la Cour d'appel a énoncé qu'il ne justifiait par aucune pièce de ce qu'il aurait travaillé pour le compte de son père, Monsieur Louis X... sans être associé aux bénéfices et aux pertes et sans recevoir de rémunération ; qu'en s'abstenant d'analyser même sommairement l'attestation de la caisse de retraite MSA dont il résultait que Monsieur X... avait été aide familial dans l'exploitation de son père du 1er juillet 1952 au 31 décembre 1969, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.



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Conjonctif


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.