par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 20 septembre 2011, 10-20997
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Cour de cassation, chambre commerciale
20 septembre 2011, 10-20.997

Cette décision est visée dans la définition :
Droit du Travail




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1 ter de la loi du 2 janvier 1968 dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 1978 et dans celle issue de la loi du 26 novembre 1990, devenu l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que le droit à rémunération supplémentaire, pour un salarié investi d'une mission inventive, prenant naissance à la date de réalisation de l'invention brevetable et non à celle du dépôt ou de la délivrance d'un brevet, c'est la loi en vigueur à la première de ces dates qui doit seule s'appliquer pour déterminer la mise en oeuvre de ce droit ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui exerçait une activité de chercheur puis de conseiller scientifique du président au sein de la société Pierre Fabre médicaments, devenue Biomérieux Pierre Fabre, estimant que la société Pierre Fabre dermocosmétique, société du même groupe, exploitait plusieurs de ses inventions, a assigné ces deux sociétés aux fins, notamment, de se voir payer un complément de rémunération s'il était jugé que les inventions avaient le caractère d'inventions de mission ;

Attendu que pour accueillir la demande de rémunération supplémentaire de M. X..., au titre des brevets n° 88 15575, 89 04815, 90 2811 et 91 12 044, l'arrêt retient que, si la loi du 26 novembre 1990 a rendu obligatoire, à compter de son entrée en vigueur, la prévision d'une rémunération du salarié inventeur dans les conventions collectives, l'ensemble des dispositions de la convention collective de l'industrie pharmaceutique, à l'exception de l'exigence d'un intérêt exceptionnel pour l'entreprise, demeure applicable aux inventions réalisées avant le 26 novembre 1990 ; qu'il en déduit que cette convention disposant que le salarié se voit attribuer, après la délivrance du brevet, une rémunération supplémentaire, la loi du 26 novembre 1990 doit s'appliquer puisque les brevets revendiqués ont été délivrés après son entrée en vigueur ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Pierre Fabre dermocosmétique et Pierre Fabre à payer à M. X... la somme de 80 000 euros à titre de rémunération supplémentaire pour les brevets n° 88 15575, 89 04815, 90 2811 et 91 12 044, l'arrêt rendu le 16 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Pierre Fabre dermocosmétique et Biomérieux Pierre Fabre ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour les sociétés Pierre Fabre dermocosmétique et Biomérieux Pierre Fabre

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable l'action en rémunération supplémentaire au titre des brevets n° 9112044, n° 8815575, n° 8904815 et n° 902811 et condamné in solidum les sociétés PIERRE FABRE DERMOCOSMETIQUE et PIERRE FABRE à payer à Monsieur X... la somme de 80.000 € à titre de rémunération supplémentaire pour les brevets n° 9112044, n° 8815575, n° 8904815 et n° 902811,

AUX MOTIFS QUE «la loi n° 90-1052 du 26 novembre 1990, en substituant au sein de l'article L 611-7, le terme bénéficie à "peut bénéficier", a rendu obligatoire la prévision d'une rémunération du salarié inventeur dans les conventions collectives à compter de son entrée en vigueur. Dès lors, par application des principes gouvernant la hiérarchie des normes en droit du travail, les inventions réalisées après l'entrée en vigueur de la loi doivent être indemnisées sans qu'il soit nécessaire d'établir qu'elles présentent un intérêt exceptionnel (Com., 22 février 2005, n° 03-11.027 Scrémin ; Com. 22 février 2005, n° 02-18-790, Sonigo).

Mais qu'à l'exception de cette modification législative, l'ensemble des dispositions de la convention collective demeurent applicables aux inventions de mission réalisées avant le 26 novembre 1990.

Il importe donc de déterminer le critère d'applicabilité de la loi.

Selon M. X..., ce serait la date de délivrance du brevet voire le jour où le salarié peut faire valoir ses droits ou celui de la demande, selon les Sociétés FABRE, ce serait la date de réalisation de l'invention.

Il convient pour trancher de se référer à la convention collective applicable en l'espèce.

En effet, le législateur continue à renvoyer aux conventions collectives.

Ainsi, à l'exception de l'exigence d'un intérêt exceptionnel, la convention collective de l'industrie pharmaceutique demeure applicable aux inventions réalisées avant le 26 novembre 1990, comme à celles réalisées après. Or, elle dispose que le salarié se verra attribuer, après la délivrance du brevet, une rémunération supplémentaire….

C'est donc bien la date de délivrance du brevet qui crée le droit à rémunération du salarié.

En l'espèce, les six inventions revendiquées ont fait l'objet de brevets délivrés après l'entrée en vigueur de la loi. Elle leur était donc applicable.

C'est donc à tort que le Tribunal a jugé que les inventions dont les brevets ont été déposés avant le 26 novembre 1990 restaient soumis à l'exigence d'un intérêt exceptionnel de la convention collective ; qu'il sera fait droit sur ce point à l'argumentation de M. X..." (arrêt attaqué p. 11 et 12) ;

ALORS, d'une part, QU'en matière de propriété industrielle, la loi qui a vocation à s'appliquer est celle qui est en vigueur à la date de l'acte qui provoque la mise en oeuvre de la protection légale et donc à la date de la réalisation de l'invention ; que la loi du 26 novembre 1990, qui a modifié l'article 1 ter de la loi du 13 juillet 1978 qui disposait que le salarié, auteur d'une invention de mission, pouvait bénéficier d'une rémunération supplémentaire, pour disposer que ce salarié doit dorénavant bénéficier d'une telle rémunération supplémentaire, ne peut donc s'appliquer au salarié auteur d'une invention de mission qui a été réalisée antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt (p. 7) que les brevets n° 88 15575, n° 89 04815, n° 90 2811 et n° 91 12044 sont datés respectivement des 29 novembre 1988, 12 avril 1989, 17 octobre 1990 et 1er octobre 1991 et donc ont nécessairement été délivrés sur la base d'inventions réalisées antérieurement au 26 novembre 1990 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants tirés des dispositions de la convention collective de l'industrie pharmaceutique selon lesquelles le salarié se verra attribuer, après la délivrance du brevet une rémunération supplémentaire…, la Cour d'appel a violé l'article 2 du Code civil, ensemble l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction ancienne ;

ALORS, d'autre part, QUE (subsidiaire), en matière de propriété industrielle, la loi qui a vocation à s'appliquer est celle qui est en vigueur à la date de l'acte qui provoque la mise en oeuvre de la protection légale et donc à la date du dépôt de la demande de brevet ; que la loi du 26 novembre 1990, qui a modifié l'article 1 ter de la loi du 13 juillet 1978 qui disposait que le salarié, auteur d'une invention de mission, pouvait bénéficier d'une rémunération supplémentaire, pour disposer que ce salarié doit dorénavant bénéficier d'une telle rémunération supplémentaire, ne peut donc s'appliquer au salarié, auteur d'une invention de mission qui a fait l'objet d'une demande de titre de propriété industrielle, antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt (p. 7) que les brevets n° 88 15575, n° 89 04815, n° 90 2811 et n° 91 12044 sont datés respectivement des 29 novembre 1988, 12 avril 1989, 17 octobre 1990 et 1er octobre 1991 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants tirés des dispositions de la convention collective de l'industrie pharmaceutique selon lesquelles le salarié se verra attribuer, après la délivrance du brevet une rémunération supplémentaire…, et après avoir énoncé que c'était à tort que le Tribunal avait jugé que les inventions dont les brevets ont été déposés avant le 26 novembre 1990 restaient soumis à l'exigence d'un intérêt exceptionnel de la convention collective, la Cour d'appel a violé l'article 2 du Code civil, ensemble l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction ancienne ;


ALORS, enfin, QUE (subsidiaire), la Cour d'appel a relevé que la convention collective de l'industrie pharmaceutique prévoit que le salarié se verra attribuer, après la délivrance du brevet, une rémunération supplémentaire … ; que cette disposition ne peut avoir pour effet de rendre applicable la loi du 26 novembre 1990 à des inventions réalisées ou ayant fait l'objet du dépôt d'une demande de brevet antérieurement à son entrée en vigueur, ladite stipulation étant relative non pas à la naissance du droit du salarié au bénéfice d'une rémunération supplémentaire, mais à la date à laquelle cette rémunération supplémentaire devra lui être attribuée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 48 de la Convention de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, dans sa rédaction applicable en l'espèce.



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Droit du Travail


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.