par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 26 octobre 2011, 10-24214
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
26 octobre 2011, 10-24.214

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Communauté conjugale
Notaire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu qu'après le divorce de M. X... et de Mme Y..., mariés sous le régime de la séparation de biens, le mari a demandé l'inscription au compte d'indivision des échéances des emprunts ayant servi à financer l'achat d'un immeuble acquis indivisément et des taxes foncières qu'il avait payées et le remboursement par son épouse des impôts sur le revenu qu'il avait réglés pour le compte de celle-ci pendant la durée du mariage ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à se voir reconnaître, à l'encontre de l'indivision, une créance de 10 364,83 euros au titre du règlement des taxes foncières pour la période allant de 1992 à 2002 et au titre des intérêts des emprunts immobiliers dont il avait assuré le remboursement ;

Attendu qu'après avoir constaté qu'aux termes de leur contrat de mariage, les époux étaient tenus de contribuer aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives, la cour d'appel a estimé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que, pendant plusieurs mois, le mari n'avait payé qu'une facture d'électricité alors qu'il aurait dû assumer les deux tiers des dépenses du ménage et par là-même admis que la contribution de l'épouse avait excédé ses facultés contributives ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a pu décider que les règlements litigieux, opérés par le mari, concernant un immeuble dont elle a relevé qu'il constituait le logement de la famille, participaient de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ; que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 4 du code civil ;

Attendu qu'après avoir exactement décidé que la contribution des époux séparés de biens à la dette fiscale est déterminée au prorata de l'impôt dont ils auraient été redevables s'ils avaient fait l'objet d'une imposition séparée, l'arrêt dit que le montant de la créance de M. X... sera calculé sur cette base par le notaire en charge des opérations de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, à partir des éléments d'information qui lui seront remis par les parties ;

Attendu qu'en se dessaisissant et en déléguant ses pouvoirs au notaire liquidateur, alors qu'il lui incombait de trancher elle-même la contestation dont elle était saisie, la cour d'appel a méconnu son office et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que le montant de la créance de M. X... sera calculé par le notaire en charge des opérations de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, à partir des éléments d'information qui lui seront remis par les parties, l'arrêt rendu le 21 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande tendant à se voir reconnaitre à l'encontre de l'indivision une créance de 10 364,83 euros au titre du règlement des taxes foncières pour la période 1992-2002 et une créance au titre des intérêts d'emprunt immobilier dont il a assuré le remboursement

AUX MOTIFS QUE sur les dépenses afférentes à l'immeuble indivis et les prêts de restructuration, il ressort de l'acte authentique du 31 octobre 1990 que les époux ont fait l'acquisition de la maison litigieuse, chacun pour moitié indivise ; qu'il appartenait dès lors à chacun d'entre eux de financer l'acquisition à proportion de ses droits dans l'immeuble ; que Madame Marie-Laurence Y... démontre avoir versé entre les mains du notaire les sommes de 3.201,43 euros (21.000 francs) et 14.406,43 euros (94.500 francs), soit un total de 17.607,86 euros ; qu'elle dispose donc à ce titre à l'encontre de son ex-époux d'une créance d'un montant de 8.803,93 euros (17.607,86 : 2) ; qu'il est par ailleurs constant que les mensualités des trois emprunts contractés par les époux pour financer une partie du prix d'acquisition ainsi que les travaux de rénovation de l'immeuble, ont été prélevés sur le compte ouvert à la Société Générale portant le numéro 0005114816, ledit compte étant alimenté par les versements effectués par Monsieur X... en provenance de son compte professionnel ; que le traitement de Madame Marie-Laurence Y..., prestations familiales incluses, était viré à un compte ouvert à son nom au Crédit Agricole ; qu'il est acquis aux débats que cette dernière a émis le 30 juillet 1992, un chèque d'un montant de 9.146,94 euros afin de renflouer le compte ouvert à la Société Générale, qui était alors à découvert ; que Madame Marie-Laurence Y... verse aux débats une attestation de la Banque Fédérale Mutualiste dont il résulte qu'une indemnisation d'un montant de 3 695,71 euros, couvrant les échéances de remboursement d'un des trois emprunts lui a. été allouée au titre de l'incapacité totale de travail dont elle a été affectée du 1er avril au 5 août 2001 ; qu'aucune pièce du dossier ne permet toutefois d'établir que cette somme a été versée sur le compte numéro 02170 00051548816 à partir duquel étaient effectués les prélèvements affectés au remboursement des prêts immobiliers ; qu'il ressort du courrier de la Société Générale en date du 21 avril 2004 que le montant total des échéances d'emprunts qui ont été réglées s'élève à la somme de 148.982,90 euros ; qu'il n'est par ailleurs pas contesté que les taxes foncières pour la période comprise entre 1992 et 2002, dont le montant total s'élève à 10.364,83 euros, ont été prélevés sur le compte ouvert auprès de cet organisme financier ; qu'il s'infère de ces contestations : - que Madame Marie-Laurence Y... dispose à l'encontre de son ex-époux d'une créance d'un montant de 9 146,94 euros ; - que dès lors que les remboursements d'emprunts et le règlement de la taxe foncière constituent des impenses nécessaires à la conservation de l'immeuble indivis, Monsieur Jean-Marc X... est en droit, sur le fondement de l'article 815-13 du code civil, de se prétendre créancier à ce titre d'une indemnité à l'égard de l'indivision, sauf à considérer que tout ou partie des dépenses exposées l'ont été par lui à titre de contribution aux charges du mariage ; qu'aux termes du contrat de mariage des parties, il était notamment stipulé d'une part que chacun des époux resterait seul tenu des dettes nées en sa personne, avant ou après le mariage, sauf les exceptions prévues à l'article 220 du code civil, et d'autre part, qu'aux termes de leur contrat de mariage, les époux étaient tenus de contribuer aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives, conformément aux dispositions de l'article 214 du code civil ; qu'il ressort de l'examen des avis d'imposition produits par Monsieur Jean-Marc X... que pendant la période de vie commune, les revenus perçus respectivement par ce dernier et par Madame Marie-Laurence Y... représentaient pour le premier 63,30 % des ressources de la famille et pour la seconde, 36,70 % desdites ressources ; qu'il incombait par conséquent aux conjoints de contribuer dans ces proportions aux charges de la vie courante ; qu'il appartient aux parties, qui prétendent l'une et l'autre que les dépenses qu'elles ont engagées à ce titre ont excédé leur part contributive, d'en rapporter la preuve ; que force est toutefois de constater que les relevés de compte produits par l'un et l'autre des époux ne couvrent qu'une partie de la période considérée, ce qui ne permet pas d'établir un décompte exhaustif des frais qu'elles ont exposés ; qu'il ressort toutefois des quelques documents bancaires versés aux débats par Monsieur Jean-Marc X... que si dans le courant des années 1993 et 1995 apparaissent des débits par carte bancaire liés aux dépenses familiales, les relevés de son compte pour la période comprise entre le 5 décembre 2001 et le 30 avril 2002 ne comportent aucune mention à ce titre, hormis l'existence d'un prélèvement EDF, et ce, alors que l'intéressé aurait dû assumer seul près des deux tiers des charges du ménage qu'il convient dès lors de considérer que les intérêts des trois emprunts immobiliers contractés par les époux ainsi que la taxe foncière ont été réglés par le mari à titre de contribution aux charges du mariage, de sorte qu'il ne peut prétendre en obtenir le remboursement ; qu'en outre la demande par laquelle Monsieur Jean-Marc X... entend se voir reconnaître une créance correspondant au montant des emprunts « de restructuration» qu'il a seul contractés doit être rejetée, étant surabondamment relevé, s'agissant de ce dernier point, que l'intéressé ne précise pas sur quel fondement juridique l'indivision constituée sur l'immeuble pourrait être redevable à son égard d'une quelconque somme à ce titre ; que compte tenu de l'ensemble des éléments il convient, réformant de ce chef le jugement déféré, de dire que Monsieur Jean-Marc X... dispose d'une créance à l'encontre de l'indivision au titre des remboursements des trois emprunts immobiliers, correspondant au capital remboursé jusqu'au 15 avril 2003 ; qu'il y a lieu en outre : de dire que Madame Marie-Laurence Y... dispose à l'encontre de son ex-époux de deux créances dont les montants respectifs s'élèvent à 8.803,93 euros et 9.146,94 euros et de débouter Monsieur Jean-Marc X... de sa demande tendant à se voir reconnaître une créance de 10 364,83 euros à l'encontre de l'indivision au titre du règlement des taxes foncières pour la période comprise entre 1992 et 2002 ainsi que de sa demande relative aux prêts de restructuration ;

1°) ALORS QUE les intérêts d'emprunt contractés par les indivisaires pour l'acquisition d'un bien indivis constituent des impenses nécessaires qui entrent dans le compte d'indivision ; que l'indivisaire qui a acquitté seul le remboursement des prêts nécessaires à l'acquisition du bien indivis en capital et intérêts est créancier envers l'indivision de la part des remboursements en principal et intérêts qui incombait à l'autre indivisaire ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les époux ont fait acquisition de la maison chacun pour moitié indivise et que les mensualités des trois emprunts contractés par les époux pour financer cette acquisition ont été prélevés sur un compte qui était alimenté par les versements effectués par Monsieur X... en provenance de son compte professionnel ; qu'en considérant néanmoins que les intérêts des trois emprunts immobiliers ont été réglés par le mari à titre de contribution aux charges du mariage et devaient de ce fait être déduits de sa créance, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 214 et 815-13 ancien du Code civil ;

2°) ALORS QUE les impenses nécessaires à la conservation d'un bien indivis ouvrent droit au profit de celui qui les a exposés de ses deniers personnel à une indemnité ; que la taxe foncière afférente à un immeuble indivis constitue une impense nécessaire dont l'indivision doit le remboursement à celui des indivisaires qui l'a acquittée ; qu'en estimant que les taxes foncières avaient été réglées par Monsieur X... au titre de sa participation aux charges du ménage pour refuser toute indemnité de ce chef, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 214 et 815-13 ancien du Code civil ;

3°) ALORS QUE en toute hypothèse celui des époux qui prétend avoir engagé des dépenses au-delà de sa part contributive doit en rapporter la preuve ; que la Cour d'appel constate à cet égard que les pièces versées aux débats ne lui permettent pas d'établir un compte exhaustif des frais exposées à ce titre respectivement par les parties ; qu'en acceptant néanmoins de déduire le montant des intérêts d'emprunt immobilier relatif à l'immeuble indivis et les taxes foncières de la créance d'indemnité de Monsieur X... relative aux impenses nécessaires qu'il a exposées, motif pris de ce que, entre décembre 2001 et avril 2002, les relevés de compte de M. X... ne mentionnaient que les dépenses d'EDF, sans exposer qu'elle avait été la participation de Madame Y... aux dépenses communes et sans rechercher si celle-ci avait contribué plus que sa part aux charges du mariage, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la contribution des époux séparés de biens à la dette fiscale est déterminée au prorata de l'impôt dont ils auraient été redevables s'ils avaient fait l'objet d'imposition séparée et que le montant de la créance de Monsieur X... sera calculé sur cette base par le notaire en charge des opérations de liquidation des intérêts matrimoniaux des époux à partir des éléments d'information qui lui seront remis par les parties ;

AUX MOTIFS QU'il ressort de la copie des avis d'imposition produits par Monsieur X... que le montant des impôts sur le revenu des époux pour la période comprise entre 1990 et 2002 s'est élevé à la somme totale de 105 930 euros et qu'il n'est pas contesté que ces impôts ont été payés par Monsieur X... seul ; que l'impôt sur le revenu constitue la charge directe des revenus personnels d'un époux étrangère aux besoins de la vie familiale et ne figue pas au nombre des charges du mariage ; qu'il s'ensuit que Monsieur X... dispose d'une créance à cet égard à l'encontre de Madame Y... ; que pour justifier du quantum de sa demande, Monsieur X... a établi un tableau sur lequel il a fait figurer pour chaque année le montant des revenus imposables du mari et de l'épouse ainsi que la somme qu'il réclame à Madame Y... calculée au prorata des revenus de chacun d'entre eux ; que cependant dès lors que la contribution des époux séparés de biens à la dette fiscale est déterminée au prorata de l'impôt dont ils auraient été redevables s'ils avaient fait l'objet d'une imposition séparée, il apparaît que les calculs effectués par l'intéressé sont erronés ; qu'il convient donc en l'état de retenir le principe de la créance de Monsieur X... et de dire que le montant de celle-ci sera calculée par le notaire en charge des opérations de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux selon la méthode ci-dessus décrite à partir des éléments qui lui seront remis par les parties (arrêt attaqué p. 9 al. 1 à 7) ;

ALORS QUE le notaire chargé des opérations de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux divorcés n'a pour mission que de donner un avis sur l'évaluation des créances des époux relatives au paiement de dettes pour le compte de l'autre ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur la contestation opposant Madame Y... à Monsieur X... sur l'évaluation de la créance de remboursement des impôts acquittés exclusivement par ce dernier et en déléguant ses pouvoirs au notaire liquidateur chargé de calculer le montant de cette créance, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Communauté conjugale
Notaire


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.