par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 15 novembre 2011, 10-15049
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Cour de cassation, chambre commerciale
15 novembre 2011, 10-15.049

Cette décision est visée dans la définition :
SARL (Sociétés à Responsabilité Limitée)




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société à responsabilité limitée Clos du Baty, ayant pour gérant M. X... et pour autres associés la société Fabi, M. Y... et la société DL finances, a engagé la construction de la première des deux tranches d'un programme immobilier destiné à la gendarmerie nationale ; que reprochant à M. X... et à la société Fabi d'avoir détourné à leur profit les bénéfices de la première tranche du programme immobilier et d'avoir fait réaliser la seconde par une société civile immobilière Chanterie, ayant pour gérant M. X..., M. Y... et la société DL finances les ont assignés en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et ont sollicité la condamnation de M. X... et de la société Fabi au paiement de dommages-intérêts pour comportement déloyal ; que le 7 février 2007, M. Y... et la société DL finances ont déposé plainte avec constitution de partie civile des chefs de divers délits financiers visant M. X... en sa qualité de gérant de la société Clos du Baty ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... et la société DL finances font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale à intervenir alors, selon le moyen :

1°/ qu'il est sursis à statuer sur l'action civile lorsque la décision à intervenir sur l'action publique en cours est de nature à influer sur la solution du litige ; qu'en déboutant M. Y... et la société DL finances de leur demande de sursis à statuer en retenant qu'ils n'étaient pas recevables à saisir la juridiction pénale d'une même demande que celle dont ils avaient déjà saisi la juridiction civile, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure pénale ;

2°/ que M. Y... et la société DL finances faisaient valoir que l'arrêt de la chambre de l'instruction du 2 avril 2009, qui ordonnait un complément d'information afin de déterminer les responsabilités encourues dans le détournement de la clientèle, constituait un élément nouveau de nature à influer sur la solution du litige ; qu'en se bornant à adopter les motifs de l'ordonnance du 18 octobre 2008 du conseiller de la mise en état, sans répondre aux conclusions de M. Y... et de la société DL finances sur ce point déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 4 du code de procédure pénale, modifié par la loi n 2007-291 du 5 mars 2007, loi de procédure d'application immédiate en l'absence de disposition spéciale, la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ; que le moyen est inopérant ;

Et sur le second moyen, pris en sa deuxiéme branche :

Attendu que M. Y... et la société DL finances font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes en paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que l'associé, tenu d'un devoir de loyauté, ne peut entreprendre, sans en informer les autres associés, un projet pour le compte d'une autre société, fût-il distinct, qui vient en concurrence avec celui présenté par la société ; que dès lors, en considérant que la société Fabi n'avait pas engagé sa responsabilité, par des motifs inopérants selon lesquels l'abandon du projet initial était le fruit de la volonté de la gendarmerie et que les deux projets étaient distincts, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si l'associé n'avait pas engagé sa responsabilité en menant de front deux projets parallèles pour deux sociétés différentes, sans en informer ses coassociés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que, sauf stipulation contraire, l'associé d'une société à responsabilité limitée n'est, en cette qualité, tenu ni de s'abstenir d'exercer une activité concurrente de celle de la société ni d'informer celle-ci d'une telle activité et doit seulement s'abstenir d'actes de concurrence déloyaux ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le second moyen, pris en sa troisième branche, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 223-22 du code de commerce ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. Y... et de la société DL finances en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'attitude déloyale de M. X..., l'arrêt retient que la gendarmerie nationale qui devait investir massivement dans la commune de Saint-Astier a très largement réduit l'ampleur de ses projets et que l'opération de construction finalement portée par la société La Chanterie constituait un projet distinct de celui que se proposait de réaliser la société Clos du Baty ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure tout manquement de M. X... à l'obligation de loyauté et de fidélité pesant sur lui en raison de sa qualité de gérant de la société Clos du Baty, lui interdisant de négocier, en qualité de gérant d'une autre société, un marché dans le même domaine d'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. Y... et de la société DL finances en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de M. X..., l'arrêt rendu le 26 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne M. X... et les sociétés Fabi, Clos du Baty et la Chanterie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. Y... et à la société DL finances la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société DL finances et M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;

Aux motifs propres que «pour les motifs, ici adoptés, déjà développés par le conseiller de la mise en état dans son ordonnance du 14 octobre 2008, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer» ;

Et aux motifs adoptés que «les actions civile et pénale intentées par les appelants sont identiques au sens des dispositions de l'article 5 du code de procédure pénales».

En effet, ces actions interviennent entre les mêmes parties et elles ont même cause, la réalisation par la SCI LA CHANTERIE d'un programme immobilier qui aurait été dans le portefeuille de la SCI CLOS DU BATY, et même objet puisqu'elles tendent pareillement à faire reconnaître que François X... et les sociétés qu'il anime se sont livrés à des actes de concurrence déloyale et à obtenir restitution de sommes qui auraient été détournées (75.812.47 €).

Aussi, au regard des dispositions de l'article 5 sus-visé, la demande de sursis à statuer n'est pas justifiée» ;

Alors, d'une part, qu'il est sursis à statuer sur l'action civile lorsque la décision à intervenir sur l'action publique en cours est de nature à influer sur la solution du litige ; qu'en déboutant les exposants de leur demande de sursis à statuer en retenant qu'ils n'étaient pas recevables à saisir la juridiction pénale d'une même demande que celle dont ils avaient déjà saisi la juridiction civile, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure pénale ;

Alors, d'autre part, que les exposants faisaient valoir que l'arrêt de la chambre de l'instruction du 2 avril 2009, qui ordonnait un complément d'information afin de déterminer les responsabilités encourues dans le détournement de la clientèle, constituait un élément nouveau de nature à influer sur la solution du litige ; qu'en se bornant à adopter les motifs de l'ordonnance du 14 octobre 2008 du conseiller de la mise en état, sans répondre aux conclusions des exposants sur ce point déterminant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les exposants de leurs demandes tendant à dire et juger que Monsieur X..., la société FABI, la SCI LA CHANTERIE devaient être condamnés à leur payer 190 243,00 € au titre de 50% des profits qui auraient dû être réalisés par la SARL LE CLOS DU BATY lors de la réalisation de la deuxième tranche dite «gendarmerie», 90 000,00 € au titre des bénéfices perdus sur la première tranche «Les Brandes I» et 300 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour attitude déloyale de Monsieur X... et de la SA FABI ;

Aux motifs que «ces deux actions ont la même cause, la migration de la société DU BATY vers la société CHANTERY d'un programme immobilier destiné à satisfaire les besoins de la gendarmerie nationale sur la commune de Saint Astier (24).

La société DL Finances et Monsieur Daniel Y..., voudraient apporter la preuve des fautes reprochées aux intimés, en expliquant que le programme immobilier réalisé par la société La Chanterie, à deux unités près, était le même que celui projeté pour la deuxième tranche de travaux de la sociétgé du Baty.

Mais, il ressort des pièces versées aux débats et notamment des courriers de la gendarmerie et du maire de la commune de Saint Astier que les projets de la gendarmerie ont évolué au fil du temps. C'est ainsi, notamment, que lors de la constitution de la société Du Baty, la gendarmerie nationale envisageait la location sur les terrains achetés par la société du Baty de 53 logements. A la fin de la réalisation de la première tranche de travaux (18 logements), les 35 logements restants sont devenus 13 villas, projet qui a finalement été définitivement abandonné en 2005 (courrier de la gendarmerie nationale du 25 octobre 2005 – projet de construction d'un casernement locatif au lieu dit les Brandes – Monsieur X..., Je suis au regret de vous informer que le projet de prise à bail de 13 logements ayant fait l'objet des correspondances référencées, n'a pas été agréé en l'état par la direction de la gendarmerie).

Par ailleurs, interrogé par Monsieur X... qu'il informait des suspicions de son associé, le maire de la commune de Saint Astier répondait en ces termes : «S'agissant des logements que vous avez réalisés à la demande de la municipalité après que plusieurs promoteurs privés se soient désistés, ils étaient destinés à la relocalisation sur Saint Astier du personnel de l'école logé hors commune … /… Je regrette que vous ayez dû annuler les permis de construire N°24372003R1077 et n° 2437205R1020 prévoyant 58 et 13 logements après que le peloton autoroutier retienne un autre projet de logement et que le CNEFG modifie ses objectifs».

Au terme de ce courrier, il est clairement établi que la gendarmerie nationale qui devait investir massivement la commune de Saint Astier a très largement réduit l'ampleur de ses projets et que l'opération de construction finalement portée par la société Chanterie constituait un projet distinct de celui que se proposait de réaliser la société du Baty (53 logements, devenus 18 logements + 13 villas avant que ne soit reportée, sine die, l'édification des 13 villas.

Par voie de conséquence, la décision déférée sera confirmée qui déboute monsieur Daniel Y... et la société DL finances de leurs demandes fins et conclusions» ;

Alors, d'une part, que le dirigeant de société, tenu d'un devoir de loyauté, ne peut entreprendre, sans en informer les associés, un projet pour le compte d'une autre société, fût-il distinct, qui vient en concurrence avec celui présenté par la société ; que dès lors, en considérant que M. X... n'avait pas engagé sa responsabilité, par des motifs inopérants selon lesquels l'abandon du projet initial était le fruit de la volonté de la gendarmerie et que les deux projets étaient distincts, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si le gérant n'avait pas engagé sa responsabilité en menant de front deux projets parallèles pour deux sociétés différentes, sans en informer les associés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Alors, d'autre part, que l'associé, tenu d'un devoir de loyauté, ne peut entreprendre, sans en informer les autres associés, un projet pour le compte d'une autre société, fût-il distinct, qui vient en concurrence avec celui présenté par la société ; que dès lors, en considérant que la société FABI n'avait pas engagé sa responsabilité, par des motifs inopérants selon lesquels l'abandon du projet initial était le fruit de la volonté de la gendarmerie et que les deux projets étaient distincts, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si l'associé n'avait pas engagé sa responsabilité en menant de front deux projets parallèles pour deux sociétés différentes, sans en informer ses coassociés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;


Alors qu'enfin les exposants fondaient leur action en responsabilité sur la non-distribution des bénéfices au titre du premier projet réalisé (Conclusions d'appel des exposants, p. 25 et s.) ; qu'en se bornant à se prononcer sur l'existence d'actes de concurrence déloyale et en s'abstenant de répondre à de telles conclusions péremptoires, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
SARL (Sociétés à Responsabilité Limitée)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.