par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 23 novembre 2011, 10-16770
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
23 novembre 2011, 10-16.770

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Aléatoire
Mandat




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Claude X..., qui avait souscrit un contrat d'assurance-vie auprès de la société Predica, est décédé le 8 avril 2000 en l'état d'un testament olographe du 4 septembre 1998 instituant Mme Y..., épouse Z..., légataire universelle ; qu'au vu d'un testament olographe du 14 décembre 1999, Mme A... a été envoyée en possession par ordonnance du 22 juin 2000 ; qu'ayant connu le défunt et estimant que ce dernier testament était un faux, M. B... a proposé à Mme Z... de mener pour son compte toutes les procédures judiciaires nécessaires pour faire reconnaître ses droits, d'en avancer et d'en supporter le coût en cas d'échec ; que, par acte sous seing privé du 21 septembre 2000, Mme Z... a pris l'engagement, en cas de succès, de verser à M. B... qui l'assistait moralement et financièrement, au titre des procédures engagées à l'encontre de Mme A... et de la société Predica, un pourcentage des sommes nettes recouvrées à l'encontre de cette société et de la succession de Claude X... et de lui rembourser les frais de procédure ; que l'ordonnance d'envoi en possession au bénéfice de Mme A... ayant été rétractée et la société Predica ayant payé à Mme Z... le capital garanti, cette dernière a versé à M. B... le pourcentage convenu de la somme perçue ; qu'après que Mme Z... eut été envoyée en possession de son legs par ordonnance du 25 février 2004, M. B... l'a assignée en paiement de la rémunération convenue sur l'actif net successoral ; que Mme Z... a reconventionnellement sollicité la réduction de cette rémunération ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche ci-après annexé :

Attendu que ce grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;


Mais sur la deuxième branche du moyen :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande de Mme Z... tendant à la réduction de la rémunération de M. B..., l'arrêt retient que l'argument tiré de la "proportion" entre l'aide financière apportée et le bénéfice retiré est dépourvu de toute pertinence puisque M. B... a pris le risque de supporter en pure perte des frais de procédure et qu'il s'agit seulement de la réalisation d'un aléa ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que l'aléa exclusivement supporté par M. B... ne faisait pas obstacle à la réduction éventuelle de la rémunération convenue, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si cette rémunération n'était pas excessive au regard du service rendu, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme Z... à payer à M. B... la somme de 2 515 409 euros avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation en exécution de la convention du 21 septembre 2000, l'arrêt rendu le 18 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne M. B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. B..., le condamne à payer à Mme Z... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Madame Z... à payer à Monsieur B... la somme de 2.515.409 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en exécution de la convention du 21 septembre 2000 ;

AUX MOTIFS QUE par écrit du 21 septembre 2000, Madame Z... a pris l'engagement suivant ; « Je soussignée Christiane Odette Z... (…) m'engage irrévocablement à verser en cas de succès, à Monsieur François B... (…) ou à ses ayants droits, qui m'assiste moralement et financièrement dans le cadre des procédures engagées à l'encontre de Madame Solange A... et de la société Predica un pourcentage de 30 % des sommes nettes recouvrées à l'encontre de la société Prédica et de la succession de monsieur Claude X..., la présente convention annule et remplace la précédente convention du 20 mai 2000 (…) » ; qu'un avenant à cette convention a été signé par Madame Z... et Monsieur B... le 26 janvier 2001 ; qu'il reprend les termes de l'engagement de Madame Z... et prévoit que le versement du pourcentage se fera par chèque bancaire à l'ordre de Monsieur B..., les sommes transitant par le compte CARPA de l'Ordre des avocats de la cour d'appel de Paris ; qu'il ressort clairement de la convention du 21 septembre 2000 que le paiement du pourcentage de 30 % des sommes nettes recouvrées au titre de l'assurance vie et de l'actif net successoral est subordonné au succès des procédures en cours ; qu'il correspond à la rémunération de Monsieur B... qui apporte son concours tant au plan matériel par l'avance des frais de procédure et par la prise en charge des diverses démarches et qu'au plan moral par le soutien qu'il apporte à Madame Z... ; que comme l'a exactement relevé le tribunal, il est établi et d'ailleurs non contesté que Monsieur B... a contacté un avocat, a recherché un expert en écriture, a préparé la saisine des juridictions et notamment la plainte avec constitution de partie civile qui a permis de mettre en évidence la fraude organisée par Madame A... et d'autres personnes dont la culpabilité a été retenue par le tribunal correctionnel, qu'il a fait l'avance de tous les frais de procédure dont il n'a pu obtenir le remboursement qu'en 2006 suite à une instance en référé ; qu'il a pris toutes les initiatives nécessaires au succès de l'action et a soutenu Madame Z... dans toutes les démarches grâce à une préparation précise et parfaitement adaptée à la situation ; que c'est lui qui supportait tous les risques puisqu'en cas d'échec, il conservait la charge des frais ; qu'en revanche c'est à tort que le tribunal a considéré qu'après le versement d'une somme correspondant à 30 % du montant des assurances-vie, Monsieur B... se serait désintéressé de la suite du litige jusqu'en 2004 de sorte qu'il ne pourrait plus prétendre à la perception de 30 % sur l'actif net de la succession ; qu'en effet, après la plainte déposée par Madame Z..., le 15 novembre 2000 des chefs de faux, usage de faux et escroquerie, le juge d'instruction a été saisi ; que l'ordonnance de renvoi des mis en examen devant le tribunal correctionnel a été rendue le 12 septembre 2003 et le tribunal correctionnel a statué par jugement du 10 mars 2005, que durant cette période, l'intervention de Monsieur B... ne pouvait qu'être suspendue, l'évolution du litige dépendant de l'issue de la procédure pénale ; que ce dernier a néanmoins régulièrement contacté par téléphone Madame Z... comme le démontrent les relevés de communication téléphoniques en 2002, 2003 et 2004 ; qu'il ressort des correspondances produites aux débats, que Monsieur B... a cherché à poursuivre son intervention mais s'est heurté au silence de maître de C... (lettre du 17 avril 2004, 7 mai 2004) auquel il avait confié ce dossier, étant précisé que l'avocat a perçu un honoraire de résultat très important le 4 juillet 2001 à hauteur de 1.145.883.10 euros, et la décision de Madame Z... de ne plus recourir à ses services une fois l'affaire quasiment réglée (lettres du 19 juin 2004, 25 juin, 9 juillet 2004 de Monsieur B... et lettre du 13 juillet 2004 de Madame Z... ; alors que toutes les difficultés étaient résolues puisque la légataire a bénéficié d'un envoi en possession en février 2004, et qu'il ne restait plus qu'à procéder à la liquidation de la succession, qui s'est effectuée sans problème comme elle l'a expressément reconnu dans ses conclusions, Madame Z... a tenu Monsieur B... à l'écart et a poursuivi les démarches avec la seule assistance de son conseil, Maître de C... ; qu'il ne peut être fait grief à Monsieur B... d'avoir manqué à son engagement d'assistance tant matérielle que morale alors qu'il a mis en oeuvre les procédures appropriées et que Madame Z..., grâce aux interventions de celui-ci et à sa ténacité, a pu voir reconnaître sa qualité de légataire universelle à laquelle elle ne croyait pas puisqu'elle avait écrit le 23 mai 2000 à Maître de C... : « je ne désire pas pour le moment aller au-delà », le notaire l'ayant encouragée dans ses positions ; qu'il apparaît en conséquence que les conditions prévues dans la convention du 21 septembre 200 sont remplies à savoir le succès grâce à l'assistance morale et financière de Monsieur B... ; que Madame Z... ne peut remettre en cause son engagement dès lors qu'il n'est pas contestable que la reconnaissance de sa qualité de légataire universelle est due à la persévérance et au travail de l'appelant qui n'a pas failli à sa mission car il ne ressort nullement de la convention qu'il devait une assistance morale et financière permanente ;

ET AUX MOTIFS QUE quant à l'argument tiré de la proportion entre l'aide financière apportée et le bénéfice retiré, il est dépourvu de toute pertinence car Monsieur B... a pris le risque de supporter en pure perte des frais de procédure ; qu'il s'agit seulement de la réalisation d'un aléa ; qu'il n'est pas davantage établi que Madame Z..., âgée de 65 ans lors de la signature de la convention, aurait été victime d'un abus de faiblesse ou soumise à une quelconque contrainte, ni qu'elle aurait été une personne particulièrement vulnérable ; qu'il doit être relevé que dès le décès de Claude X..., elle a cherché dans la table de la cuisine le testament dont elle se savait bénéficiaire pour en assurer le dépôt en l'étude du notaire ce qui démontre qu'elle était en pleine possession de ses capacités intellectuelles et apte à prendre toutes les décisions qu'elle estimait conforme à ses intérêts ;

ET AUX MOTIFS QUE Monsieur B... peut donc légitimement prétendre au paiement de 30 % de l'actif net de la succession ; que pour chiffrer le montant de sa demande, il a sollicité d'abord en référé puis dans le cadre de la présence instance par voie de sommation, la communication de la déclaration de succession et du montant des droits de succession ; que Madame Z... s'est opposée à la production de ces pièces qui seules sont de nature à établir le montant exact de la somme due ; que Madame Z... ne peut faire grief à Monsieur B... de ne pas produire des pièces qu'elle seule détient ; que Madame Z... ayant elle-même admis dans ses écritures pour l'audience des référés du 19 décembre 2000 que l'actif successoral peut être estimé à 55.000.000 de francs soit 8.384.696 euros et se refusant à produire la déclaration de succession et le montant des droits de mutation, il convient de faire droit à la demande de Monsieur B... à hauteur de 2.515.409 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

ALORS d'une part QUE la loi n'accorde aucune action pour le paiement d'un pari ; qu'en proposant à Madame Z... un contrat aux termes duquel s'il arrivait à rapporter la preuve de son intuition selon laquelle le testament de Monsieur X... au profit de Madame A..., et qui révoquait celui rédigé antérieurement au profit de Madame Z..., était un faux, cette dernière s'engagerait à lui remettre 30 % de l'actif net de la succession recueillie, Monsieur B..., qui a pris le risque d'engager à perte les moyens financiers nécessaires à la preuve de son intuition, a parié sur l'existence d'une fraude commise par Madame A... ; qu'en recevant l'action en paiement de Monsieur B... sur le fondement d'une telle convention, la Cour d'appel a violé l'article 1965 du Code civil ;

ET ALORS, à titre subsidiaire, QUE les juges du fond ont toujours le pouvoir de réduire les honoraires convenus entre les parties à une convention passée en vue de révélation d'une succession lorsqu'ils paraissent exagérés au regard du service rendu ; qu'en refusant d'apprécier la disproportion entre le service effectivement rendu par Monsieur B... dans le cadre de la procédure ayant abouti à la reconnaissance des droits de Madame Z... contre la succession de Monsieur X..., et l'honoraire de résultat d'un montant de 30 % des sommes nettes de la succession recouvrées par Madame Z..., au motif que Monsieur B... avait pris le risque de supporter en pure perte ces frais de procédure, et que cette disproportion était la seule conséquence d'un aléa, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;


ALORS enfin QU'en condamnant Madame Z... à payer à Monsieur B... une somme représentant 30 % de l'actif brut de la succession de Monsieur X... alors qu'aux termes de la convention du 26 janvier 2001, les honoraires dus à Monsieur B... étaient fixés à 30 % des sommes recouvrées sur l'actif net de la succession, la Cour d'appel a méconnu les termes de cette convention et violé en conséquence l'article 1134 du Code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.