par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 23 novembre 2011, 10-25206
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
23 novembre 2011, 10-25.206
Cette décision est visée dans la définition :
Divorce / séparation de corps
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... de nationalité américaine et Mme Y..., de nationalité anglaise, mariés en Angleterre, le 1er août 1963, ont vécu en France de 1963 à 1969 où sont nés leurs trois enfants en 1963,1965 et 1967 ; qu'en 1969 M. X... est parti travailler au Liban alors que son épouse retournait en Angleterre avec les enfants, la vie commune des époux n'ayant jamais repris ; que M. X... domicilié en France a déposé une requête en divorce devant le tribunal de grande instance de Paris le 29 avril 2003 ; que le divorce a été prononcé aux torts exclusifs de M. X... qui a été condamné à payer une prestation compensatoire et des dommages-intérêts à Mme Y... ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à justifier l'admission d'un pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles 3 et 309 du code civil ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes qu'il incombe au juge français, s'agissant de droits dont les parties n'ont pas la libre disposition, de mettre en oeuvre, même d'office, la règle de conflit de lois et de rechercher, au besoin avec le concours des parties, la teneur du droit étranger applicable ; que selon le second, lorsque l'un et l'autre époux ne sont pas de nationalité française ou domiciliés en France et que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce, celui-ci n'est régi par la loi française que lorsqu'aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente ;
Attendu que pour prononcer le divorce et condamner M. X... au versement d'une prestation compensatoire, la cour d'appel a fait application du droit français ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les époux étaient, l'un de nationalité américaine, l'autre de nationalité anglaise, et que l'épouse était domiciliée en Angleterre, de sorte qu'il lui incombait de rechercher si une loi étrangère se reconnaissait compétente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 14 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris sauf en ce qu'il a reconnu la compétence de la juridiction française ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir par application des articles 242 et suivants du Code civil dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004, prononcé le divorce des époux X... aux torts exclusifs de Monsieur X... et condamné celui-ci à verser à son épouse les sommes de 34.000 euros à titre de prestation compensatoire et 5.000 euros au titre des dommages et intérêts ;
alors qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Monsieur et Madame X... sont tous deux de nationalité étrangère, respectivement américaine et britannique ; que si Monsieur X... déclare résider en France, Madame X... a sa résidence habituelle en Grande-Bretagne, pays où les époux se sont mariés ; que depuis son entrée en vigueur le 1er mars 2001, le Règlement 1347/2000 du 29 mai 2000 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs s'impose au juge français ; que l'article 2 du Règlement fixe les règles de compétence judiciaire directe et que l'article 9 contraint la juridiction d'un Etat membre saisie à vérifier sa compétence au regard desdites règles et à se déclarer d'office incompétente si elle est « saisie d'une affaire pour laquelle sa compétence n'est pas fondée et pour laquelle une juridiction d'un autre État membre est compétente » ; que la Cour d'appel, en l'état des éléments d'extranéité précités, aurait dû faire application du Règlement 1347/2000 et rechercher si elle était compétente sur le fondement de l'article 2 et si la juridiction d'un autre Etat membre ne l'était pas ; qu'en omettant de procéder d'office à cette vérification, elle a violé les dispositions des articles 2 et 9 du Règlement ;
alors qu'aux termes de l'article 2 du Règlement 1347/2000, « sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'État membre: a) sur le territoire duquel se trouve: - la résidence habituelle des époux ou - la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l'un d'eux y réside encore ou - la résidence habituelle du défendeur ou - en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l'un ou l'autre époux ou - la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande ou - la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l'État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, s'il y a son "domicile"; b) de la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, du "domicile" commun » ; qu'en se bornant à relever que Monsieur X... déclarait résider en France sans rechercher s'il justifiait d'une résidence habituelle en France depuis au moins une année avant l'introduction de sa demande, seule susceptible en l'état de ses constatations de justifier la compétence de la juridiction française, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du Règlement précité ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATON (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir par application des articles 242 et suivants du Code civil dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004, prononcé le divorce aux torts exclusifs de Monsieur X..., et d'avoir condamné celui-ci à verser à Madame Y... les sommes de 34.000 euros à titre de prestation compensatoire et de 5.000 euros de dommages et intérêts ;
aux motifs que Monsieur X... a fait assign er son épouse en divorce par acte du 09 novembre 2004 ; que c'est la loi ancienne sur le divorce qui s'applique ; qu'en conséquence, la décision déférée sera confirmée et le divorce prononcé aux torts exclusifs du mari ;
alors, de première part, qu'en vertu de l'article 309 alinéa 3 du Code civil, dans l'hypothèse où les époux n'ont pas l'un ou l'autre la nationalité française ni ne sont domiciliés l'un et l'autre sur le territoire français, la loi française n'a vocation à régir le divorce que si les juges français sont compétents et si « aucune loi étrangère ne se reconnaît compétence » ; que dans une matière comme le divorce, où les parties n'ont pas la libre disposition de leurs droits, le juge doit appliquer d'office cette règle de conflit et, partant, rechercher si aucune loi étrangère ne se reconnaît compétence ; qu'en omettant de soulever d'office la règle de conflit de lois, alors que les époux n'avaient pas de domicile commun en France et étaient de nationalités britannique et américaine, la Cour d'appel a violé les articles 3 et 309 alinéa 3 du Code civil ainsi que l'article 12 du Code de procédure civile ;
alors, de deuxième part, qu'en s'abstenant de rechercher si la loi nationale de l'un et l'autre des époux ou la loi du domicile de l'épouse ne se reconnaissait pas compétente, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 309 alinéa 3 du Code civil ainsi que l'article 12 du Code de procédure civile ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné Monsieur X... à verser à son épouse une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 34.000 euros fractionné en versements d'une somme de 350 euros pendant 95 mois et le solde restant au 96ème mois ;
aux motifs que le divorce met fin au devoir de secours, mais que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; que cette prestation est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération notamment : - la durée du mariage, - l'âge et l'état des époux, - leur qualification et leur situation professionnelles, - les conséquence s des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer, ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, - le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, - leurs droits existants et prévisibles, - leur situation respective en matière de pension de retraite ; que cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ; que celui-ci décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital, parmi les formes suivantes : versement d'une somme d'argent, attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage ; que les époux se sont mariés en 1963 sans contrat de mariage ; qu'ils sont âgés respectivement de 70 ans pour le mari et de 74 ans pour la femme ; que l'appelant a eu en héritage de sa mère la somme de 320.000 euro s ; qu'à la suite de son licenciement il a touché la somme de 140.117 euro s ; que de la vente d'une maison à Gordes il a perçu la somme de 133.803 euro s ; que l'ensemble de ces sommes aurait été dilapidé ; qu'actuellement il dispose d'une retraite de 3.727 euro s par mois ; qu'il est logé gracieusement par Madame A... ; que l'intimée qui a débuté une carrière d'actrice, n'a pratiquement jamais travaillé ; qu'elle perçoit une aide sociale anglaise d'un montant de 680 euro s ; qu'elle vit avec deux enfants handicapés âgés de 45 et 41 ans ; que lui est versée une allocation adulte handicapé d'un montant de 488 euro s ; qu'elle est propriétaire de la maison dans laquelle elle vit avec les deux enfants handicapés ; que les parties invoquent des dépenses courantes conformes à leur train de vie ; que les époux ne font état d'aucun problème particulier de santé ; que la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes, ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les époux ; qu'elle doit permettre d'éviter que l'un des époux soit plus atteint que l'autre par le divorce ; qu'il apparaît de l'ensemble de ces éléments que le prononcé du divorce crée une disparité entre les conditions de vie respectives des époux, et au détriment de l'épouse, qu'il y a lieu de compenser en lui attribuant une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 34.000 euro s fractionné en versements d'une somme de 350 euro s pendant 95 mois et le solde restant au 96ème mois ;
alors d'une part, qu'en affirmant, dans l'évaluation des ressources de l'époux, que l'ensemble des capitaux qu'il aurait perçus aurait été dilapidé, la Cour d'appel s'est prononcée par un motif dubitatif et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du Code civil ;
alors d'autre part, qu'aux termes de l'article 271 du Code civil la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que les revenus ou allocations destinés aux enfants ou perçus par eux, à quelque titre que ce soit, ne sauraient entrer dans l'appréciation des ressources des époux ; que la Cour d'appel qui, pour réduire le montant de la prestation compensatoire accordée à Madame Y... par les juges de première instance, a pris en compte dans les revenus de l'intimée l'allocation adulte handicapé versée à son fils aîné pour un montant de 488 euros par mois, a ainsi violé l'article 271 du Code civil ;
alors enfin, que sur l'étendue du patrimoine de Monsieur X..., l'exposante faisait valoir dans ses écritures d'appel que ce dernier n'avait pas communiqué le montant de ses avoirs détenus aux Etats-Unis, pourtant conséquents, alors qu'aux termes des articles 259-3 et 272 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004, il était tenu de communiquer toutes informations financières utiles pour fixer la prestation compensatoire, et alors que Madame Y... avait expressément sollicité la production d'une déclaration portant sur lesdits avoirs ; qu'en fixant la prestation compensatoire à 34.000 euros sans répondre aux conclusions de Madame Y... dont elle était saisie, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs violant ainsi les articles 455 et 458 du Code de procédure civile.
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Cette décision est visée dans la définition :
Divorce / séparation de corps
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.