par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 21 mars 2012, 10-21737
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, chambre sociale
21 mars 2012, 10-21.737

Cette décision est visée dans la définition :
SMIC (Salaire minimum de croissance)




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (Moulins, 3 juin 2010), que Mme X... et trente-et-un autres salariés de la société Carcoop France, exploitant un magasin Carrefour, contestant que l'employeur puisse inclure dans le calcul du SMIC la rémunération du temps de pause, ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement d'un rappel de salaire par suite du non-respect du SMIC ;

Attendu que l'employeur fait grief au jugement de dire qu'il a versé aux salariés une rémunération inférieure au SMIC et de le condamner à leur verser diverses sommes à titre de rappel de salaire, alors, selon le moyen :

1°/ que le SMIC est une norme nationale d'ordre public dont les composantes ne sauraient varier en fonction de la volonté des partenaires sociaux qui restent libres par ailleurs de définir à leur guise les minima de salaire conventionnels ; qu'au terme de l'article D. 3231-6 doivent être prises en compte dans la comparaison entre le salaire réel et le SMIC les majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire, c'est-à-dire toutes les sommes perçues par un salarié en contrepartie ou à l'occasion de son travail, de sorte que sont seules exclues du calcul du salaire devant être au moins égal au SMIC, outre les éléments figurant à l'article D. 3231-6, alinéa 2, les primes liées à une situation ou à une sujétion particulière du salarié envers l'entreprise et les primes dont le versement est aléatoire ; que les primes ou sommes versées de façon uniforme et systématique à tous les salariés constituent des «compléments de salaire de fait» et sont à retenir pour effectuer la comparaison entre le salaire perçu par le salarié et le salaire minimum de croissance ; que tel était le cas de la rémunération forfaitaire des temps de pause, devant être versée de façon uniforme et systématique à tous les salariés, proportionnellement à leur temps de travail effectif et indépendamment de la prise d'une pause ; qu'en se fondant sur les données conventionnelles des accords collectifs, le conseil de prud'hommes a violé l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du code du travail, ensemble l'article 5-4 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ;

2°/ que l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du code du travail prévoit que le salaire horaire à prendre en considération pour vérifier l'application du SMIC est celui qui correspond à une heure de travail effectif, «compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire» ; que sauf à vider ce texte de sa substance, les «majorations» qu'il prévoit ne sauraient s'assimiler à la contrepartie directe d'un travail effectif par hypothèse déjà rémunéré, de sorte qu'en statuant comme ils l'ont fait et en écartant la rémunération forfaitaire du temps de pause sous le seul prétexte que le temps de pause lui-même ne pouvait être qualifié de «travail effectif», les juges du fond ont violé le texte susvisé par fausse interprétation ;

3°/ qu'aux termes de l'article 5.4 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par Arrêté du 26 juillet 2002 (JORF 6 août 2002), les salariés disposent d' «une pause payée à raison de 5 % du temps de travail effectif» ; que la rémunération de cette pause, dès lors qu'elle prend la forme d'une majoration de salaire directement proportionnelle au temps de travail effectif du salarié, lequel influe donc directement sur son montant, doit être considérée comme la contrepartie de ce même travail effectif ; qu'en jugeant du contraire, le conseil des prud'hommes a violé par fausse interprétation le texte conventionnel précité, ensemble l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du code du travail ;

Mais attendu que dès lors qu'il n'est pas contesté que, pendant les pauses, les salariés n'étaient pas à la disposition de l'employeur de sorte que celles-ci ne constituaient pas du temps de travail effectif, les primes les rémunérant, qui ne sont pas la contrepartie du travail, sont exclues du salaire devant être comparé au SMIC ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Carcoop France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Carcoop France à payer aux salariés la somme globale de 2 500 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Carcoop France

Il est fait grief aux jugements attaqués d'AVOIR dit que la société CARCOOP avait versé aux salariés demandeurs une rémunération inférieure au SMIC et d'AVOIR, en conséquence, condamné cette dernière à leur verser diverses sommes à titre de rappel de salaire ;

AUX MOTIFS QUE «les demandeurs considèrent que l'objet du litige n'est :
1°) ni le temps effectif de travail au sens de l'ar ticle L.3121-1 du Code du Travail ; que l'indemnité forfaitaire de pause ne rémunère pas un temps effectif de travail puisque c'est un temps où le salarié ne travaille pas et peut vaquer librement à ses occupations personnelles conformément à l'article 2 Titre 18 des accords d'entreprise CARREFOUR ; que de plus, la notion de pause est précisée par la convention collective nationale des commerces de gros et de détail à prédominance alimentaire dans son article 5-4 comme étant : « untemps de repos payé ou non compris dans le temps de présence journalier dans l'entreprise pendant lequel l'exécution du travail est suspendue» ; 2°) ni un avantage en nature puisqu'elle ne correspond en rien à cette définition ; que la décision du Conseil doit se forger sur la considération ou la non considération de cette indemnité forfaitaire de pause comme étant un complément de salaire devant être intégré à la rémunération visée à l'article L.3231-2 du Code du Travail ; que selon les dispositions de l'article L.3232-3 du même Code : «La rémunération minimale est égale au produit du montant du SMIC tel qu'il est fixé en application des articles L.3131-2 à L.3231-12 du Code du Travail par le nombre d'heures correspondant à la durée légale hebdomadaire considérée» ; que selon les dispositions de l'article D.3231-6 du Code du Travail : «Le salaire à prendre en considération est celui qui correspond à une heure de travail effectif compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses et a le caractère de fait d'un complément de salaire» ; que l'article 5-4 de la convention collective applicable déjà citée et l'article 5-5 de cette même convention : «La durée du travail s'entend du travail effectif tel que défini à l'article L.3121-1 et L.3121-2 du Code du Travail» ; qu'elle ne comprend donc pas l'ensemble des pauses qu'elles soient ou non rémunérées ; que dans l'accord d'entreprise CARREFOUR qui établit dans son titre 18, article 2 : «Premier alinéa : «la durée du travail effectif est le temps de travail pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles. Il est rappelé que depuis l'accord du 25 février 1982, les temps de pause sont pointés, permettant aux salariés de vaquer librement à leurs occupations» ; Septième alinéa : «les pauses s'inscrivent dans le temps de présence au-delà du temps de travail effectif, sont rémunérées forfaitairement sur la base de cinq pour cent de la rémunération des heures travaillées» ; que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, chambre sociale du 28 septembre 2005, les primes ne rémunèrent pas le temps de travail fourni mais sont liées à la présence ou à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et n'entrent pas dans le calcul du SMIC ; que la Cour de cassation , Chambre Sociale, a jugé le 2 juillet 2008 que : «Le temps de pause n'était pas assimilé au temps de travail effectif ni pour l'assiette des cotisations sociales, ni pour le calcul du SMIC» ; qu'il ressort des dispositions de la convention collective applicable et des accords d'entreprise de CARREFOUR que la mise en place de l'indemnité forfaitaire de pause relève d'une volonté plus favorable que l'article L.3121-33 du Code du Travail et qu'à ce titre elle vient en sus du droit commun ; qu'au regard des textes du Code du Travail, de la convention collective, de l'accord d'entreprise et de la jurisprudence liés aux jugements de la Cour de cassation, il ressort que cette indemnité forfaitaire de pause ne peut en aucun cas être considérée comme un complément de salaire même si fixité il y a ; que cette fixité trouvant sa légitimité dans le caractère obligatoire de la pause ; que les fiches de paye des demandeurs font bien apparaître sur deux lignes distinctes la rémunération correspondant aux 151,67 heures qui constituent le temps de travail de référence et l'indemnité de 5 % correspondant au calcul du forfait pause établi en proportion de la rémunération inscrite sur la première ligne ; qu'au vu de ce qui précède, il y a lieu de dire que les pauses doivent être considérées comme se situant au-delà du temps de travail effectif et qu'à ce titre, il convient de faire application stricto sensu de l'accord d'entreprise ; que ce faisant, le Conseil constate que la SAS CARREFOUR : - manque à son obligation de paiement du SMIC - ne respecte pas la convention collective des commerces de gros et de détail à prédominance alimentaire ; - ne respecte pas les accords d'entreprise CARREFOUR qu'elle a signés avec les organisations syndicales représentatives ; qu'il convient par conséquent de faire droit aux demandes des demandeurs en leur allouant les sommes réclamées» ;

ALORS, DE PREMIÈRE PART QUE le SMIC est une norme nationale d'ordre public dont les composantes ne sauraient varier en fonction de la volonté des partenaires sociaux qui restent libres par ailleurs de définir à leur guise les minima de salaire conventionnels ; qu'au terme de l'article D.3231-6 doivent être prises en compte dans la comparaison entre le salaire réel et le SMIC les majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire, c'est-à-dire toutes les sommes perçues par un salarié en contrepartie ou à l'occasion de son travail, de sorte que sont seules exclues du calcul du salaire devant être au moins égal au SMIC, outre les éléments figurant à l'article D.3231-6 al.2, les primes liées à une situation ou à une sujétion particulière du salarié envers l'entreprise et les primes dont le versement est aléatoire ; que les primes ou sommes versées de façon uniforme et systématique à tous les salariés constituent des «compléments de salaire de fait» et sont à retenir pour effectuer la comparaison entre le salaire perçu par le salarié et le salaire minimum de croissance ; que tel était le cas de la rémunération forfaitaire des temps de pause, devant être versée de façon uniforme et systématique à tous les salariés, proportionnellement à leur temps de travail effectif et indépendamment de la prise d'une pause ; qu'en se fondant sur les données conventionnelles des accords collectifs, le conseil de prud'hommes a violé l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du Code du travail, ensemble l'article 5-4 de la Convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ;

QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QUE l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du Code du travail prévoit que le salaire horaire à prendre en considération pour vérifier l'application du SMIC est celui qui correspond à une heure de travail effectif, «compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire» ; que sauf à vider ce texte de sa substance, les «majorations» qu'il prévoit ne sauraient s'assimiler à la contrepartie directe d'un travail effectif par hypothèse déjà rémunéré, de sorte qu'en statuant comme ils l'ont fait et en écartant la rémunération forfaitaire du temps de pause sous le seul prétexte que le temps de pause lui-même ne pouvait être qualifié de «travail effectif», les juges du fond ont violé le texte susvisé par fausse interprétation ;

ALORS, ENFIN ET EN SUBSIDIAIREMENT QU'aux termes de l'article 5.4 de la Convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par Arrêté du 26 juillet 2002 (JORF 6 août 2002), les salariés disposent d' «une pause payée à raison de 5 % du temps de travail effectif» ; que la rémunération de cette pause, dès lors qu'elle prend la forme d'une majoration de salaire directement proportionnelle au temps de travail effectif du salarié, lequel influe donc directement sur son montant, doit être considérée comme la contrepartie de ce même travail effectif ; qu'en jugeant du contraire, le conseil des prud'hommes a violé par fausse interprétation le texte conventionnel précité, ensemble l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du Code du travail.



site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cette décision est visée dans la définition :
SMIC (Salaire minimum de croissance)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.