par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 16 mai 2012, 11-13854
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
16 mai 2012, 11-13.854
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Avocat
Bâtonnier
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens, le premier pris en ses diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2011), que M. X..., avocat, a reçu une lettre de son bâtonnier lui reprochant divers manquements aux principes essentiels de la profession, tout en l'informant que cette admonestation ne figurerait pas à son dossier individuel ; que M. X... a formé un recours contre cette mesure ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours, alors, selon le premier moyen :
1°/ que selon l'article 184 du décret du 27 novembre 1991, modifié par le décret n° 2005-531 du 24 mai 2005, les peines disciplinaires applicables aux avocats sont l'avertissement, le blâme, l'interdiction temporaire et la radiation ; qu'en déclarant irrecevable le recours formé par M. X... contre une admonestation paternelle prononcée à son encontre le 24 mars 2010 par le bâtonnier, sanction non prévue par la procédure disciplinaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir ;
2°/ que selon l'article 180 du décret du 27 novembre 1991, modifié par le décret n° 2005-531 du 24 mai 2005, le bâtonnier ne dispose pas du pouvoir d'infliger à un avocat une sanction disciplinaire, lequel appartient au conseil de l'ordre siégeant comme conseil de discipline ; qu'en déclarant irrecevable le recours formé par M. X... contre l'admonestation paternelle prononcée à son encontre le 24 mars 2010 par le bâtonnier, qui entendait par là sanctionner des fautes professionnelles, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir ;
3°/ que constitue une sanction disciplinaire le fait pour le bâtonnier de condamner formellement par voie de décision un comportement professionnel fautif ; que, pour déclarer irrecevable le recours formé par M. X... contre l'admonestation paternelle prononcée à son encontre le 24 mars 2010 par le bâtonnier, l'arrêt retient que celle-ci ne s'apparente pas à une sanction disciplinaire faisant grief ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que, par courrier du 24 mars 2010, une décision d'admonestation avait été adressée à M. X... par le bâtonnier motifs pris de ce qu'il aurait «gravement violé les principes de délicatesse, de modération et de courtoisie... le principe du contradictoire, ainsi que la confidentialité des échanges entre avocats», ce dont il s'inférait qu'il s'agissait d'une sanction disciplinaire, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir ;
4°/ que, en soi, une sanction fait grief ; que, pour déclarer irrecevable le recours formé par M. X... contre la décision d'admonestation prononcée par le bâtonnier à son encontre le 24 mars 2010, l'arrêt retient que celle-ci ne s'apparente pas à une sanction disciplinaire faisant grief dès lors qu'elle n'est pas inscrite au dossier ; qu'en statuant ainsi, alors que la sanction formellement prononcée contre M. X... le 24 mars 2010 lui faisait en soi grief, même non versée à son dossier individuel, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir ;
5°/ que selon les principes régissant l'excès de pouvoir, le bâtonnier ne dispose pas du pouvoir d'infliger à un avocat une sanction faisant grief, laquelle est soumise à recours ; que, pour déclarer irrecevable le recours formé par M. X... contre la décision d'admonestation prononcée par le bâtonnier à son encontre le 24 mars 2010, l'arrêt retient qu'il s'agit d'une simple remontrance et que le bâtonnier indique qu'elle n'est pas versée au dossier, ce que confirme son représentant à l'audience ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à exclure que la décision d'admonestation constituât une sanction disciplinaire faisant grief, dès lors qu'elle constatait par ailleurs qu'elle était prononcée contre M. X..., par le bâtonnier de l'ordre, motifs pris de fautes professionnelles qu'il aurait commises, et matérialisée dans un écrit du 24 mars 2010, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des principes susvisés ;
et, alors, selon le second moyen, que l'admonestation paternelle du bâtonnier, même non inscrite au dossier individuel, est soumise au principe du contradictoire et ne saurait tenir pour établie l'existence de fautes professionnelles sans que l'avocat admonesté n'ait pu s'en expliquer ; qu'en déclarant irrecevable le recours formé par M. X... contre une décision d'admonestation paternelle rendue à son encontre le 24 mars 2010, dont elle constatait qu'elle avait été prononcée par le bâtonnier au motif «qu'il estimait que M. X... avait gravement violé les principes de délicatesse, de modération et de courtoisie, ainsi que le principe du contradictoire et la confidentialité des échanges entre avocats», et que ce dernier avait sollicité en vain le 2 avril 2010 qu'un débat contradictoire ait lieu sur ce point si le bâtonnier maintenait sa décision, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'admonestation infligée à M. X... n'avait pas été inscrite au dossier individuel de l'avocat, la cour d'appel en a exactement déduit que la mesure ne constituait pas une sanction qui, comme telle, ferait grief, mais une simple remontrance que le bâtonnier est en droit d'adresser à un avocat pris en défaut sans condition de forme ou de procédure particulière ; que c'est, partant, à bon droit que le recours a été jugé irrecevable ; qu'aucun des moyens n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer au bâtonnier de l'ordre des avocats près la cour d'appel de Paris la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille douze et signé par M. Bargue, conseiller doyen faisant fonction de président et par Mme Laumône, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable le recours formé par Monsieur X... contre la décision d'admonestation paternelle prononcée à son encontre par le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris
AUX MOTIFS QUE ayant pris connaissance de faits selon lesquels il estimait que M. X... avait gravement violé les principes de délicatesse, de modération et de courtoisie, ainsi que le principe du contradictoire et la confidentialité des échanges entre avocats, par un courrier du 24 mars 2010, M. Y..., bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris a écrit à M. Jean-Yves X..., avocat audit barreau, en ces termes « je prononce en conséquence à votre égard une admonestation paternelle, qui, n'étant pas une sanction disciplinaire au sens des dispositions de l'article 184 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, modifié par le décret n° 2005-531 du 24 mai 2005, ne figurera pas à votre dossier » ; que par courrier en date du 2 avril 2010, adressé au Bâtonnier, M. X... lui a demandé de rapporter la décision et si les graves accusations contre lui, qu'il contestait formellement, étaient maintenues, de le renvoyer devant le Conseil de discipline de manière à lui permettre de bénéficier d'un procès équitable, faisant valoir qu'une admonestation paternelle est une sanction devant permettre un débat contradictoire, ce même lorsqu'elle est non inscrite au dossier, les motifs faisant corps avec la décision ;
Qu'en l'espèce le bâtonnier n'a pas excédé ses pouvoirs en procédant à une admonestation, simple remontrance ne s'apparentant pas à une sanction disciplinaire, ce qui est le cas dès lors que le courrier du 24 mars 2010 susvisé précise que l'admonestation n'est pas inscrite au dossier individuel, étant observé qu'il a été expressément confirmé à l'audience par M. le représentant du Bâtonnier qu'elle ne figurait pas au dossier administratif de M. X... ; que ne constituant pas une sanction faisant grief, elle n'est pas soumise à recours
ALORS, D'UNE PART, QUE selon l'article 184 du décret du 27 novembre 1991, modifié par le décret n°2005-531 du 24 mai 2005, les peines disciplinaires applicables aux avocats sont l'avertissement, le blâme, l'interdiction temporaire et la radiation ; qu'en déclarant irrecevable le recours formé par M. X... contre une admonestation paternelle prononcée à son encontre le 24 mars 2010 par le bâtonnier, sanction non prévue par la procédure disciplinaire, la Cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE selon l'article 180 du décret du 27 novembre 1991, modifié par le décret n°2005-531 du 24 mai 2005, le bâtonnier ne dispose pas du pouvoir d'infliger à un avocat une sanction disciplinaire, lequel appartient au conseil de l'ordre siégeant comme conseil de discipline ; qu'en déclarant irrecevable le recours formé par M. X... contre l'admonestation paternelle prononcée à son encontre le 24 mars 2010 par le bâtonnier, qui entendait par là sanctionner des fautes professionnelles, la Cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir ;
ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE constitue une sanction disciplinaire le fait pour le bâtonnier de condamner formellement par voie de décision un comportement professionnel fautif ; que, pour déclarer irrecevable le recours formé par M. X... contre l'admonestation paternelle prononcée à son encontre le 24 mars 2010 par le Bâtonnier, l'arrêt retient que celle-ci ne s'apparente pas à une sanction disciplinaire faisant grief ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que, par courrier du 24 mars 2010, une décision d'admonestation avait été adressée à Monsieur X... par le bâtonnier motifs pris de ce qu'il aurait « gravement violé les principes de délicatesse, de modération et de courtoisie... le principe du contradictoire, ainsi que la confidentialité des échanges entre avocats », ce dont il s'inférait qu'il s'agissait d'une sanction disciplinaire, la Cour d'appel a méconnu le principe susvisé, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir ;
ALORS, DE QUATRIÈME PART, QUE, en soi, une sanction fait grief ; que, pour déclarer irrecevable le recours formé par M. X... contre la décision d'admonestation prononcée par le bâtonnier à son encontre le 24 mars 2010, l'arrêt retient que celle-ci ne s'apparente pas à une sanction disciplinaire faisant grief dès lors qu'elle n'est pas inscrite au dossier ; qu'en statuant ainsi, alors que la sanction formellement prononcée contre monsieur X... le 24 mars 2010 lui faisait en soi grief, même non versée à son dossier individuel, la Cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir ;
ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE selon les principes régissant l'excès de pouvoir, le bâtonnier ne dispose pas du pouvoir d'infliger à un avocat une sanction faisant grief, laquelle est soumise à recours ; que, pour déclarer irrecevable le recours formé par M. X... contre la décision d'admonestation prononcée par le bâtonnier à son encontre le 24 mars 2010, l'arrêt retient qu'il s'agit d'une simple remontrance et que le bâtonnier indique qu'elle n'est pas versée au dossier, ce que confirme son représentant à l'audience ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à exclure que la décision d'admonestation constituât une sanction disciplinaire faisant grief, dès lors qu'elle constatait par ailleurs qu'elle était prononcée contre M. X..., par le bâtonnier de l'Ordre, motifs pris de fautes professionnelles qu'il aurait commises, et matérialisée dans un écrit du 24 mars 2010, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des principes susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable le recours formé par Monsieur X... contre la décision d'admonestation paternelle prononcée à son encontre par le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris
AUX MOTIFS QUE ayant pris connaissance de faits selon lesquels il estimait que M. X... avait gravement violé les principes de délicatesse, de modération et de courtoisie, ainsi que le principe du contradictoire et la confidentialité des échanges entre avocats, par un courrier du 24 mars 2010, M. Y..., bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris a écrit à M. Jean-Yves X..., avocat audit barreau, en ces termes « je prononce en conséquence à votre égard une admonestation paternelle, qui, n'étant pas une sanction disciplinaire au sens des dispositions de l'article 184 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, modifié par le décret n° 2005-531 du 24 mai 2005, ne figurera pas à votre dossier » ; que par courrier en date du 2 avril 2010, adressé au Bâtonnier, M. X... lui a demandé de rapporter la décision et si les graves accusations contre lui, qu'il contestait formellement, étaient maintenues, de le renvoyer devant le Conseil de discipline de manière à lui permettre de bénéficier d'un procès équitable, faisant valoir qu'une admonestation paternelle est une sanction devant permettre un débat contradictoire, ce même lorsqu'elle est non inscrite au dossier, les motifs faisant corps avec la décision ;
Qu'en l'espèce le bâtonnier n'a pas excédé ses pouvoirs en procédant à une admonestation, simple remontrance ne s'apparentant pas à une sanction disciplinaire, ce qui est le cas dès lors que le courrier du 24 mars 2010 susvisé précise que l'admonestation n'est pas inscrite au dossier individuel, étant observé qu'il a été expressément confirmé à l'audience par M. le représentant du Bâtonnier qu'elle ne figurait pas au dossier administratif de M. X... ; que ne constituant pas une sanction faisant grief, elle n'est pas soumise à recours
ALORS QUE l'admonestation paternelle du bâtonnier, même non inscrite au dossier individuel, est soumise au principe du contradictoire et ne saurait tenir pour établie l'existence de fautes professionnelles sans que l'avocat admonesté n'ait pu s'en expliquer ; qu'en déclarant irrecevable le recours formé par M. X... contre une décision d'admonestation paternelle rendue à son encontre le 24 mars 2010, dont elle constatait qu'elle avait été prononcée par le bâtonnier au motif « qu'il estimait que M. X... avait gravement violé les principes de délicatesse, de modération et de courtoisie, ainsi que le principe du contradictoire et la confidentialité des échanges entre avocats », et que ce dernier avait sollicité en vain le 2 avril 2010 qu'un débat contradictoire ait lieu sur ce point si le bâtonnier maintenait sa décision, la Cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir.
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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Avocat
Bâtonnier
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.