par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 12 juin 2012, 11-11424
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Cour de cassation, chambre commerciale
12 juin 2012, 11-11.424

Cette décision est visée dans la définition :
Usufruit




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu les articles 605 et 606 du code civil, ensemble l'article 599, alinéa 2, du même code, après avis donné aux parties ;

Attendu que l'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien et que les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit, auquel cas l'usufruitier en est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l'usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu'il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... sont usufruitiers d'un bien immobilier ainsi que des parts d'une société civile dont leurs deux enfants sont nu-propriétaires ; qu'en exécution d'une convention du 15 mars 2001, cette société a avancé des fonds que M. et Mme X... ont utilisés pour effectuer des travaux sur le bien immobilier ; que l'administration fiscale leur a notifié des redressements en matière d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2003, 2004 et 2005, remettant en cause la déduction du coût desdits travaux au motif que ceux-ci constituent des grosses réparations, incombant aux nus-propriétaires ; qu'après mise en recouvrement du rappel d'ISF assorti de pénalités et rejet de leur réclamation contentieuse, M. et Mme X... ont demandé au tribunal la décharge de cette imposition ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que les travaux de démolition, de reconstruction d'une habitation d'une superficie supérieure, de construction d'une piscine et d'aménagement du terrain réalisés correspondent à des grosses réparations incombant aux nus-propriétaires ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 606 du code civil énumère limitativement les grosses réparations et qu'il ressort des énonciations de sa décision que les travaux en cause constituent des améliorations, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de leurs demandes tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 2003, 2004 et 2005, tant en droits simples qu'en intérêts de retard et pénalités ;

AUX MOTIFS QU' il résulte de la combinaison des articles 885 D et 768 du code général des impôts que seules les dettes à la charge personnelle du redevable sont admises en déduction de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune ; que dès lors les dettes afférentes à la nue-propriété d'un bien ne peuvent figurer au passif déductible de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune de l'usufruitier et ce, bien que celui-ci soit tenu de déclarer ledit bien pour sa valeur en pleine propriété conformément aux dispositions de l'article 885 G susvisé ; qu'il ne peut être sérieusement contesté qu'en l'espèce, les travaux réalisés dans la propriété de Ramatuelle excèdent très largement les réparations d'entretien que le code civil, dans son article 605, met à la charge de l'usufruitier puisqu'il s'agit de travaux de démolition d'un bâtiment ancien, de reconstruction d'une habitation d'une superficie bien supérieure, de construction d'une piscine et d'aménagement de terrain ; que s'il est constant que ni l'usufruitier ni le nu-propriétaire ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté ou a été détruit par cas fortuit, il n'en demeure pas moins que si reconstruction il y a, celle-ci ne peut s'analyser que comme de grosses réparations qui sont à la charge du nu-propriétaire, le code civil ne distinguant pas les travaux de réparations de ceux de reconstruction dès lors qu'ils portent sur les gros murs, les murs de soutènement, les couvertures entières, les poutres ; que les travaux réalisés par les époux Marcel X... correspondant à des travaux de grosses réparations incombent aux nus-propriétaires ; que certes, dans les rapports entre usufruitiers et nu-propriétaire, l'acte constitutif de l'usufruit, si celui-ci a une origine contractuelle, peut modifier la répartition normale des charges liées à l'entretien et aux réparations du bien soit pour mettre toutes les réparations à la charge de l'usufruitier soit au contraire pour dispenser celui-ci de la charge de toutes réparations y compris d'entretien ; qu'outre qu'une telle modification conventionnelle ne vaut qu'entre les parties, il ne ressort nullement de l'examen de la convention du 15 mars 2001 que les parties ont entendu déroger aux dispositions du code civil quant à la charge des réparations ; que comme le soutient justement l'appelant, les consorts X..., par cette convention, ont seulement souhaité organiser entre eux le paiement des travaux à effectuer sur l'immeuble de Ramatuelle par l'intermédiaire de la société Malaubert, dont M. Marcel X... est le gérant, qui a reçu une partie des fonds provenant de la vete des actions de l'Oréal, lesquels étaient grevés de l'usufruit des époux Marcel X... ; qu'il s'ensuit que dès lors que le coût des travaux n'incombe pas aux usufruitiers mais seulement aux nuspropriétaires, les époux Marcel X... ne peuvent se prévaloir, de ce chef, de dettes qui sont à leur charge personnelle ce qui exclut toute déduction en matière d'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'en admettant le raisonnement des appelants consistant à soutenir, faisant abstraction de la sociéé Malaubert, que les usufruitiers et les nus-propriétaires, ont d'un commun accord décidé d'investir des fonds démembrés entre eux pour reconstruire un immeuble démembré entre eux sur un terrain leur appartenant en démembrement de propriété, il ne peut davantage y avoir lieu à déduction de dettes à la charge personnelle des époux Marcel X... puisqu'il n'y a alors eu aucun emprunt de leur part mais seulement réinvestissement par les usufruitiers et les nus-propriétaires, dans l'immeuble de Ramatuelle, des fonds démembrés ; que les époux X... auraient, en leur qualité d'usufruitiers d'une somme d'argent, employé cette somme pour financer des travaux, ce qui ne constitue pas une dette déductible de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune car leur obligation de restitution ne prend naissance qu'à leur décès ce qui constitue une obligation future non déductible ;

1°) ALORS QU' il incombe à l'usufruitier de conserver dans sa substance le bien dont il possède l'usufruit ; que pour ce faire, il doit l'entretenir, à charge pour le nu-propriétaire de supporter les réparations sur le gros oeuvre ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les travaux réalisés dans la propriété de Ramatuelle n'ont pas consisté à entretenir le bâtiment existant et le terrain mais à démolir l'ancien bâtiment pour en construire un nouveau, dont la superficie à sextuplé, à construire une piscine et à réaménager le terrain ; qu'en jugeant que de tels travaux constituaient des travaux de réparation portant sur le gros oeuvre, incombant aux nus-propriétaires du terrain et de l'ancien bâtiment, la cour d'appel a violé les articles 578, 605 et 606 du code civil ensemble les articles 885 D et 768 du code fiscal des impôs ;

2°) ALORS QUE l'emprunteur d'une somme d'argent en devient, dès la remise des fonds, propriétaire, à charge pour lui de la rembourser à son prêteur au terme convenu ; qu'il ressort de l'acte du 15 mars 2001 que la société civile Malaubert a accepté d'avancer aux consorts X..., parmi lesquels M. et Mme X..., les sommes nécessaires pour financer les travaux effectués dans la propriété de Ramatuelle dont M. et Mme X... sont usufruitiers ; qu'en se fondant sur les règles relatives à la répartition des dépenses de réparation entre nu-propriétaire et usufruitier, pour décider que les sommes avancées par la société civile Malaubert ne constituaient pas une dette personnelle des usufruitiers, sans rechercher si, comme il était soutenu dans les conclusions, ces usufruitiers avaient emprunté lesdites sommes à la société civile, de sorte qu'ils avaient contracté une dette personnelle à son endroit, déductible de leur impôt de solidarité sur la fortune, quel que soit l'usage qui était, ensuite, fait des fonds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1892 et 1902 du code civil et 885 D et 768 du code général des impôts ;

3°) ALORS QU' il ressort de l'acte du 15 mars 2001 que la société civile Malaubert a versé les sommes avancées sur un compte démembré ouvert au nom de M. et Mme X..., usufruitiers, et M. Bertrand X... et Mme Laurence X..., nus-propriétaires ; qu'en ne recherchant pas si les nus-propriétaires et les usufruitiers de la propriété de Ramatuelle avaient décidé, d'un commun accord, d'emprunter à la société civile les fonds nécessaires à la réalisation de travaux de démolition, de reconstruction et d'aménagement sur ce terrain, et si, la propriété de ces fonds ayant été elle-même démembrée, les usufruitiers avaient contracté, auprès de ladite société, une dette personnelle équivalent à la valeur de leur usufruit sur les sommes ainsi empruntées, déductible de leur impôt de solidarité sur la fortune, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1892 du code civil et 885 D et 768 du code général des impôts ;

4°) ALORS QUE l'usufruitier d'une somme d'argent a le droit de s'en servir à charge pour lui de rendre l'équivalent au nupropriétaire, en fin d'usufruit ; qu'il résulte de l'acte du 15 mars 2001 et des conclusions des époux X... que les sommes avancées par la société civile Malaubert l'ont été au bénéfice des consorts X... afin de financer les travaux réalisés dans la propriété de Ramatuelle dont ils sont nus-propriétaires et usufruitiers ; que ces fonds ont été versés sur un compte luimême démembré ; qu'en ne recherchant pas si les époux X... étaient usufruitiers des sommes ainsi empruntées et si, en cette qualité, ils les avaient utilisées pour financer les travaux réalisés de sorte que, vis-à-vis des entrepreneurs qui avaient réalisé lesdits travaux, ils avaient contracté une dette personnelle, déductible de leur impôt de solidarité sur la fortune, la cour d'appel a derechef, privé sa décision de base légale au regard des articles 587 du code civil, 885 D et 768 du code général des impôts ;


5°) ALORS QUE les époux X... ont fait valoir dans leurs conclusions régulièrement déposées que, d'un commun accord, leurs enfants, en leur qualité de nus-propriétaires, et eux-mêmes, en leur qualité d'usufruitiers, ont décidé d'investir les fonds empruntés auprès de la société Malaubert, dont la propriété a été à son tour démembrée, dans la construction, sur un terrain dont la propriété est démembrée, de biens immobiliers qui seraient à leur tour démembrés de sorte qu'en réalisant les travaux correspondants, les époux X... n'ont fait que supporter la quote-part qui leur incombait en qualité d'usufruitiers des sommes puis des bâtiments construits en remploi, et qu'ils n'avaient donc aucune créance à l'endroit de leurs enfants ; qu'en s'abstenant de répondre à de telles conclusions (p. 10), la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.