par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 14 juin 2012, 11-17367
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
14 juin 2012, 11-17.367

Cette décision est visée dans la définition :
Assurance




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 février 2011) et les productions, que la société Marionnaud parfumeries (la société) a souscrit auprès de la société Chartis Europe, venant aux droit de la société AIG Europe (l'assureur) un contrat d'assurance intitulé "responsabilité des dirigeants", garantissant les dirigeants et mandataires sociaux des conséquences pécuniaires découlant de leur responsabilité civile individuelle ou solidaire et imputable à toute faute professionnelle, réelle ou alléguée commise dans l'exercice de leur fonction ; qu'un avenant a étendu la garantie aux "amendes et/ou pénalités civiles" imposées aux assurés par la législation ou la réglementation à la suite d'une enquête, instruction ou investigation faite par un tribunal ou une autorité administrative ; que la société a fait une déclaration de sinistre auprès de l'assureur le 3 janvier 2005 ; que le contrat est devenu caduc le 15 mai 2005 lors du rachat de la société par la société AS Watson ; que M. X..., directeur général délégué de la société, a été sanctionné par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) d'une amende de 500 000 euros pour manquement à l'obligation d'information du public, par diffusion d'informations inexactes ; que le recours contre cette décision a été rejeté par la cour d'appel de Paris ; qu'un jugement correctionnel du 9 juillet 2008 a condamné M. X... à une amende de 100 000 euros pour diffusion d'informations fausses ou trompeuses visant à agir sur le cours des titres sur un marché réglementé ; qu'en application de l'article L. 621-16 du code des marchés financiers l'amende pénale a été imputée sur le montant de celle prononcée par l'AMF ; que M. X... a fait assigner l'assureur afin qu'il soit condamné à prendre en charge ces condamnations, en exécution du contrat ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 113-1 du code des assurances attache à la seule faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré la vertu de décharger l'assureur de son obligation de répondre des dommages causés par la faute de l'assuré, qu'en l'espèce M. Gérald X... faisait ressortir dans ses conclusions que l'AMF lui a reproché un manquement purement objectif et n'a pas caractérisé le caractère intentionnel de ce manquement, et exposait que la condamnation pénale porte sur un délit de diffusion de fausse information distinct qui est juridiquement distinct du délit de fausse information, qu'en se bornant à affirmer que M. Gérald X... a eu la volonté de parvenir à tromper le public sur la situation de la société Marionnaud afin de mieux en négocier la cession, sans répondre aux conclusions de M. X..., l'arrêt attaqué a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la faute intentionnelle de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances consiste dans la volonté de commettre le dommage tel qu'il est survenu ; que l'arrêt attaqué qui énonce que l'AMF comme le tribunal correctionnel relèvent le caractère intentionnel des fautes commises par M. Gérald X..., et se borne à ajouter que ce dernier a bien eu la volonté de parvenir à tromper le public sur la situation de la société Marionnaud afin de mieux en négocier la cession, que cette faute est l'expression consciente d'une volonté délibérée, prenant appui sur une culture financière sanctionnée par des diplômes et sur une position privilégiée au sein de la société de fournir au public des informations propres à modifier l'appréhension de la situation financière de la société, de valider des opérations que M. Gérald X... savait illégales, que son père soit ou non à l'origine de ces initiatives, sans caractériser aucun agissement de M. Gérald X... manifestant sa volonté de commettre le dommage tel qu'il est survenu, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'il s'agit de déterminer si la condamnation administrative dont M. X... a fait l'objet entre dans le champ de la garantie de l'assureur, qui lui oppose l'article L. 113-1 du code des assurances, disposition d'ordre public, selon lequel l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ; que l'assureur s'est engagé à garantir les dirigeants de la société du règlement des conséquences pécuniaires des sinistres résultant de toute réclamation introduite à leur encontre, mettant en jeu la responsabilité civile et imputable à toute faute professionnelle, commise dans l'exercice de leurs fonctions de dirigeant ; que le caractère professionnel de la faute commise par M. X... au sens de la police d'assurance n'est pas discutable ; que l'AMF comme le tribunal correctionnel ont relevé le caractère intentionnel des fautes commises ; que M. X... a bien eu la volonté, non pas de se voir sanctionner, mais de parvenir à tromper le public sur la situation de la société afin de mieux en négocier la cession ; qu'il ne s'agit ni d'une faute d'inattention, ou de négligence, ni d'une erreur de fait, mais de l'expression consciente d'une volonté délibérée de fournir au public des informations propres à modifier l'appréhension de la situation financière de la société, de valider des opérations qu'il savait illégales ; qu'une telle attitude est au surplus exclusive du caractère aléatoire du contrat d'assurance ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, faisant apparaître que M. X... avait eu la volonté et la conscience de mettre à la charge de son propre assureur les conséquences qui résulteraient de ses fautes, la cour d'appel, répondant aux conclusions par une décision motivée, a pu décider que M. X... avait commis, au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, une faute intentionnelle, incompatible avec l'aléa, excluant la garantie de son assureur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société Chartis Europe la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Gérald X... de sa demande tendant à voir condamner la Société Chartis Europe venant aux droits de la Société AIG Europe à le garantir au titre au titre de la condamnation pécuniaire de 500 000 euros prononcée à son encontre par l'AMF, en application de la police d'assurance «responsabilité des dirigeants » n° 07.904.116 souscrite par la Société Marionnaud Parfumeries S.A.,

AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE l'article L 113-1 du code des assurances dont se prévaut la défenderesse prévoit que « …l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.» ; cette règle étant d'ordre public, le risque issu d'une telle faute est donc toujours exclusif du bénéfice de l'assurance,
En l'espèce, la faute litigieuse ayant été commise par un professionnel dans l'exercice de ses fonctions de dirigeant social apparaît devoir être définie comme étant celle résultant de la conscience qu'avait l'assuré du préjudice certain que causerait l'acte entrepris, peu important qu'il n'ait pas précisément recherché le dommage réalisé.
L'analyse des éléments et pièces soumis à l'appréciation souveraine du tribunal révèle que « (….) M. Gérald X... savait ou aurait dû savoir que les informations comptables communiquées étaient inexactes et trompeuses » (cf décision de l'AMF du 5 juillet 2007),(…) M. Gérald X... se contredit…reconnaissant ainsi nécessairement qu'il savait comment ces éléments étaient traités ….il n'invoque aucune circonstance propre à justifier son ignorance prétendue de la fausseté des données relatives au RFP et PP » (cf arrêt cour d'appel de Paris du 25 juin 2008) ;
que « Gérald X... assistait toutefois aux réunions de clôture avec les commissaires aux comptes …. Parfaitement informé de la situation, administrateur de la société, directeur général délégué, et chargé de la communication, il a avalisé la situation » (cf jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 juillet 2008) ;
Il s'infère de l'ensemble de ces constatations que Gérald X... est bien dans les circonstances de cette espèce, l'auteur d'une faute intentionnelle au sens précité du droit des assurances, exclue du bénéfice du contrat d'assurances litigieux,
Partant le requérant sera débouté de ses demandes ; (jugement p 7,8)

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE le caractère professionnel de la faute commise par M. Gérald X... n'est pas discutable; mais la faute professionnelle intentionnelle n'est pas pour autant garantie par la SA AIG Europe, comme tente de la soutenir M. Gérald X... (p 13 de ses conclusions) ; la question est de savoir si la faute a un caractère intentionnel auquel cas, et quelle que soit l'autorité qui la qualifie, elle n'est pas couverte pas l'assurance;
A cet égard, M. Gérald X... ne peut prétendre que son manquement est purement objectif en gommant ainsi le caractère intentionnel de la faute (p 7 de ses conclusions) ni prétendre qu'il n'a pas voulu « créer le dommage tel qu'il est survenu », c'est-à-dire le prononcé d'une sanction administrative ;
L'AMF comme le tribunal correctionnel relèvent le caractère intentionnel des fautes commises par M. Gérald X..., la cour s'associe aux développements de la décision dont appel sur ces points (pages 5-6-7 du jugement) ;
Si la faute intentionnelle au sens de l'article L 113-1 du code des assurances se définit comme la volonté de créer le dommage qui est survenu, M. Gérald X... a bien eu la volonté, non pas de se voir sanctionné, mais de parvenir à tromper le public sur la situation de la société Marionnaud afin de mieux en négocier la cession ;
Une telle faute ne peut donner lieu à assurance. Il ne s'agit ni d'une faute d'inattention, ou de négligence, ni d'une erreur de fait, mais de l'expression consciente d'une volonté délibérée, prenant appui sur une culture financière sanctionnée par des diplômes et sur une position privilégiée au sein de la société de fournir au public des informations propres à modifier l'appréhension de la situation financière de la société, de valider des opérations que M. Gérald X... savait illégales, que son père soit ou non à l'origine de ces initiatives;
Une telle attitude est au surplus et de manière surabondante, exclusive du caractère aléatoire du contrat d'assurance,
M. Gérald X... invoque le fait que la SA AIG Europe a pris en charge l'amende administrative à laquelle M. Marcel X... a été condamné pour les mêmes faits que son fils ;
Cet argument, quelle qu'en soit la réalité objective est sans portée juridique, aucun principe n'obligeant la SA Aig Europe à faire la même appréciation de sa garantie d'un assuré à l'autre et l'article L 113-1 du code des assurances pouvant toujours être invoqué ; en tout état de cause, la somme provisoirement réglée par l'assureur à M. X... père, lui a été restituée ; le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions (arrêt p 5,6) ;

1°) ALORS QUE l'article L. 113-1 du Code des assurances attache à la seule faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré la vertu de décharger l'assureur de son obligation de répondre des dommages causés par la faute de l'assuré, qu'en l'espèce M. Gérald X... faisait ressortir dans ses conclusions (pages 6 ,7) que l'AMF lui a reproché un manquement purement objectif et n'a pas caractérisé le caractère intentionnel de ce manquement, et exposait que la condamnation pénale porte sur un délit de diffusion de fausse information distinct qui est juridiquement distinct du délit de fausse information, qu'en se bornant à affirmer que M. Gérald X... a eu la volonté de parvenir à tromper le public sur la situation de la société Marionnaud afin de mieux en négocier la cession, sans répondre aux conclusions de M. X..., l'arrêt attaqué a violé l'article 455 du code de procédure civile;


2°) ALORS QUE la faute intentionnelle de l'article L 113-1 alinéa 2 du code des assurances consiste dans la volonté de commettre le dommage tel qu'il est survenu ; que l'arrêt attaqué qui énonce que l'AMF comme le Tribunal correctionnel relèvent le caractère intentionnel des fautes commises par M. Gérald X..., et se borne à ajouter que ce dernier a bien eu la volonté de parvenir à tromper le public sur la situation de la société Marionnaud afin de mieux en négocier la cession, que cette faute est l'expression consciente d'une volonté délibérée, prenant appui sur une culture financière sanctionnée par des diplômes et sur une position privilégiée au sein de la société de fournir au public des informations propres à modifier l'appréhension de la situation financière de la société, de valider des opérations que M. Gérald X... savait illégales, que son père soit ou non à l'origine de ces initiatives, sans caractériser aucun agissement de M. Gérald X... manifestant sa volonté de commettre le dommage tel qu'il est survenu, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 113-1 du code des assurances.



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