par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 16 octobre 2012, 11-22993
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Cour de cassation, chambre commerciale
16 octobre 2012, 11-22.993

Cette décision est visée dans la définition :
Fraude




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 mai 2011, RG n° 09/06582), que la société Dragoon éditions (société Dragoon) qui avait conclu le 16 janvier 2002 avec la société Flammarion un contrat de diffusion et de distribution, a été mise en liquidation judiciaire le 20 avril 2006, la SCP Ouizille de Keating étant nommée liquidateur (le liquidateur) ; que ce dernier a assigné la société Flammarion en paiement de dommages-intérêts sur le fondement des articles 1382 du code civil et L. 650-1 du code de commerce ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes dirigées contre la société Flammarion, alors, selon le moyen, que ni l'octroi de délais de paiement par un créancier ni le mécanisme d'un paiement par compensation ne constituent des concours bancaires au sens de l'article L. 650-1 du code de commerce, de sorte que la responsabilité civile du créancier obéit, dans ces deux cas, aux règles de droit commun de l'article 1382 du code civil ; qu'en reprochant par motifs propres et adoptés des premiers juges à la SCP Ouizille de Keating, ès qualités, de ne pas rapporter la preuve de l'existence de l'immixtion ou de la fraude commise par la société Flammarion au détriment de son administrée, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 650-1 du code de commerce et, par refus d'application, l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que les termes génériques de "concours consentis" et de "créancier" de l'article L. 650-1 du code de commerce conduisent à ne pas limiter son application aux seuls établissements de crédit, la cour d'appel en a exactement déduit que des délais de paiement accordés par un cocontractant au débiteur constituaient des concours au sens de ce texte, de sorte qu'il était applicable à ce cocontractant ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il est fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que commet une fraude au sens de l'article L.. 650-1 du code de commerce, le créancier qui poursuit délibérément le service de ses intérêts au détriment de son débiteur dont il connaît la situation irrémédiablement compromise ; qu'en reprochant à la SCP Ouizille de Keating, ès qualités, de ne pas rapporter la preuve d'une fraude commise par la société Flammarion, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les délais de paiement accordés à la société Dragoon et les paiements par compensation effectués par le diffuseur, à partir de janvier 2005, ne traduisaient pas la volonté délibérée de ce créancier de protéger ses intérêts personnels au détriment de ceux de l'éditeur, qu'il savait dans une situation irrémédiablement compromise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 650-1 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir précisé que la fraude, en matière civile ou commerciale ne se démarque guère de la fraude pénale et qu'il s'agit d'un acte qui a été réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu ou réalisé avec l'intention d'échapper à l'application d'une loi impérative ou prohibitive, la cour d'appel, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuves qui lui étaient soumis et sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a pu retenir que les faits reprochés à la société Flammarion, à savoir la signature de l'avenant de novembre 2004, l'acceptation de traites parfaitement causées permettant ainsi indirectement l'octroi de délais de paiement, et un système de compensation, n'étaient manifestement pas de nature frauduleuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCP Ouizille de Keating, ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Ouizille de Keating

PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR débouté la SCP OUIZILLE DE KEATING, ès-qualités, de ses demandes dirigées contre la société FLAMMARION ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article L.650-1 du Code de commerce applicable aux procédures collectives ouvertes, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2006 dispose que "lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ; que ce texte n'a pas pour objet de poser le principe d'une irresponsabilité des créanciers mais d'aménager les conditions dans lesquelles cette responsabilité peut être engagée (déclaration n°2005-522 du Conseil constitutionnel du 22 juillet 2005) avec retour à la responsabilité civile lorsqu'il existe un des trois cas prévus par ce texte ; que les termes génériques de « concours consentis » et de «créancier» du texte conduisent à ne pas limiter son application aux seuls établissements de crédit ; que des délais de paiement accordés par un cocontractant au débiteur peuvent ainsi constituer des concours au sens de l'article susvisé ; qu'en effet, outre le fait que la société Flammarion revendique elle-même cette qualification pour le paiement de sa créance par traites échelonnées il a été déjà jugé, sous l'empire de la jurisprudence antérieure à la loi de sauvegarde, que la responsabilité d'un créancier ayant accordé des délais de paiement pouvait être recherchée pour soutien abusif sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (Cour de cassation chambre commerciale 10 décembre 2003) » ;

ET QUE « la fraude en matière civile ou commerciale ne se démarque guère de la fraude pénale :qu'il s'agit d'un acte qui a été réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu ou réalisé avec l'intention échapper à l'application d'une loi impérative ou prohibitive (fraude à la loi) ; que lors de l'élaboration de la loi de sauvegarde des entreprises, les débats parlementaires avaient d'ailleurs fait allusion à propos des nouvelles dispositions de l'article L.650-1 du Code de commerce à la notion de "faute pénale" (intervention A. Vidalies JOAN CR 2ème séance du 3 mars 2005) ; que le rapporteur du sénat (rapport J-J Hyest page 441 et 442) évoque d'ailleurs l'escompte d'effets fictifs ou de complaisance, la mobilisation de bordereau Dailly, de factures ne correspondant pas à des créances réelles ou la circulation de traites de cavalerie ; la participation du créancier à de telles pratique doit aussi l'empêcher de se prévaloir du régime de responsabilité limité institué par la présente disposition) ; qu'en l'espèce, les faits reprochés à la société Flammarion, soit la signature de l'avenant de novembre 2004, l'acceptation de traites parfaitement causées permettant ainsi indirectement l'octroi de délais de paiement, et un système de compensation, ne sont manifestement pas de nature frauduleuse ; que la SCP Ouizille de Keating ne démontre donc pas la fraude qu'elle allègue » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « la loi du 26 juillet 2005 ne précise pas la définition du terme « concours ; que le fait qu'elle utilise par ailleurs des termes comme « apport en trésorerie », plus restrictifs, sous-entend que celui de « concours » a une application plus large ; que la SCP OUIZILLE DE KEATING ne démontre pas que ces facilités relèveraient d'une des trois cas d'exceptions précisés dans l'article : fraude, immixtion caractérisée dans sa gestion ou garanties disproportionnées » (jugement p. 4 in fine et p. 5 § 1) ;

ALORS QUE ni l'octroi de délais de paiement par un créancier ni le mécanisme d'un paiement par compensation ne constituent des concours bancaires au sens de l'article L 650-1 du Code de commerce, de sorte que la responsabilité civile du créancier obéit, dans ces deux cas, aux règles de droit commun de l'article 1382 du Code civil ; qu'en reprochant par motifs propres et adoptés des premiers juges à la SCP OUIZILLE DE KEATING, ès-qualités, de ne pas rapporter la preuve de l'existence de l'immixtion ou de la fraude commise par la société FLAMMARION au détriment de son administrée, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article L.650-1 du Code de commerce et, par refus d'application, l'article 1382 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR débouté la SCP OUIZILLE DE KEATING, ès-qualités, de ses demandes dirigées contre la société FLAMMARION ;

AUX MOTIFS QUE « la fraude en matière civile ou commerciale ne se démarque guère de la fraude pénale : il s'agit d'un acte qui a été réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu ou réalisé avec l'intention échapper à l'application d'une loi impérative ou prohibitive (fraude à la loi) ; que lors de l'élaboration de la loi de sauvegarde des entreprises, les débats parlementaires avaient d'ailleurs fait allusion à propos des nouvelles dispositions de l'article L.650-1 du Code de commerce à la notion de "faute pénale" (intervention A. Vidalies JOAN CR 2ème séance du 3 mars 2005) ; que le rapporteur du sénat (rapport J-J Hyest page 441 et 442) évoque d'ailleurs l'escompte d'effets fictifs ou de complaisance, la mobilisation de bordereau Dailly, de factures ne correspondant pas à des créances réelles ou la circulation de traites de cavalerie ; la participation du créancier à de telles pratique doit aussi l'empêcher de se prévaloir du régime de responsabilité limité institué par la présente disposition) ; qu'en l'espèce, les faits reprochés à la société Flammarion, soit la signature de l'avenant de novembre 2004, l'acceptation de traites parfaitement causées permettant ainsi indirectement l'octroi de délais de paiement, et un système de compensation, ne sont manifestement pas de nature frauduleuse ; que la SCP Ouizille de Keating ne démontre donc pas la fraude qu'elle allègue » ;


ALORS QUE commet une fraude au sens de l'article L.650-1 du Code de commerce, le créancier qui poursuit délibérément le service de ses intérêts au détriment de son débiteur dont il connaît la situation irrémédiablement compromise ; qu'en reprochant à la SCP OUIZILLE DE KEATING, ès-qualités, de ne pas rapporter la preuve d'une fraude commise par la société FLAMMARION, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les délais de paiement accordés à la société DRAGOON et les paiements par compensation effectués par le diffuseur, à partir de janvier 2005, ne traduisaient pas la volonté délibérée de ce créancier de protéger ses intérêts personnels au détriment de ceux de l'éditeur, qu'il savait dans une situation irrémédiablement compromise, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.650-1 du Code de commerce.



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Cette décision est visée dans la définition :
Fraude


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