par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 18 octobre 2012, 11-22374
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
18 octobre 2012, 11-22.374

Cette décision est visée dans la définition :
Privilège de juridiction




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 47 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que reprochant à Mme X... d'exercer une activité juridique et de représentation réservée à la profession d'avocat et soutenant que ces agissements étaient constitutifs d'un trouble manifestement illicite, l'ordre des avocats du barreau de Chambéry (l'ordre) l'a assignée devant le président du tribunal de grande instance de Chambéry, statuant en référé, afin d'obtenir, notamment, sa condamnation à cesser cette activité ; que Mme X... a sollicité l'application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande, l'arrêt retient que s'agissant d'un litige dans lequel un groupement professionnel d'auxiliaires de justice défend, non un intérêt personnel, mais un principe de fonctionnement et l'application d'une réglementation, rien ne justifie que l'affaire soit jugée par une autre juridiction ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'ordre, partie à l'instance, était légalement représenté par son bâtonnier qui a la qualité d'auxiliaire de justice et exerce lui-même dans le ressort de la juridiction saisie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne l'ordre des avocats du barreau de Chambéry aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit, dans le cadre d'un litige opposant une courtière en assurances (Mme X...) à un ordre d'avocats (l'Ordre des avocats du barreau de Chambéry), que l'article 47 du code de procédure civile n'avait pas lieu à s'appliquer ;

AUX MOTIFS QUE l'article 47 du code de procédure civile qui vise le cas où « un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige » n'entend manifestement viser que des cas personnels où l'une des parties risque d'avoir des liens privilégiés avec la juridiction et où l'autre partie est donc a priori défavorisée ; que, s'agissant d'un litige de principe où se trouvait en jeu le fonctionnement des institutions et où un groupement professionnel défendait, non un intérêt personnel, mais un principe de fonctionnement et l'application d'une réglementation, rien ne justifiait que l'affaire soit jugée par une autre juridiction ; que l'ordonnance entreprise devait donc être réformée ;

1°/ ALORS QUE le défendeur à un procès intenté par un ordre d'avocats peut demander le renvoi de l'affaire devant une juridiction située dans un ressort limitrophe ; qu'en l'espèce, la cour, qui a débouté Mme X... de sa demande de renvoi du litige devant une juridiction d'un ressort limitrophe, prétexte pris de ce que l'Ordre des avocats de Chambéry défendeur était un groupement professionnel ne défendant pas un intérêt personnel, a violé les articles 47 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ ALORS QUE le renvoi de l'affaire devant une juridiction d'un ressort limitrophe est justifié dès lors que l'Ordre des avocats défendeur est représenté légalement par son bâtonnier, exerçant ses fonctions dans le ressort de la juridiction saisie ; qu'en l'espèce, la cour, qui a rejeté la demande de Mme X... de renvoi de l'affaire devant une juridiction d'un ressort limitrophe, alors que l'Ordre des avocats de Chambéry défendeur était légalement représenté par son bâtonnier, en exercice dans le ressort de la juridiction saisie, a violé les article 47 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit, à la demande d'un ordre d'avocats (l'Ordre des avocats du barreau de Chambéry), qu'une courtière en assurances (Mme X...) devait cesser son activité de consultation et de négociation, relativement à des litiges qui ne se trouvaient pas en lien avec la mise en oeuvre de contrats d'assurance négociés dans le cadre de son activité de courtier en assurances dans un délai de huit jours à compter de sa signification, sous astreinte de 500 € par infraction constatée ;

AUX MOTIFS QUE, concernant l'affaire de Mlle Y..., Mme X... avait soumis à la signature de celle-ci, le 7 janvier 1959, une « convention d'honoraires » où elle se présentait comme « conseil spécialisé dans la résolution amiable des litiges opposant les assurés aux compagnies d'assurance » et où elle se voyait confier « la défense des intérêts » de Mlle Y..., sans aucune autre prestation d'intermédiaire d'assurance ; que le conseil pour la résolution de litiges constituait nécessairement un conseil juridique, de sorte que Mme X... se présentait donc comme exerçant la consultation juridique de façon professionnelle, soit avec rémunération, et violait ainsi les dispositions du titre II de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 31 décembre 1990, de sorte qu'elle avait alors, ainsi que durant toute la poursuite du contrat de conseil, causé un trouble manifestement illicite ; qu'en effet, cette activité constituait une intermédiation en assurances que l'article R. 511-2 réserve à des catégories de personnes dont Mme X... ne faisait pas partie ; que ce trouble avait cessé dès lors que le contrat était rompu ; que, depuis novembre 2009, Mme X... exerçait la profession réglementée de courtier en assurances et conseil en assurance, activité déclarée au registre du commerce, et justifiait avoir contracté les garanties et assurance obligatoires ; que le courtier, s'il est amené, dans la gestion de l'exécution du contrat, à conseiller son client dans la poursuite du contrat (notamment avis d'une situation irrégulière de nature à générer un refus de garantie, ne pas laisser croire à une garantie illusoire, information pour une déclaration de sinistre en temps utile), doit aussi le conseiller dans la mise en oeuvre du contrat, et donc sur les modalités d'indemnisation en cas de sinistre ; qu'en conséquence, l'activité de conseil étant accessoire à celle de courtier, ne peut s'exercer qu'à l'égard des litiges relatifs à la mise en oeuvre du contrat entre le client et l'assureur avec lequel il a été mis en relation ; que si l'activité de Mme X... au début de l'année 2009, et en particulier dans le cas de Mlle Y..., exercée en l'absence de profession réglementée, entrait manifestement dans le domaine proscrit par elle, il n'en était plus forcément de même depuis qu'elle était courtier en assurances ; que Mme X... justifiait de contrat avec une assurance en vue de la diffusion des contrats de protection juridique de celle-ci et de relations avec des avocats dans la gestion de dossiers de sinistres ; qu'aucune pièce du dossier de l'Ordre des avocats ne permettait de supposer que, depuis le 16 novembre 2009, elle n'exerçait d'activité de conseil autrement qu'en accessoire à celle de courtier en assurances ; que, toutefois, il apparaissait que, dans sa défense, Mme X... n'affirmait à aucun moment que son activité de conseil en litiges d'assurances se limitait aux contrats pour la conclusion desquels elle intervenait ou était liée à la résiliation de contrats en vue de nouveaux contrats d'assurance ; que, bien au contraire, ses pièces démontraient qu'elle était intervenue le 19 novembre 2010 pour confier à un avocat le litige de M. Z..., le 25 novembre 2009, à des dates bien trop proches du début de son activité de courtier pour être en lien avec des contrats d'assurance conclus par son intermédiaire ; que se trouvait ainsi démontrée la poursuite d'une activité de consultation juridique depuis que Mme X... était inscrite comme courtier d'assurance, et il en résultait un trouble manifestement illicite que l'Ordre des avocats demandait justement de faire cesser ;

1°/ ALORS QUE le juge des référés, saisi dans le cadre d'un trouble manifestement illicite, ne peut se prononcer sur la qualification de l'activité d'un professionnel, au regard de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 ; qu'en l'espèce, la cour qui, saisie en référé, a pourtant décidé que Mme X... avait exercé une activité juridique empiétant sur le monopole légal des avocats, a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE le professionnel de l'assurance qui négocie amiablement, pour le compte d'un client, le règlement par une compagnie d'assurances des indemnités dues par cette dernière, ne délivre pas de consultations juridiques ; qu'en l'espèce, la cour, qui a énoncé que Mme X..., en négociant, pour le compte de clients, la résolution amiable de litiges, délivrait nécessairement des consultations juridiques, de sorte qu'elle empiétait fautivement sur le périmètre réservé à la profession d'avocat, a violé les articles 809 du code de procédure civile et 54 de la loi du 31 décembre 1971 ;


3°/ ALORS QUE le courtier en assurances peut dispenser, à titre d'activité accessoire, des conseils juridiques, peu important que ceux-ci ne se trouvent pas en lien avec un contrat d'assurance dont il a négocié la souscription ; qu'en l'espèce, la cour, qui a interdit à Mme X... toute activité de négociation et de consultation relative à des litiges qui ne seraient pas en lien avec des contrats d'assurance dont elle aurait négocié la souscription, a violé les articles 809 du code de procédure civile, 54 et 59 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article L. 511-1 du code des assurances.



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Cette décision est visée dans la définition :
Privilège de juridiction


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.