par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
PRIVILEGE DE JURIDICTION DEFINITION
Dictionnaire juridique
Définition de Privilège de juridiction
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Le "privilège de juridiction", certains auteurs préfèrent utiliser l'expression "immunité de juridiction", d'autres le mot "délocalisation", est le droit donné à certaines personnes de comparaître devant une juridiction autre que celle à laquelle les règles du droit commun procédural attribuent compétence. C'est ainsi que les magistrats, lesavocats, peuvent s'ils sont demandeurs saisir une juridiction limitrophe de celle auprès de laquelle ils exercent leurs fonctions. S'ils sont défendeurs ils disposent pareillement du droit d'obtenir le renvoi de la cause devant une juridiction territorialement voisine choisie dans les mêmes conditions. Ces dispositions sont applicables à un avocat mis en liquidation judiciaire qui peut en solliciter la mise en oeuvre la première fois en cause d'appel (Chambre commerciale 31 janvier 2012, pourvoi n°10-25693, BICC n°761 du 1er mai 2012 et Legifrance). Jugé à cet égard que lorsqu'il saisit une juridiction pour faire cesser les activités d'une personne qui exerce une activité juridique et de représentation réservée à la profession d'avocat et qu'il soutient que ces agissements sont constitutifs d'un trouble manifestement illicite, l'Ordre des avocats, représenté par son bâtonnier qui a la qualité d'auxiliaire de justice et qui exerce lui-même dans le ressort de la juridiction saisie, bénéficie des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile. (2è Chambre civile 18 octobre 2012, pourvoi : n°11-22374, BICC n°776 du 15 février 2013 et Legifrance). En revanche, le renvoi ordonné en application de l'article 47 du code de procédure civile doit être fait devant une juridiction située dans un ressort limitrophe de celui de la juridiction initialement saisie (2ème Chambre civile 10 janvier 2013 pourvoi n°11-27480, BICC n°781 du 1er mùai 2013 et Legifrance.
En revanche, ne sont pas des auxiliaires de justice au sens de l'art.47 CPC :
Un arrêt de la deuxième Chambre civile de la Cour de Cassation (CIV.2. - 16 octobre 2003, BICC du 15 janvier 2004, n°31) a exclu l'application de cette règle à l'action disciplinaire estimant que la procédure spéciale instituée en matière disciplinaire, tant par l'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 que par le décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 échappait par nature aux dispositions de l'article 47 du nouveau Code de procédure civile. En revanhe,, l'arrêt d'une cour d'appel qui avait jugé que les conditions d'application de l'article 47 du code de procédure civile ne se trouvaient pas réunies dans la mesure où la salariée n'exerçait pas de fonctions juridictionnelles au sein de la cour d'appel. Cet arrêt a été cassé, en raison de ce qu'ayant constaté que la salariée exerçait des fonctions de conseiller prud'homme au sein d'une juridiction de son ressort, la Cour d'appel était tenue de faire droit à la demande de renvoi formée en application de l'article 47, alinéa 2, du code de procédure civile (Chambre sociale 26 novembre 2013, pourvoi n°12-11740, BICC n°797 du 1er mars 2014 et Legifrance)
Parce que ces règles sont dérogatoires on classe dans la catégorie des privilèges de juridiction les dispositions contenues dans les articles 14 et 15 du Code civil. Selon l'article 14 du Code civil, toute personne étrangère même résidente à l'étranger, peut se voir assignée devant un tribunal français pour l'exécution des obligations qu'elle a contractées en France ou à l'étranger avec un citoyen français. L'article 15 du code civil prévoit de son côté que tout citoyen français peut être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger. En droit européen, dès lorsqu'aucune juridiction d'un Etat membre n'est compétente en vertu des articles 3, 4 et 5 du Règlement n°2201/2003 du 27 novembre 1993 ‒ 2003, dit "règlement Bruxelles", la compétence est, dans chaque Etat, réglée par la loi de cet Etat. Cette compétence s'applique lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence n'est réalisé en France (1ère chambre civile, 30 septembre 2009, pourvoi n°08-19793, BICC n°717 du 1er mars 2010) et Legifrance). Même s'il s'agit d'une personne morale, telle une société commerciale, en l'absence de traité international ou de règlement communautaire applicable, comme en l'absence de renonciation, la nationalité française suffit à fonder la compétence des juridictions françaises. (1ère Chambre civile 26 octobre 2011 pourvoi n°10-23567, BICC n°756 du 15 février 2012 et Legifrance). Même principe appliqué en droit international : si une juridiction étrangère pourtant désignée par la clause attributive de juridiction s'est déclarée incompétente pour régler le litige dont elle a été saisie, et que la preuve n'a pas été rapportée que les juridictions de droit commun étrangères ont été saisies par la requérante, il convient de considéré à bon droit que cette dernière pouvait saisir les tribunaux français sur le fondement de l'article 14 du code civil (1ère chambre civile, 30 septembre 2009, pourvoi n°08-17587, BICC n°717 du 1er mars 2010 et Legifrance). Consulter la note de M. Cornut, référencée dans la Bibliographie ci-après.
La Première Chambre de la Cour de cassation rappelle que l'article 15 du Code civil ne consacre qu'une compétence facultative de la juridiction française, impropre à exclure la compétence d'un juge étranger dès lors que le litige se rattache de manière caractérisée à l'État dont la juridiction a été saisie et dès lors que le choix de cette juridiction n'a pas été frauduleux. (1ère Civ. - 22 mai 2007, BICC n°668 du 1er octobre 2007 et 6 février 2008, BICC n°682 du 15 mai 2008). La juridiction française devant laquelle le moyen est soulevé, doit rechercher si elle n'a pas été saisie antérieurement à la juridiction étrangère (1ère chambre civile, 16 décembre 2009, pourvoi n°08-20305, Lexis-Nexis et Legifrance). Sur ce dernier point voir l'arrêt cité ci-dessus du 30 septembre 2009. S'agissant d'une simple faculté pour le bénéficiaire de ces dispositions, il peut y renoncer mais sa renonciation ne doit pas être équivoque (1ère Civ. 31 janvier 2006, pourvoi n°04-20689, Bull. 2006, I, n°39 Legifrance). Le juge ne saurait tenir compte d'une déclaration d'intention faite à un expert judiciaire de saisir ultérieurement une juridiction étrangère. Une telle déclaration ne peut valoir renonciation au bénéfice de l'article 14 du code civil. (1ère chambre civile, 1er juillet 2009, pourvoi n°08-15955, BICC n°714 du 15 janvier 2010 et Legifrance). Consulter la note de M. Etienne Cornu référencée dans la Bibliographie ci-après.
Encore qu'elle procède d'un principe différent, on peut consulter : Immunité (Principe d'-), Compétence et Litispendance.
Textes
Bibliographie