par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
PRINCIPE D'IMMUNITE DEFINITION
Dictionnaire juridique
Définition de Principe d'Immunité
en partenariat avec Baumann Avocats Droit informatique |
En droit social, le principe d'immunité est le nom donné par la doctrine au fait que, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle et en dehors des cas où il aurait commis une faute intentionnelle ou une faute inexcusable, la responsabilité de l'employeur, de ses préposés ou de ceux qu'il s'est substitué dans la gestion de l'entreprise, ne peut être recherchée sur le fondement du droit commun par le salarié ou par ses ayants-droit. En d'autres mots, la réparation forfaitaire instituée par la législation professionnelle est substituée au droit commun de la responsabilité civile.
En procédure, il existe aussi un principe d'immunité selon lequel à l'audience les parties ou leurs conseils disposent de la liberté de parole. Cette règle n'est cependant pas totale, car ces personnes sont cependant tenues au respect d'une obligation de réserve qui limite cette liberté aux propos qui sont nécessaires à la cause. A cet égard le magistrat qui préside les débats dispose de la police de l'audience.
L'immunité diplomatique et consulaire est le droit attribué aux personnes appartenant au personnel des Ambassades et des Consulats étrangers et, à l'étranger, au personnel du corps diplomatique et consulaire français, d'être soustrait à la compétence des juridictions de l'État de leur résidence. Cette prérogative résulte à la fois des usages, et des Conventions internationales. Cependant les États étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige, participe par sa nature ou par sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces États. En revanche, les actes de gestion que ces États ou que ces Organismes réalisent sur le sol français, par exemple l'emploi d'un professeur par le Royaume d'Arabie Saoudite, et même si l'on considère que l'intéressée participait au service public de l'enseignement saoudien, relèvent des actes de simple gestion qui ne sont pas protégés. La Cour de cassation a ainsi jugé que l'État saoudien ne pouvait se prévaloir du principe d'immunité pour ne pas déclarer à un régime français de protection sociale, le professeur qu'il avait engagé. Celui-ci s'était donc trouvé fondé a saisir les juridictions françaises du différend qui l'opposait à son employeur. (Cass. . ch. mixte, 20 juin 2003 ; Mme Soliman c/ École saoudienne de Paris et a. : Arrêt n° 220 P, JCP éd. E 2003, n°27 act. 195). Consulter aussi : Chambre criminelle 15 décembre 2015, pourvoi n°15-83156 BICC n°841 du 1er mai 2016 et Legifrance). Concernant encore le licenciement d'un agent local d'un Consulat étranger, la Chambre sociale a décidé que si un Etat est en droit de revendiquer l'immunité de juridiction, quant à l'appréciation des motifs de la décision de fermeture d'une délégation consulaire, le juge français garde le pouvoir de vérifier la réalité de la fermeture invoquée et de statuer sur les conséquences du licenciement d'un salarié motivé par cette décision, dés lors que celui-ci n'occupe pas des fonctions lui conférant une responsabilité particulière dans l'exercice du service consulaires (Chambre sociale, 31 mars 2009, pourvoi : 07-45618, BICC n°707 du 15 septembre 2009 et Legifrance).
Le justiciable, qui se voit opposer le caractère absolu de l'immunité d'exécution d'une organisation internationale, dispose, par la mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat, d'une voie de droit propre à rendre effectif son droit d'accès à un tribunal. Il résulte de ce qui précède que le seul fait de ne pouvoir saisir les fonds de la Banque de l'Afrique Centrale en France, ne constitue pas, au préjudice du demandeur une restriction disproportionnée à ce droit, au regard du but légitime poursuivi par l'accord garantissant une immunité d'exécution à cette banque centrale pour faciliter l'accomplissement de ses missions. (1ère Chambre civile 25 mai 2016, pourvoi n°15-18646, BICC n°85 du 15 novembre 2016 et Legifrance). Consulter la note de Madame Inès Gallmeister, D. 2016, somm. p.1207.
Le droit d'accès à un tribunal, tel que garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et dont l'exécution d'une décision de justice constitue le prolongement nécessaire, ne s'oppose pas à une limitation de ce droit d'accès, découlant de l'immunité des Etats étrangers, dès lors que cette limitation est consacrée par le droit international et ne va pas au-delà des règles généralement reconnues en la matière. (Chambre sociale 01 juillet 2020, pourvoi n°18-24643, Legifrance).
S'agissant de saisies conservatoires portant sur des créances fiscales ou parafiscales La Cour de cassation a jugé que selon le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies, du 2 décembre 2004, sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens, si les Etats peuvent renoncer, par contrat écrit, à leur immunité d'exécution sur des biens ou des catégories de biens utilisés ou destinés à être utilisés à des fins publiques, il ne peut y être renoncé que de manière expresse et spéciale, en mentionnant les biens ou la catégorie de biens pour lesquels la renonciation est consentie. Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, d'une part, que les créances faisant l'objet des saisies conservatoires en cause se rattachaient nécessairement à l'exercice par l'Etat argentin des prérogatives liées à sa souveraineté, ces créances correspondant à des contributions fiscales ou parafiscales ayant pour origine le pouvoir régalien de l'Etat et pour vocation le financement d'autres prérogatives régaliennes et, d'autre part, l'absence de mention expresse et spécifique de ces créances dans la clause de renonciation figurant aux contrats d'émission d'obligations et au contrat de service financier auquel ces derniers étaient soumis, la juridiction saisie en a exactement déduit, sans dénaturer la loi étrangère invoquée au troisième moyen et abstraction faite des motifs critiqués par la deuxième branche du premier moyen, que la République argentine n'avait pas renoncé à son immunité d'exécution sur ces créances (1ère Chambre civile 28 mars 2013 pourvoi n°10-25938 et 11-10450 (deux arrêts) BICC n°786 du 15 juillet 2013 et Legifrance).
Une salariée avait été engagée par la République du Ghana, en son ambassade, à Paris en qualité de secrétaire bilingue. La République du Ghana fait grief à l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris, d'avoir écarté l'immunité de juridiction qu'elle avait invoquée. Selon la Chambre sociale de la Cour de cassation, il résultait du droit international coutumier, tel que reflété par l'article 11, § 2, d, de la Convention des Nations unies, du 2 décembre 2004, sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens, et de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'avis du chef de l'Etat, du chef du gouvernement ou du ministre des Affaires étrangères de l'Etat employeur, selon lequel l'action judiciaire ayant pour objet un licenciement ou la résiliation du contrat d'un employé risquait d'interférer avec les intérêts de cet Etat en matière de sécurité, et ne dispensait pas la juridiction saisie de déterminer l'existence d'un tel risque. Ayant retenu que la salariée était chargée de l'organisation des activités sociales de l'ambassadeur, un tel risque n'était pas établi. La cour d'appel avait exactement décidé, sans être tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle a décidé d'écarter, qu'en : l'espèce, le principe de l'immunité de juridiction ne s'appliquait pas (Chambre sociale 27 novembre 2019, pourvoi n°18-13790, BICC n°920 du 15 avril 2020 et Légifrance).
En exécution d'une sentence arbitrale intervenue sous les auspices de la Chambre de commerce internationale, une société auprès de laquelle la République du Congo, s'était engagée à renoncer définitivement et irrévocablement à toute immunité de juridiction et d'exécution a fait pratiquer, entre les mains d'une banque, une saisie-attribution de comptes ouverts dans ses livres au nom de la mission diplomatique à Paris de la République du Congo et de sa délégation auprès de l'UNESCO. Il avait été jugé par la Cour d'appel de Versailles que selon le droit international coutumier, les missions diplomatiques des Etats étrangers bénéficient, pour le fonctionnement de la représentation de l'Etat accréditaire et les besoins de sa mission de souveraineté, d'une immunité d'exécution autonome à laquelle il ne peut être renoncé que de façon expresse et spéciale. La Cour de cassation a jugé que le droit international coutumier n'exigeait pas une renonciation autre qu'expresse à l'immunité d'exécution. (1ère Chambre civile 13 mai 2015, pourvoi n°13-17751, BICC n°830 du 1er novembre 2015 avec une note du SDER, et Legifrance)
Chaque fois que l'instance a pour objet une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé, l'exception d'immunité diplomatique est rejetée. Ainsi en a t-il été du moyen soulevée par la République fédérale d'Allemagne dans une affaire dans laquelle la propriétaire d'un terrain mitoyen plaidait pour obtenir la réparation d'un mur dont ils partageaient la propriété et qui présentait des désordres (1ère Civ. - 19 novembre 2008, BICC n°699 du 1er avril 2009 et Legifrance). Autre exemple ne constitue pas un acte de souveraineté, l'acte de gestion administrative consistant pour un Etat étranger à déclarer ou à ne pas déclarer un salarié à un régime français de protection sociale en vue de son affiliation. Et selon le même arrêt : il résulte de l'article 37 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 relative aux relations diplomatiques que, s'agissant du personnel administratif et technique d'une mission, l'employeur n'est exonéré de ses obligations découlant des dispositions de sécurité sociale en vigueur dans l'Etat accréditaire, telles que visées par l'article 33 qu'à l'égard des salariés qui ne sont pas ressortissants de cet Etat ou qui n'y ont pas leur résidence permanente. Mais la condition de résidence permanente ne saurait dépendre du type d'autorisation de séjour accordée par l'administration de l'Etat accréditaire et en vertu de laquelle l'intéressé peut demeurer sur son territoire (Chambre sociale 28 février 2012, pourvoi n°11-18952, BICC n°764 du 15 juin 2012 et Legifrtance).
Notons qu'un Etat ou un diplomate étranger peut renoncer à bénéficier de cette immunité, à condition que cette renonciation soit certaines expresse et non équivoque. (1ère Civ. - 9 mars 2011, pourvoi n°09-14743, BICC n°745 du 1er juillet 2011 et Legifrance). Ce choix se déduit nécessairement du fait que la personne bénéficiaire ait pris l'initiative de se porter demandeur devant une juridiction française. Consulter la note de M. Étienne Cornu référencée dans la Bibliographie ci-après. L'immunité de juridiction d'un Etat privant de tout pouvoir le for saisi, le juge de la mise en état est tenu de surseoir à statuer sur toutes les exceptions de procédure dont il est saisi, jusqu'à la décision du tribunal sur la fin de non-recevoir tirée d'une telle immunité (1ère Chambre civile 9 mars 2011, pourvoi n°10-10044, BICC n°745 du 1er juillet 2011 et Legifrance).
Dans l'affaire de l'explosion du vol du DC 10 de la compagnie UTA, ralliant Brazzaville à Paris dans le désert du Ténéré, la Cour de cassation a tout d'abord rappelé, que les États étrangers et les organisations qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction, immunité relative et non absolue, qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige ou qui leur est imputé à faute participe, par sa nature et sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces États et n'est donc pas un acte de gestion. Elle a ensuite décidé qu'en l'espèce, il était reproché à la Jamahiriya non pas d'avoir commis les actes de terrorisme incriminés mais de ne les avoir ni réprimés ni désFs, ou même de les avoir soutenus et qu'ayant relevé que la responsabilité de cet attentat ne pouvait être imputée à cet Etat étranger et que seuls six de ses ressortissants avaient été pénalement condamnés, la cour d'appel avait pu juger que la Jamahiriya pouvait opposer une immunité de juridiction dès lors que la nature criminelle d'un acte de terrorisme ne permettait pas, à elle seule, d'écarter une prérogative de souveraineté (1ère Chambre civile 9 mars 2011, pourvoi n°09-14743, BICC n°745 du 1er juillet 2011 et BICC n°748 du 1er octobre 2011 et Legifrance). Il a été jugé aussi que si la lettre engageant d'un salarié de l'UNESCO mentionnait que ses conditions d'emploi et de travail étaient régies par le "règlement du personnel de l'Économat complété par la législation française", cette référence à la législation française ne valait pas renonciation à l'immunité de juridiction dont l'UNESCO bénéficie en vertu de l'article 12 de l'Accord de siège du 2 juillet 1954". Ainsi, il a été jugé que bien que l'UNESCO, qui n'ait pas adhéré à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales les, ses salariés de, disposaient cependant pour le règlement de leurs conflits du travail, d'un recours de nature juridictionnelle comportant des garanties d'impartialité et d'équité, ce dont il se déduisait que la procédure mise en place par le règlement n'était pas contraire à la conception française de l'ordre public international". L'UNESCO était fondée à revendiquer le bénéfice de son immunité de juridiction" (Chambre sociale, 11 février 2009, N° de pourvoi : 07-44240, BICC n°704 du 15 juin 2009 et Legifrance).
L'avocat qui plaide bénéficie de l'immunité définie par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881. Mais il est susceptible de poursuites disciplinaires lorsque ses propos sont émis hors du prétoire et qu'ils tombent sous le coup de la Loi. Il en est ainsi lorsqu'ils présentent une connotation raciale jetant l'opprobre sur les jurés et mettent en cause leur probité. Une telle circonstance caractérise un manquement aux devoirs de modération et de délicatesse auxquels l'avocat est soumis. (1ère Chambre civile 5 avril 2012, pourvoi n°11-11044, LexisNexis)
Voir aussi la notion voisine qui est celle de Privilège de juridiction.
Textes
Bibliographie
juridique, édition générale, n°13, 28 mars 2011, Jurisprudence, n°333, p. 575, note à propos de 1re Civ. - 9 mars 2011.