par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 25 septembre 2013, 12-26091
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
25 septembre 2013, 12-26.091
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Acquêt
Régimes matrimoniaux
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la deuxième branche du moyen unique :
Vu l'article 1527, alinéa 2, du code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, les simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d'un autre lit ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Michel X... a épousé en secondes noces Mme Y... sans contrat préalable ; que, par une convention homologuée par jugement du 7 juillet 1998, les époux ont adopté le régime de la séparation de biens ; que, par acte notarié du 24 octobre 1998, ils ont partagé leur communauté ; que, notamment, l'usufruit de la maison d'habitation qui en dépendait a été attribué au mari, la nue-propriété l'étant à l'épouse ; qu'après le décès de Michel X..., son fils, né du premier mariage, M. Jean-Michel X... a prétendu que la convention du 24 octobre 1998 a constitué un avantage matrimonial dont l'épouse a bénéficié et en a demandé la réduction ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, après avoir admis que la communauté avait été partagée par moitié, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, d'une part, que, bien que sa valeur ait été légalement estimée, le mode d'attribution de l'immeuble commun avait nécessairement pour conséquence d'avantager l'épouse et ses propres héritiers au préjudice de ceux de Michel X... en permettant, à terme, à celle-ci de recueillir la totalité de la valeur de l'immeuble sans qu'en contrepartie, son patrimoine ne se trouve amputé de la valeur de l'usufruit, dès lors qu'elle partageait la jouissance de ce bien avec son époux, d'autre part, que l'avantage consenti par Michel X... résulte des modalités de partage de la communauté et que, par conséquent, il est régi par l'article 1527 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les acquêts résultent des économies faites par les époux, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé bien fondée l'action en retranchement de l'avantage matrimonial consenti à son épouse par Michel X... aux termes de la convention de liquidation de leur régime de communauté légale du 24 octobre 1998 et en a ordonné la réduction, l'arrêt rendu le 3 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré M. Jean-Michel X... recevable et bien fondé en son action en retranchement de l'avantage matrimonial consenti par M. Michel X... à son épouse, Mme Y..., aux termes de la convention de liquidation de leur régime de communauté légale reçue par Maître Z... le 24 octobre 1998 et ordonné en conséquence la réouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. Michel X... décédé le 1er juin 2009 à Saint Romain Sur Cher et la réduction de l'avantage consenti à Mme Paulette Y... conformément aux dispositions de l'article 920 et suivants du code civil ;
Aux motifs propres que Madame Paulette Y... interjette appel pour voir réformer le jugement entrepris qui a admis l'action en réduction pour atteinte à la réserve, dite action en retranchement ; que, formant appel incident, Monsieur Jean-Michel X... demande l'annulation de ladite convention, et des actes subséquents et à titre subsidiaire, demande la confirmation du jugement qui avait fait droit à son action en retranchement ;
que, dans l'ordre des demandes, l'appel principal sera examiné avant l'appel incident ; qu'en l'occurrence, il est constant que le 20 septembre 1997, les époux X...-Y..., ont passé devant notaire une convention en changement de régime matrimonial pour passer du régime de communauté légale à celui de la séparation de biens ; que cette convention contient des clauses générales sur le régime de séparation de biens et ne mentionne ni la teneur du patrimoine des cocontractants, ni les modalités du partage de communauté ; que l'exécution de cette convention était soumise à la condition de son homologation par le juge judiciaire ; que le tribunal de grande instance de Blois ayant homologué cette convention le 7 juillet 1998, les époux X...-Y... ont passé une nouvelle convention devant notaire le 24 octobre 1998, en liquidation-partage de la communauté ; que cette dernière convention énonce la masse des biens à partager, comprenant notamment une maison à Saint-Romain sur Cher d'une valeur de 400.000 francs et procède à l'attribution des biens en prévoyant notamment que l'usufruit de la maison précitée est attribuée à Monsieur Michel X... et la nue-propriété à Madame Paulette Y... ; qu'aux termes de l'article 1527 du code civil dans sa formulation antérieure à la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 alors applicable, l es avantages que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont point regardés comme des donations ; que, néanmoins, au cas où il y aurait des enfants d'un précédent mariage, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l'un des époux au-delà de la portion réglée par l'article 1098 du code civil, sera sans effet pour tout l'excédent ; qu'aux termes de l'article 1098 devenu article 1094-1 du code civil, pour le cas où l'époux laisserait des enfants ou descendants issus ou non du mariage, il pourra disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quart en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement ; qu'en l'espèce, il résulte de la lecture des actes contestés des 20 septembre 1997 et 24 octobre 1998, que l'avantage consenti par Monsieur Michel X... résulte des modalités du partage de la communauté ; que, par conséquent, cet avantage est régi par l'article 1527 du code civil ; que cet avantage résulte du fait que Monsieur Michel X... a donné à Madame Paulette Y..., une portion supérieure à celle dont il disposait en vertu de la loi ; qu'en effet, alors que le montant total de la communauté s'élevait en valeur à 570.000 francs et que 285.000 francs revenait en valeur à chacun des époux, permettant à Monsieur Michel X..., d'après l'article 1094-1 précité, de ne disposer que de 71.250 francs en propriété, celui-ci a donné à Madame Paulette Y... la valeur de 280.000 francs en propriété consistant dans la nue-propriété de la totalité du seul bien immobilier de la communauté et dans la propriété de tous les meubles meublants ; que dans la mesure où l'avantage consenti à son épouse par Monsieur Michel X... alors qu'il a un enfant du premier lit, excède ses droits disponibles, il y a lieu de dire que l'acte notarié de liquidation-partage conclu par Monsieur Michel X... et Madame Paulette Y... le 24 octobre 1998, sera sans effet pour tout l'excédent ; que, concernant le grief de fraude invoqué par Monsieur Jean-Michel X..., il ne peut être retenu faute de preuve suffisante ; que Monsieur Jean-Michel X... se fonde, en effet, sur le fait que l'avis des enfants majeurs de chacun des deux époux n'a pas été sollicité lors de la demande d'homologation du changement de régime matrimonial ; que cependant, il est à observer que la juridiction qui a statué sous l'empire de l'article 1397, du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 n'a pas jugé l'acte de changement du régime matrimonial contraire à l'intérêt de la famille et a homologué l'acte ; que, par conséquent, pour l'ensemble des motifs précités ainsi que ceux énoncés par les premiers jugés, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à l'action en réduction des avantages matrimoniaux excédant la quotité disponible ;
Et aux motifs adoptés que par application de l'article 1397 du code civil, l'action en nullité pour cause illicite de la convention de changement de régime matrimonial est ouverte aux enfants des époux nés d'une première union ; que, parallèlement, les mêmes enfants bénéficient aux termes de l'article 1527 alinéa 2 du même code, de l'action en retranchement d'avantages matrimoniaux contre toutes conventions ayant pour conséquence de donner à l'un des époux au-delà de la portion réglée par l'article 1094-1, au titre des donations entre vifs et des testaments ; qu'en l'espèce, la convention de changement de régime matrimonial en faveur du régime de la séparation de biens reçue par Maître Z..., notaire à Saint Aignan (41), le 20 septembre 1997, homologuée par le tribunal de grande instance de Blois le 7 juillet 1998, prévoyait en son article 4 la seule faculté pour l'époux survivant d'acquérir ou se faire attribuer les biens et droits par lesquels serait assuré le logement de la famille, à charge pour lui de tenir compte de leur valeur à la succession du prémourant ; que cette clause ne pouvait avoir pour effet d'avantager le conjoint survivant au préjudice des héritiers de celui prédécédé, dès lors qu'elle n'entraînait pas la possibilité d'un transfert de droits à titre gratuit ; qu'en revanche, il ressort de la convention de liquidation et partage de la communauté dissoute en suite du changement de régime matrimonial des époux X...-Y..., reçu par le même notaire le 24 octobre 1998, qu'ils ont convenu, après calcul de leurs droits respectifs, d'attribuer à Monsieur X... le seul usufruit de l'immeuble commun dont la nue-propriété a été attribuée à Madame Y... ;
qu'il en résulte, bien que sa valeur ait été légalement estimée, que ce mode d'attribution avait nécessairement pour conséquence d'avantager l'épouse et ses propres héritiers au préjudice de ceux de Monsieur Michel X..., en permettant, à terme, à celle-ci de recueillir la totalité de la valeur de l'immeuble sans qu'en contrepartie, dès lors qu'elle partageait la jouissance du bien avec son époux, son patrimoine ne se soit trouvé amputé de la valeur de cet usufruit ; qu'en conséquence, il y a lieu, sans qu'il soit nécessaire de rechercher la volonté de fraude, de faire droit à l'action en retranchement initiée par Monsieur Jean-Michel X... et de désigner le président de la chambre départementale des notaires du Loir et Cher ou son délégataire à l'effet de rouvrir les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur Michel X... et procéder aux dites opérations conformément aux dispositions des articles 920 et suivants du code civil ;
Alors, d'une part, qu'en décidant qu'à la suite du changement de régime matrimonial ayant abouti à l'adoption du régime de la séparation de bien et par acte du 24 octobre 1998, M. Michel X... aurait donné à Mme Paulette Y... la valeur de 280.000 francs en propriété consistant dans la nue-propriété de la totalité du seul bien immobilier de la communauté et dans la propriété de tous les meubles meublants, quand cet acte de liquidation-partage de la communauté ne stipule aucune donation au profit de Mme Y... mais détermine seulement la part qui revenait à chacun des époux sur les biens ayant appartenu à la communauté, Mme Y... se voyant attribuer à ce titre la nue-propriété du bien immobilier commun et la propriété de tous les meubles meublants quand M. X... recevait l'usufruit du bien et des valeurs mobilières et de placement, la cour d'appel a dénaturé l'acte du 24 octobre 1998 et violé l'article 1134 du code civil ;
Alors, d'autre part, que les avantages matrimoniaux qui résultent directement du fonctionnement du régime matrimonial sont constitués par les seuls profits que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle ou qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes ; qu'en jugeant que l'action en retranchement permettrait à M. Jean-Michel X..., enfant du premier lit de Michel X..., de remettre en cause le partage de la communauté légale ayant existé entre ce dernier et Mme Y... sans constater qu'une convention entre les époux aurait aménagé le régime légal de communauté, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1527 du code civil ;
Alors, en outre, qu'en jugeant que l'action en retranchement serait recevable quand elle visait à contester les opérations de liquidation et partage de la succession du père du demandeur, marié sous le régime de la séparation de biens avec Mme Y... au moment de son décès, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1527 du code civil ;
Alors, enfin, que la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage et provenant de leur industrie personnelle ; que l'usufruit s'éteint par la mort de l'usufruitier ;
qu'en décidant, par motifs adoptés, que l'attribution à Michel X... lors de la liquidation de la communauté de l'usufruit sur le bien immobilier commun constituerait un avantage matrimonial au bénéfice de Mme Y..., quand il n'était que la conséquence de la mise en oeuvre du régime légal de communauté puis de l'extinction de l'usufruit par le décès de l'usufruitier, aucun bien n'ayant été donné à Mme Y..., la cour d'appel a violé les articles 617, 1401 et 1527 du code civil.
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Acquêt
Régimes matrimoniaux
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.