par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 20 novembre 2013, 12-25266
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 1ère chambre civile
20 novembre 2013, 12-25.266

Cette décision est visée dans la définition :
Arbitrage




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 125 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par contrat du 1er septembre 2006, la société française Giepac Bourgogne, aux droits de laquelle vient la société Saica Pack France, a acquis auprès de la société Automation Group, dont le siège est situé en Italie, un ensemble de machines industrielles, dont deux robots "palettiseur" destinés au chargement de paquets de cartons ; que celle-là se plaignant des dysfonctionnements d'un de ces robots a mis en oeuvre la procédure d'arbitrage en application de la clause compromissoire insérée au contrat ; que, par sentence du 24 mars 2011, signée par deux arbitres, le tribunal arbitral, statuant en amiable composition, a ordonné à la société Giepac Bourgogne de restituer les éléments complets du robot défectueux, de payer à la société Automation Group le solde de sommes dues au titre des commandes passées et livrées, et ordonné à celle-ci de payer une certaine somme à celle-là, et, par une seconde décision du 18 avril 2011, a rectifié l'erreur matérielle affectant la sentence initiale et mentionné que l'un des trois arbitres avait refusé de la signer ; que la société Automation Group a formé un recours en annulation des deux sentences prononcées sur le fondement des dispositions de l'arbitrage interne ;

Attendu que, pour annuler les sentences arbitrales sur le fondement des articles 1473, 1480 et 1484 du code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure à celle issue du décret du 13 janvier 2011, l'arrêt retient que l'arbitrage est soumis au droit interne, la clause compromissoire l'ayant stipulé ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'appartient pas aux parties de modifier le régime interne ou international de l'arbitrage, dont la qualification est déterminée en fonction de la nature des relations économiques à l'origine du litige, la cour d'appel, à laquelle il incombait de procéder à cette qualification dont dépendait le recours, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Automation group aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la société Saica parc France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille treize.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour la société Saica pack France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence du 24 mars 2011 et d'avoir, en conséquence, débouté la société SAICA PACK FRANCE de sa demande de résolution de la vente du palettiseur n° 718-2 et ses demandes indemnitaires subséquentes,

AUX MOTIFS QUE :

«Il résulte de la combinaison des articles 1473 et 1480 du code de procédure civile qu'en matière d'arbitrage interne, la sentence, la sentence qui n'est pas signée par tous les arbitres, excepté si le refus de signer a été mentionné par les autres, doit être annulée même en l'absence de grief ; qu'en l'espèce, la sentence datée du 24 mars 2011 a été signée seulement par le président du tribunal arbitral et par l'arbitre désigné par la société GIEPAC BOURGOGNE, sans que soit mentionné le refus de signer du troisième arbitre» ;

ALORS, d'une part, QUE les critiques concernant la signature de la sentence arbitrale ne constituent pas des cas d'ouverture au recours en annulation en matière d'arbitrage international ; qu'en se fondant, pour annuler la sentence du 24 mars 2011, sur l'absence de signature du troisième arbitre et de mention de son refus de signer, quand il est constant que la sentence a été rendue au terme d'un arbitrage international et qu'une telle irrégularité n'était pas un cas d'ouverture du recours en annulation, la cour d'appel a violé les articles 1473, 1480, 1502 et 1504, anciens, du code de procédure civile, les deux premiers par fausse application, les deux autres par refus d'application ;

ALORS, d'autre part, QUE les règles relatives aux voies de recours sont d'ordre public ; qu'en retenant que l'arbitrage, pourtant à caractère international, était soumis aux règles du droit interne ¿ «application des articles 1442 à 1491 du code de procédure civile» ¿ auxquelles renvoyait la clause compromissoire, quand la volonté des parties ne pouvait déroger aux règles d'ordre public édictées par les articles 1502 et 1504, anciens du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ces textes par refus d'application ;

ALORS, en toute hypothèse, QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société SAICA PACK France, faisant valoir que l'arbitrage entre elle et la société AUTOMATION GROUP était international, ce dont il résultait que seules les dispositions des articles 1502 et 1504 du code de procédure civile étaient applicables à l'exclusion des règles relatives à l'arbitrage interne, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence du 24 mars 2011 telle que rectifiée le 18 avril 2011 et d'avoir, en conséquence, débouté la société SAICA PACK FRANCE de sa demande de résolution de la vente du palettiseur n° 718-2 et ses demandes indemnitaires subséquentes,

AUX MOTIFS QUE :

«Le vice affectant la sentence du 24 mars 2011 n'a pas pu être réparée par la transmission aux parties le 29 avril 2011 d'une sentence rectifiée ; qu'en effet, premièrement, une fois la sentence du 24 mars 2011 émise par son envoi aux parties par lettre recommandée avec avis de réception, le tribunal arbitral se trouvait dessaisi et ne pouvait plus "annuler», ni «rétracter» sa décision ; que deuxièmement, indépendamment du fait que la société AUTOMATION GROUP avait dès le 4 avril 2011 formalisé son recours au greffe de la cour d'appel et qu'il portait notamment sur la question du défaut de signature, la décision rectifiée elle-même est nulle et de nul effet, étant donné qu'elle a été émise sans débat contradictoire préalable, les échanges de courriers entre les parties et le président du tribunal ne pouvant en tenir lieu, d'autant plus qu'ils révèlent que l'une des parties estimait que les rectifications demandées dépassaient le cadre de l'article 462 du code de procédure civile» ;

ALORS, d'une part, QUE le tribunal arbitral peut toujours rectifier les erreurs matérielles contenues dans la sentence qu'il a rendue ; qu'en refusant au tribunal arbitral de rectifier sa sentence rendue le 24 mars 2011, la cour d'appel a violé les articles 462 et 1475, alinéa 2, du code de procédure civile, par refus d'application ;

ALORS, d'autre part, QUE l'article 462, alinéa 3, du code de procédure civile, applicable à l'arbitrage en vertu de l'article 1475, alinéa 3, du code de procédure civile, prévoit que, lorsqu'il est saisi sur requête en rectification d'erreur matérielle, l'arbitre statue sans audience, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties ; qu'en retenant, pour annuler la sentence du 24 mars 2011 telle que rectifiée le 18 avril suivant, que cette décision a été émise sans débat contradictoire préalable, les échanges de courriers entre les parties et le président du tribunal ne pouvant en tenir lieu, quand l'arbitre n'était pas tenu d'entendre les parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés, par refus d'application.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société SAICA PACK FRANCE de sa demande de résolution de la vente du palettiseur n° 718-2 et ses demandes indemnitaires subséquentes, AUX MOTIFS QUE :

«Les pièces produites donnent les renseignements suivants sur le fonctionnement de la machine litigieuse : le 7 février 2007 la société AUTOMATION GROUP écrit à SAICA (maison mère de GIEPAC) se plaignant de coûts supplémentaires engagés par elle pour le réglage des installations de Venizel et de Bourgogne (en effet la commande de GIEPAC se situait dans le cadre de plusieurs commandes du groupe) et pour des formations supplémentaires, et demandant un responsable pour chaque site, faisant valoir que la plupart du temps les arrêts machine sont dus à une mauvaise gestion de la machine par les opérateurs ; courriel de M. X... de SAICA du 5 janvier 2007 : le palettiseur 718-2 commence à fonctionner mais des travaux restent à faire, l'annexe comprenant leur liste n'est pas produite ; la réponse d'AUTOMATION du 15 février 2007 sur 20 points concernant le palettiseur concerné et faisant apparaître que des réglages et de petites modifications ont été nécessaires cette période de mise en route, et que GLEPAC a du retard les paiements convenus, plus de 25 fiches internes de demandes de travaux sont établies par le personnel de GIFPAC entre décembre 2006 et juin 2007 pour des défauts constatés dans le fonctionnement du robot 718-2 ; selon le compte rendu établi contradictoirement du 12 juin 2007, le système est capable de débiter entre 400 et 800 paquets à l'heure mais se bloque souvent, provoquant des chutes de production, la société AUTOMATION GROUP incrimine le convoyeur d'entrée du robot, matériel non fourni par elle et qui ''a de graves problèmes d'alimentation du palettiseur"' ; néanmoins il est indiqué que les robots ne limitent pas la production ; les parties s'accordent alors pour le paiement des 2 tranches de 10 % et de 2 autres après l'inspection de l'organisme de contrôle (APAVE) ; le mail du 20 juillet 2007 sur la résolution des problèmes soulevés par l'APAVE concerne la conformité de l'installation aux normes de sécurité mais n'apporte pas d'indications sur le fonctionnement du robot ; 11 fiches d'intervention de techniciens d'AUTOMATION entre novembre 2006 et octobre 2007 contresignées par le client, dont 8 sont relatives à la mise en route, celle du 11 mai 2007 signale un dysfonctionnement dont la cause n'est pas claire, celle du 14 septembre 2007 constate que la cadence est montée de 550 à 700 paquets/heure et qu'il y a eu raie "casse mécanique du chariot des fourches", enfin la dernière du 12 octobre 2007 note des problèmes de cellules photo électriques et une révision générale mécanique et électrique ; qu'aucun élément n'est produit après le 12 octobre 2007, et jusqu'au constat d'huissier du 3 juillet 2008, dans lequel Me Christophe Y... photographie certaines parties de la machine présentant des défauts selon les dires de la société GIEPAC et note que resté sur place pendant plusieurs heures dans l'usine il a constaté "l'impossibilité d'utiliser cette chaîne et ce robot de façon continue, normale et industrielle"; qu'il ne ressort pas de ce constat la preuve que les défaillances de la machine sont imputables à la société AUTOMATTON GROUP ; Qu'ainsi, sur les incidents évoqués, il est impossible en l'état des dossiers de faire le partage entre ce qui relève des incidents normaux de mise en route, ce qui est dû aux choix du client ou à la mauvaise utilisation des machines par son personnel, et ce qui est dû à des malfaçons de la part du fournisseur; que contrairement à ce que fait valoir la société SAICA PACK France, une proposition de transaction ne vaut pas reconnaissance de responsabilité ; que la société GIEPAC BOURGOGNE n'a pas fait procéder à une expertise technique contradictoire au moment des désordres; qu'aujourd'hui l'équipement est démonté et stocké depuis plusieurs années si bien qu'aucune mesure d'instruction sérieuse n'est envisageable ; que la société SAIKA PACK France venant aux droits de la société GIEPAC BOURGOGNE en assumera les conséquences en ce que l'inexécution des obligations de la société AUTOMATION GROUP n'est pas démontrée et que sa demande de résolution ne petit pas aboutir, pas plus que ses demandes d'indemnisation reposant sur des fautes qui ne sont pas établies ; que par conséquent la société SAICA PACK France ne peut pas se soustraire au paiement du solde du prix de vente convenu dans le contrat du 30/8-1/9/2006, c'est-à-dire de la somme de 37.050 euros restant due à la société AUTOMATION GROUP» ;

ALORS QUE le juge qui prononce l'annulation d'une sentence rendue au terme d'un arbitrage international ne peut statuer sur le fond, l'application de l'article 1485, ancien, du code de procédure civile prévoyant un tel pouvoir d'évocation en arbitrage interne étant expressément exclu par l'article 1507, ancien, du même code ; que le défaut de pouvoir juridictionnel s'analyse en une fin de non-recevoir qui doit, eu égard à son caractère d'ordre public, être relevée d'office ; qu'en statuant au fond après avoir annulé les sentences du 24 mars 2011, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés, ensemble les articles 122 et 125 du code de procédure civile ;

ALORS, à tout le moins, QUE si l'amiable compositeur n'est pas privé du pouvoir de statuer en droit, il doit toutefois s'assurer, avant d'arrêter sa décision, que la solution retenue est conforme à l'équité ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, sans faire aucune référence à l'équité ou à la mission d'amiable compositeur qui lui avait été confiée, quand l'arbitre était investi, par les parties, d'une mission d'amiable composition, la cour d'appel a violé a violé l'article 1497, ancien, du code de procédure civile ;

ALORS, en tout état de cause, QU'après avoir constaté que les dysfonctionnements de la machine litigieuse ne proviennent pas «uniquement, ni même principalement» de la société SAICA PACK FRANCE, la cour d'appel ne pouvait, sauf à priver sa décision de base légale au regard de l'article 1497, ancien, du code de procédure civile, débouter celle-ci de l'ensemble de ses demandes, sans exposer les raisons d'équité qui l'ont conduite à exclure toute réparation du préjudice causé par la faute de la société AUTOMATION GROUP.



site réalisé avec
Baumann Avocats Droit des affaires

Cette décision est visée dans la définition :
Arbitrage


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.