par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 3 avril 2014, 13-15136
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
3 avril 2014, 13-15.136

Cette décision est visée dans la définition :
Sécurité sociale




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 244-11, R. 133-3 et R. 142-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes, d'une part, que les organismes de recouvrement conservent la possibilité de décerner une contrainte nonobstant la saisine de la commission de recours amiable, d'autre part, que cette saisine ne suspend pas le délai de prescription ;

Attendu , selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'à la suite d'un contrôle d'application de la législation de sécurité sociale portant sur l'année 1998, l'URSSAF de Haute-Garonne, devenue l'URSSAF de Midi-Pyrénées (l'URSSAF), a notifié le 1er février 2001 à la société EDF (la société) une mise en demeure de payer une certaine somme au titre du redressement consécutif ; que saisie par la société d'une contestation, la commission de recours amiable a rendu une décision le 15 décembre 2005 validant le redressement, décision qui a été notifiée à l'intéressée le 10 avril suivant ; que cette dernière a saisi une juridiction de sécurité sociale pour voir déclarer prescrite l'action en recouvrement de l'URSSAF au titre des cotisations pour l'année 1998 ;

Attendu que l'arrêt, pour rejeter l'exception de prescription relève, d'une part, que la mise en demeure de l'URSSAF ayant été reçue le 6 mars 2001 par la société, le délai de prescription quinquennale de l'action en recouvrement des cotisations, objet de ce courrier, expirait le 6 avril 2006, d'autre part, que la décision de la commission de recours amiable intervenue le 15 décembre 2005 avait été notifiée le 10 avril 2006 ; qu'il retient que l'URSSAF a été dans l'impossibilité absolue d'agir avant le 6 avril 2006, la saisine de la commission de recours amiable lui interdisant de poursuivre le recouvrement en émettant une contrainte qui ne peut être délivrée que si la mise en demeure n'est pas contestée ou en réclamant un titre devant le tribunal des affaires de sécurité sociale qui ne peut être saisi qu'après la décision de cette commission ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société EDF à payer en deniers et quittances à l'URSSAF Midi-Pyrénées, venant aux droits de l'URSSAF de Haute-Garonne, la somme de 23 864 638 euros au titre de l'année 1998, l'arrêt rendu le 8 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare prescrite la demande de l'URSSAF Midi-Pyrénées, venant aux droits de l'URSSAF de Haute-Garonne, en paiement de la somme de 23 864 638 euros au titre de l'année 1998 à l'encontre de la société EDF ;

Condamne l'URSSAF Midi-Pyrénées aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société EDF

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SA EDF de ses recours et de l'avoir condamnée à payer en deniers ou quittances à l'URSSAF Midi-Pyrénées, venant aux droits de l'URSSAF de la Haute-Garonne la somme de 23.864.638 euros au titre de l'année 1998, outre celles de 6.000 et 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres, sur la prescription de l'action en recouvrement des cotisations et majorations au titre de l'année 1998, que pour l'année 1998, la mise en demeure a été émise par l'URSSAF le 1er février 2001 et reçue le 6 mars 2001 ; qu'aux termes de l'article L.244-11 du code de la sécurité sociale, l'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard dues par un employeur ou un travailleur indépendant, intentée indépendamment ou après extinction de l'action publique, se prescrit par cinq ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L.244-2 et L.244-3 ; que le délai de prescription expirait le 6 avril 2006, aucune contrainte n'a été émise et que la décision de la commission de recours amiable est intervenue le 15 décembre 2005 ; que cependant la saisine de la commission de recours amiable interdit à l'URSSAF de poursuivre le recouvrement en émettant une contrainte qui ne peut être délivrée que si la mise en demeure n'est pas contestée, ou en réclamant un titre devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale qui ne peut être saisi qu'après la décision de recours amiable ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que l'URSSAF de la Haute-Garonne était dans l'impossibilité absolue d'agir dans le délai de prescription par suite d'un empêchement résultant de l'application des dispositions légales de sorte que la prescription n'a pu courir et ne saurait lui être opposée du chef de son action en recouvrement des cotisations afférentes à l'année 1998 ;

Et aux motifs, le cas échéant repris aux premiers juges, que la prescription de l'action en recouvrement des cotisations et majorations de retard invoquée au titre de l'année 1998 doit être écartée ; qu'en effet, si, aux termes de l'article L.244-11 du code de la sécurité sociale, l'action civile en recouvrement des cotisations ou majorations de retard se prescrit par cinq ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L.244-2 et L.244-3 du code de la sécurité sociale, encore faut-il que pendant ce délai l'URSSAF ait été dans la situation de pouvoir agir valablement, c'est-àdire pour interrompre la prescription, de saisir le Tribunal ou de délivrer une contrainte ; qu'en la circonstance, la mise en demeure ayant été décernée par l'organisme le 22 février 2001, et reçue le 6 mars 2001, le délai de cinq ans prévu par le texte précité, expirait donc le 6 avril 2006, c'est-à-dire avant saisine du tribunal ; que toutefois, il doit être considéré que : - l'EDF a régulièrement et dans le délai d'un mois dont elle disposait, contesté le bien-fondé de la mise en demeure en saisissant la commission de recours amiable de l'URSSAF de la Haute-Garonne dont la décision n'est intervenue que le 14 décembre 2005 et a été notifiée le 10 avril 2006, ce qui empêchait l'URSSAF d'agir devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale avant l'expiration du délai de cinq ans (6 avril 2006), une telle saisine lui étant interdite avant décision de la commission de recours amiable, procédure qui est obligatoire ; - l'URSSAF ne pouvait délivrer valablement une contrainte puisque un tel acte est subordonné à la notification préalable d'une mise en demeure non contestée, alors que, comme il vient d'être précisé cette contestation avait été élevée par EDF, étant au surplus rappelé que la contrainte étant un titre exécutoire ne peut être délivrée au titre d'une simple mesure conservatoire ; qu'il résulte de ce qui précède que l'URSSAF de la Haute-Garonne ayant été dans l'impossibilité absolue d'agir dans le délai, par suite d'un empêchement résultant de l'application des dispositions légales, il s'en suit que ladite prescription n'a pu courir et que partant elle ne saurait lui être opposée du chef de son action en recouvrement des cotisations afférentes à l'année 1998 ;

Alors, de première part, que les organismes de recouvrement conservent la possibilité d'émettre des contraintes et de saisir la juridiction des affaires de sécurité sociale nonobstant la saisine de la commission de recours amiable par le cotisant, laquelle n'entraîne donc pas suspension du délai de prescription de l'action en recouvrement ; qu'en estimant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L.244-11 et R.612-11 du code de la sécurité sociale, ensemble la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure ;

Alors, de deuxième part, subsidiairement, que l'obstacle qui résulterait de la saisine d'un tel organe interne de l'organisme de recouvrement ne saurait être pour ce dernier constitutif d'une impossibilité d'agir, dès lors qu'il lui appartient de faire en sorte que cet organe, qui lui est interne et qui doit en principe rendre sa décision dans un délai d'un mois, soit en mesure de rendre sa décision dans un délai compatible avec le respect de la prescription de l'action en recouvrement qui est de cinq années ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a de plus fort méconnu les articles L.244-11 et R.612-11 du code de la sécurité sociale, ensemble la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure ;

Alors, de troisième part, plus subsidiairement encore, que la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure, ne s'applique pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, au moment où cet empêchement a pris fin, du temps utile pour agir avant l'expiration du délai de prescription ; que la Cour d'appel, qui constatait en l'espèce que le délai de prescription expirait le 6 avril 2006, et que la décision de la commission de recours amiable est intervenue le 15 décembre 2005, ce dont il résultait que l'URSSAF de la Haute-Garonne disposait encore d'un délai manifestement suffisant pour saisir la juridiction de sécurité sociale d'une action en recouvrement ou émettre une contrainte à la date à laquelle avait pris fin la cause de suspension alléguée, ne pouvait écarter l'exception de prescription sans méconnaître la portée de ses propres énonciations et faire une fausse application de la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure et violer les articles L.244-11 et R.612-11 du code de la sécurité sociale ;


Et alors, enfin et en toute hypothèse, qu'en prenant également pour référence, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, la date à laquelle la notification de la décision de la commission de recours amiable a été reçue par la société EDF, quand l'obstacle susceptible de résulter de la procédure pendante devant cet organe interne de l'URSSAF de la Haute-Garonne avait pris fin, à l'égard de celle-ci, à la date de la réunion de cette commission, le 14 décembre 2005, date à laquelle l'URSSAF de la Haute-Garonne disposait encore d'un délai manifestement suffisant pour saisir la juridiction de sécurité sociale d'une action en recouvrement ou émettre une contrainte, la Cour d'appel a fait une fausse application de la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure et violé les articles L.244-11 et R.612-11 du code de la sécurité sociale ;



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Cette décision est visée dans la définition :
Sécurité sociale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.