par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, 13-19626
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
2 juillet 2014, 13-19.626

Cette décision est visée dans la définition :
Notaire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 mars 2013), que la Caisse méditerranéenne de financement (Camefi) a engagé des poursuites de saisie immobilières à l'encontre de M. et Mme X... sur le fondement d'un acte notarié de prêt reçu le 4 avril 2006 par M. Y..., notaire ; que les débiteurs saisis ayant contesté le caractère exécutoire de ce titre ainsi que la validité du prêt et la liquidité de la créance qu'il constate, la Camefi a appelé en garantie le notaire instrumentaire et la SCP au sein de laquelle ce dernier exerce ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les déclarer mal fondés en leurs contestations tenant à l'absence de titre exécutoire à raison du défaut d'annexion des procurations à l'acte notarié, à l'absence de pouvoir de la personne les représentant à l'acte notarié faute pour elle d'être clerc de notaire contrairement aux termes de la procuration donnée et à l'absence de créance liquide et exigible, et de les débouter, en conséquence, de leurs demandes tendant à la nullité du commandement valant saisie immobilière et la mainlevée de la saisie immobilière, alors, selon le moyen :

1°/ que l'appellation de clerc de notaire est réservée aux seuls collaborateurs de l'étude qui disposent d'une formation et de compétences juridiques spécifiques et qui accomplissent des tâches juridiques ; qu'en considérant que Mme Z..., secrétaire, avait valablement représenté les époux X... qui avaient expressément donné procuration à un clerc de notaire, motif pris de ce que le mandataire avait pu valablement se substituer une autre personne employée au sein de la même étude notariale, quelle qu'en soit les compétences, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1984 du code civil ;

2°/ que l'exécution d'un acte affecté d'un vice vaut seulement confirmation de cet acte lorsqu'il est établi que celui qui pouvait se prévaloir de ce vice en avait connaissance et avait l'intention de le réparer ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser la connaissance que les époux X... avaient du vice antérieurement à l'exécution de leur obligation et leur intention de le réparer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1338 du code civil ;

3°/ qu'est dépourvu de force exécutoire, un acte de prêt affecté d'irrégularités en ce qu'il comporte des mentions contradictoires avec celles de la procuration qui avait été consentie par les emprunteurs pour le régulariser, notamment lorsque ces mentions démontrent qu'à la date de signature de la procuration, les emprunteurs n'avaient pas accepté l'offre de prêt, ni donné de la sorte valablement procuration pour les représenter à l'acte à intervenir ; qu'en jugeant le contraire, tout en relevant que la procuration du 27 octobre 2005 mentionnait qu'elle aurait été consentie pour emprunter aux conditions de l'offre de prêt « signé ce jour » par les mandants quant l'acte de prêt mentionnait que l'offre de prêt aurait été acceptée le 7 novembre 2005, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1318 du code civil ;


Mais attendu que les irrégularités affectant la représentation conventionnelle d'une partie à un acte notarié ne relève pas des défauts de forme que l'article 1318 du code civil sanctionne par la perte du caractère authentique, et partant, exécutoire de cet acte, lesquels s'entendent de l'inobservation des formalités requises pour l'authentification par l'article 41 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, dans sa rédaction issue de celui n° 2005-973 du 10 août 2005 applicable en la cause ; que ces irrégularités, qu'elles tiennent en une nullité du mandat, un dépassement ou une absence de pouvoir, sont sanctionnées par la nullité relative de l'acte accompli pour le compte de la partie représentée, qui seule peut la demander, à moins qu'elle ratifie ce qui a été fait pour elle hors ou sans mandat, dans les conditions de l'article 1998, alinéa 2, du code civil ; que cette ratification peut être tacite et résulter de l'exécution volontaire d'un contrat par la partie qui y était irrégulièrement représentée ; qu'ayant relevé que M. et Mme X... au nom et pour le compte desquels le prêt litigieux avait été passé en la forme authentique en vertu d'une procuration, avaient reçu les fonds, pris possession du bien au financement duquel ils étaient affectés sans contester l'acquisition de ce bien pourtant contractée dans les mêmes conditions, bénéficié des avantages fiscaux, perçu les loyers et commencé à rembourser l'emprunt souscrit, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si les conditions de la confirmation d'un acte nul étaient remplies dans les termes de l'article 1338 du code civil, en a souverainement déduit que cette exécution volontaire du contrat de prêt témoignait sans équivoque de sa ratification par M. et Mme X... ; qu'elle a, par ces seuls motifs, justifié légalement sa décision de rejeter les contestations prises tant de la perte du caractère exécutoire de l'acte notarié que de la nullité du contrat de prêt qu'il constate, et partant, de valider le commandement valant saisie immobilière et de refuser la mainlevée de cette voie d'exécution ;

Que le moyen, inopérant en sa première branche, laquelle critique les motifs erronés mais surabondants tenant à ce que l'intervention à l'acte notarié d'une secrétaire notariale, au lieu du clerc de notaire mandaté, s'analysait en une substitution de mandataire dont les conséquences étaient réglées, non en termes de nullité de l'acte accompli, mais de responsabilité par l'article 1994 du code civil, n'est pas fondé pour le surplus ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande présentée par M. et Mme X... et condamne ces derniers à payer à la Camefi, d'une part, et à M. Y... et la SCP Raybaudo-Dutrevis-Brinès-Courant-Letrosne, d'autre part, la somme de 2 500 euros chacun ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quatorze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré les époux X... mal fondés en leurs contestations tenant à l'absence de titre exécutoire à raison du défaut d'annexion des procurations à l'acte notarié, à l'absence de pouvoir de la personne les représentant à l'acte notarié faute pour elle d'être clerc de notaire contrairement aux termes de la procuration donnée et à l'absence de créance liquide et exigible et les a en conséquence débouté de leurs demandes tendant à la nullité du commandement valant saisie immobilière et la mainlevée de la saisie immobilière ;
AUX MOTIFS QUE sur l'absence de pouvoir du représentant à l'acte de prêt, que la procuration reçue le 27 octobre 2005 par Maître Jourdeneaud, notaire associé à Marseille, est établie à l'ordre de « tous clercs de notaire de l'étude de Maître A... Jean-Pierre, notaire à Aix-en-Provence (...) pouvant agir ensemble ou séparément »
Il n'est pas discuté que Madame Z...qui a assuré la représentation à l'acte des époux X... en vertu de cette procuration n'est pas clerc de notaire de l'étude, qualité réservée aux seuls collaborateurs de l'étude accomplissant des tâches juridiques avec une qualification adaptée, mais secrétaire de l'étude de Maître A..., désignée dans l'acte comme « secrétaire notariale ».
Il est à bon droit soutenu par Maître A... et la Camefi que l'intervention à l'acte d'une secrétaire notariale au lieu du clerc de notaire mandaté s'analyse en l'espèce considérée et au sein de l'étude de notaire désignée, non pas en une absence de pouvoir de la personne qui est intervenue, pour violation de l'article 1134 du code civil, mais en une substitution d'une personne par le mandataire dans la gestion qui lui était confiée, dont les conséquences sont réglées, non pas en termes de nullité des actes accomplis, mais de responsabilité par les dispositions de l'article 1994 du code civil afférentes au contrat de mandat ;
Les emprunteurs qui n'ont pas désigné une personne précisément dénommée mais se sont uniquement et de façon générale référés à la dénomination d'un emploi au sein de l'étude, qui recouvre une qualité synonyme de compétence, ne sont pas fondés à prétendre que l'acte accompli sous couvert de ce mandat serait atteint de nullité du seul fait qu'il l'a été par une personne que le mandataire s'est substituée au sein de l'étude de notaire désignée où elle est également employée mais qui ne serait pas pourvue de cette compétence.

Cette situation est complètement réglée par l'article 1994 du code civil, soit que le pouvoir de se substituer quelqu'un n'ait pas été conféré par le mandant, soit qu'il l'ait été mais sans désignation d'une personne et alors dans le cas où la personne substituée aurait été notoirement incapable, le mandataire répondant dans tous les cas de celui qu'il s'est substitué et le mandant pouvant dans tous les cas agir directement contre la personne que le mandataire s'est substituée ;
Les époux X... ne mettent pas en évidence que le mandat n'aurait pas été accompli conformément aux termes dans lesquels il avait été consenti, la comparaison entre l'acte de prêt et la procuration ne faisant pas apparaître un défaut de conformité de substance de l'emprunt souscrit au contenu du mandat à cet égard, plus ample, et la Camefi se trouvant fondée à soutenir que l'acte accompli par ladite personne substituée a été ratifié par les époux X... qui ont reçu les fonds, pris possession du bien dont ils ne critiquent pas l'acquisition pourtant contractée dans les mêmes conditions, bénéficié des avantages fiscaux, perçu les loyers et commencé à rembourser l'emprunt ;
ET AUX MOTIFS QUE sur la violation des prescriptions impératives du code de la consommation, que les époux X... se prévalent d'une anomalie intrinsèque apparente de la procuration reçue par Maître Jourdeneaud, notaire associé à Marseille, le 27 octobre 2005, qui contient mandat d'emprunter jusqu'à concurrence de la somme de 683. 802 ¿ en une ou plusieurs fois auprès de tout établissement de leur choix et sous des conditions « telles que ces conditions résultent de l'offre de prêt signé ce jour par le mandant » (sic), alors que l'offre de prêt de la Camefi en litige, d'un montant de 227. 934 ¿, n'a été adressée que le 24 octobre 2005 et acceptée que le 7 novembre 2005 selon les mentions de l'acte notarié de prêt du 4 avril 2006 ;
Mais d'une part l'irrégularité qui en résulterait ne serait susceptible d'affecter le cas échéant que le montant de la créance réclamée en vertu de l'acte à raison des sanctions légalement attachées par l'article L 312-33 du code de la consommation au non-respect du délai de réflexion qui en résulteraient, parmi lesquelles la déchéance du droit aux intérêts, et non pas la validité des actes ;
Et d'autre part et au regard de la pluralité d'emprunts que vise expressément la procuration et des montants comparés des sommes visées aux deux actes, rien n'indique qu'il faut considérer que cette phrase aurait désigné le prêt ici considéré ;

ALORS QUE l'appellation de clerc de notaire est réservée aux seuls collaborateurs de l'étude qui disposent d'une formation et de compétences juridiques spécifiques et qui accomplissent des tâches juridiques ; qu'en considérant que Mme Z..., secrétaire, avait valablement représenté les époux X... qui avaient expressément donné procuration à un clerc de notaire, motif pris de ce que le mandataire avait pu valablement se substituer une autre personne employée au sein de la même étude notariale, quelle qu'en soit les compétences, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1984 du code civil ;
ALORS, EN TOUT ETAT, QUE l'exécution d'un acte affecté d'un vice vaut seulement confirmation de cet acte lorsqu'il est établi que celui qui pouvait se prévaloir de ce vice en avait connaissance et avait l'intention de le réparer ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser la connaissance que les époux X... avaient du vice antérieurement à l'exécution de leur obligation et leur intention de le réparer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1338 du code civil ;
ALORS ENFIN QUE est dépourvu de force exécutoire, un acte de prêt affecté d'irrégularités en ce qu'il comporte des mentions contradictoires avec celles de la procuration qui avait été consentie par les emprunteurs pour le régulariser, notamment lorsque ces mentions démontrent qu'à la date de signature de la procuration, les emprunteurs n'avaient pas accepté l'offre de prêt, ni donné de la sorte valablement procuration pour les représenter à l'acte à intervenir ; qu'en jugeant le contraire, tout en relevant que la procuration du 27 octobre 2005 mentionnait qu'elle aurait été consentie pour emprunter aux conditions de l'offre de prêt « signé ce jour » par les mandants quant l'acte de prêt mentionnait que l'offre de prêt aurait été acceptée le 7 novembre 2005, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1318 du code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.