par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 10 décembre 2014, 13-22134
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, chambre sociale
10 décembre 2014, 13-22.134

Cette décision est visée dans la définition :
Rupture conventionnelle (Travail)




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1237-13, alinéa 1er, du code du travail ;

Attendu, selon ce texte, que la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le contrat de Mme X..., salariée depuis 1995 de l'entreprise individuelle Aloha glacier, a été repris en 2009 par la société Aloha glacier, l'ancienneté de la salariée depuis le 6 novembre 1995 étant expressément maintenue ; qu'après un premier refus d'homologation d'une rupture conventionnelle conclue entre les parties, une seconde rupture conventionnelle a été homologuée, le 2 avril 2010 par la direction du travail ; que la salariée a, le 13 avril suivant, saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes en paiement de sommes à titre d'indemnité de rupture conventionnelle et de dommages-intérêts, l'arrêt, après avoir rappelé que la rupture conventionnelle permet à l'employeur et au salarié de convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie, retient, d'une part, que Mme X..., dont l'attention avait été officiellement attirée, lors du refus initial d'homologation, sur le fait qu'aucune indemnité conventionnelle n'avait été prévue et qui ne démontre pas avoir été victime d'une erreur ou d'un dol ou violence, avait signé et approuvé de sa main la seconde convention prévoyant une ancienneté de neuf mois, d'autre part, que cette salariée ne réclame pas la nullité de la convention, démontrant ainsi sa volonté de rompre son contrat de travail d'un commun accord ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'absence de demande en annulation de la rupture conventionnelle et partant d'invocation de moyens au soutien d'une telle demande, n'interdit pas à un salarié d'exiger le respect par l'employeur des dispositions de l'article L. 1237-13 du code du travail relatives au montant minimal de l'indemnité spécifique d'une telle rupture, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Condamne la société Aloha glacier aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Aloha glacier à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande en paiement de diverses sommes à titre d'indemnité spécifique de rupture, de dommages et intérêts pour non respect des dispositions contractuelles et conventionnelles et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de l'AVOIR condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

AUX MOTIFS QUE la S.A.R.L. ALOHA GLACIER fait valoir : - qu'une rupture conventionnelle a été envisagée le 24 février 2010 en raison, d'une part, d'irrégularités constatées dans l'exécution du contrat de travail et d'un manque de motivation d'Elisabeth X... qui lui a value une lettre d'avertissement le 23 février 2010, et, d'autre part, du souhait de la salariée de se consacrer pleinement à un projet de création d'une entreprise individuelle, - qu'Elisabeth X... n'étant salariée de la S.A.R.L. ALOHA GLACIER que depuis 8 mois, il lui était financièrement impossible d'accepter une indemnité de rupture calculée sur presque 15 ans d'ancienneté, - que la salariée a accepté en toute connaissance de cause le montant de l'indemnité conventionnelle, que d'ailleurs elle n'invoque aucun vice de son consentement et que malgré la clause de non concurrence contenue dans son contrat de travail, elle exploite son propre magasin à proximité d'un des points de vente de la S.A.R.L. ALOHA GLACIER ; qu'Elisabeth X... invoque seulement à l'appui de ses demandes les articles L. 1237-13 du code du travail qui dispose que « la convention de rupture définit les conditions de celle-ci notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L 1234-9 » relatif à l'indemnité légale de licenciement et L. 1237-14 du code du travail qui subordonne la validité de la convention à son homologation et prévoit que tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil de prud'hommes qui doit être saisi, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention ; que sans répondre à la demande expresse de la Cour qui, après réouverture des débats, a sollicité des parties leurs observations quant à la recevabilité d'une telle prétention qui tend à remettre en cause un élément essentiel de la convention de rupture, homologuée par la direction du travail, mais n'invoque pas de vice du consentement et la nullité de cet accord, Elisabeth X... souligne que l'inspection du travail aurait dû faire une meilleure lecture avant d'homologuer ladite convention et qu'elle ne peut être lésée du fait d'une erreur de cette administration ; que la rupture conventionnelle prévue aux articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail est une procédure qui permet à l'employeur et au salarié de convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie ; qu'elle doit être librement consentie et ne peut être imposée à l'une ou l'autre des parties ; qu'Elisabeth X... explique elle-même dans sa requête qu'elle a été informée par la Direction du travail du refus d'homologation de la première convention de rupture non seulement en raison du non respect du délai de rétractation de 15 jours mais également du fait qu'aucune indemnité conventionnelle n'était prévue ; que bien que son attention a ainsi été officiellement attirée sur cet aspect de la rupture, elle a signé, et apposé de sa main, lu et approuvé, une seconde convention prévoyant expressément que son ancienneté était de 9 mois et qu'un délai de rétractation de 15 jours lui était ouvert et l'homologation a été ensuite acceptée sur la base des éléments qui lui ont été soumis de sorte que le montant alloué à la salariée ne procède pas d'une mauvaise lecture de cet accord par l'inspecteur du travail mais de la volonté des parties qui ne peut être contestée qu'en invoquant un vice du consentement ; qu'or, Elisabeth X... ne réclame pas la nullité de la convention, démontrant ainsi la réalité de sa volonté de rompre son contrat de travail d'un commun accord, et ne démontre pas qu'elle a été victime d'une erreur ou que son consentement à l'accord de rupture tel qu'il a été établi et adressé à l'inspection du travail a été obtenu par dol ou violence ; que par conséquent, elle doit être déboutée de sa demande d'octroi d'une indemnité de rupture conventionnelle d'un montant de 4.665, 60 ¿ et de sa demande en dommages-intérêts pour non respect des dispositions contractuelles et conventionnelles ; que la décision déférée est réformée en ce sens.

ET AUX MOTIFS QUE sur les dépens et les frais irrépétibles ; que l'intimée, qui succombe en cause d'appel, devra supporter conformément à l'article 696 du code de procédure civile les entiers dépens de 1ère instance et d'appel dont il est fait masse, ce qui interdit de faire application à son profit des dispositions de l'article 700 du même code lesquelles, en revanche, bénéficieront à l'appelant au titre de la 1ère instance et de l'appel ainsi qu'il est dit dans le dispositif ci-après.

ALORS QU'il résulte des articles L. 1237-13 et L. 1234-1 du Code du travail, d'une part, que le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9, c'est-à-dire de l'indemnité légale de licenciement, et, d'autre part, que le salarié ne peut renoncer par avance à se prévaloir des règles qui régissent la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ; que pour débouter la salariée, qui comptait plus de 14 ans d'ancienneté, de sa demande en paiement de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, la cour d'appel a retenu que la salariée a été informée par la Direction du travail du refus d'homologation de la première convention de rupture en raison du fait qu'aucune indemnité conventionnelle n'était prévue, que bien que son attention a ainsi été officiellement attirée sur cet aspect de la rupture, elle a signé, et apposé de sa main, lu et approuvé, une seconde convention prévoyant expressément que son ancienneté était de 9 mois, que l'homologation a été ensuite acceptée sur la base des éléments qui lui ont été soumis de sorte que le montant alloué à la salariée ne procède pas d'une mauvaise lecture de cet accord par l'inspecteur du travail mais de la volonté des parties qui ne peut être contestée qu'en invoquant un vice du consentement et que la salariée ne réclame pas la nullité de la convention, démontrant ainsi la réalité de sa volonté de rompre son contrat de travail d'un commun accord, et ne démontre pas qu'elle a été victime d'une erreur ou que son consentement à l'accord de rupture tel qu'il a été établi et adressé à l'inspection du travail a été obtenu par dol ou violence ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-13 et L. 1234-1 du Code du travail.


ALORS, en tout état de cause, QUE lorsqu'une clause d'un contrat n'est pas conforme à ce qu'impose une règle légale impérative telle que la fixation par la loi d'un quantum ou d'une durée, la clause non conforme est invalidée, la règle légale devant s'y substituer automatiquement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en retenant que la salariée ne réclame pas la nullité de la convention, démontrant ainsi la réalité de sa volonté de rompre son contrat de travail d'un commun accord, et ne démontre pas qu'elle a été victime d'une erreur ou que son consentement à l'accord de rupture tel qu'il a été établi et adressé à l'inspection du travail a été obtenu par dol ou violence, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-13 et L. 1234-1 du Code du travail, ensemble l'article 6 du Code civil.



site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cette décision est visée dans la définition :
Rupture conventionnelle (Travail)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.