par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 27 janvier 2015, 13-24719
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
27 janvier 2015, 13-24.719

Cette décision est visée dans la définition :
Association Syndicale de Propriétaires (ASP)




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 mai 2013), que M. et Mme X... et M. et Mme Y... ont respectivement acquis la moitié du lot n° 12 du lotissement de Beau Rivage, dont les propriétaires étaient membres d'une Association syndicale autorisée (l'ASA)  ; que lors de l'assemblée générale de l'ASA du 6 août 2008, à laquelle ils n'étaient pas présents ni représentés, il a été décidé de dissoudre l'ASA et de la remplacer par une Association syndicale libre (ASL) dont les statuts ont été adoptés ; que M. et Mme X... ont assigné l'ASL en annulation de l'article n° 22 de ces statuts, modifiant la répartition des charges prévue par le cahier des charges et augmentant la quote-part du lot n°12 ; que M. et Mme Y... sont intervenus volontairement à l'instance ;

Attendu que pour rejeter cette demande, la cour d'appel retient que si l'article 1134 du code civil peut être un fondement exact au soutien de la demande d'annulation d'une délibération prise par l'assemblée générale d'une association syndicale libre ayant pour objet de modifier ses statuts en emportant, sans le consentement de tous, une aggravation de la contribution aux charges, tel n'est pas le cas en l'espèce puisque l'objet de la demande des consorts X... n'est pas l'annulation de la résolution votée par l'assemblée du 6 août 2008, mais celle de la clause, de nature conventionnelle, de ses nouveaux statuts ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les propriétaires du lot n°12, absents et non représentés lors de l'assemblée générale du 6 août 2008, n'avaient pu consentir à l'adoption de l'article 22 des statuts de l'ASL qui aboutissait à une augmentation de leurs engagements, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne l'Association syndicale libre des propriétaires du domaine de Beau Rivage aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Association syndicale libre des propriétaires du domaine de Beau Rivage à payer à M. et Mme X... une somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de l'Association syndicale libre des propriétaires du domaine de Beau Rivage ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X... et le syndicat des copropriétaires du domaine de Beau Rivage

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux X... de leurs demandes tendant à voir annuler l'article 22 des statuts de l'association syndicale libre des propriétaires du domaine de Beau Rivage ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE les appelants exposent que la création d'une association syndicale libre exige, au regard de l'article 7 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, le consentement unanime des propriétaires intéressés constaté par écrit ; qu'à la lecture du procès-verbal de l'assemblée générale du 6 août 2008, cette unanimité n'a pas été obtenue ; que dès lors la clause n° 22 des statuts est nulle ; que le cahier des charges de l'ancienne association syndicale autorisée n'a pas pu disparaître, car il fallait aussi l'unanimité ; que la clause de répartition des charges qui y était contenue n'a aucun caractère réglementaire au sens du droit de l'urbanisme ; que la Cour de cassation a retenu qu'il y avait une violation de l'article 1134 du Code civil, bien qu'une assemblée générale ait régulièrement voté à la majorité des voix, la modification de l'acte d'association adoptant une nouvelle répartition des charges, dès lors que les sociétaires n'avaient pas accepté cette répartition, laquelle aboutissait à une augmentation de leurs engagements ; qu'il résulte de l'analyse des actes versés aux débats que lors de l'assemblée générale extraordinaire du 6 août 2008, l'association syndicale autorisée, qui est l'instrument de gestion du lotissement, a fait l'objet d'un vote de dissolution, que cette dissolution est désormais acquise, puisque l'arrêté préfectoral du 1er décembre 2009 l'a consacrée en application de l'article 40 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, et que celui-ci ne saurait être contesté devant le juge judiciaire et qu'enfin, il a été créé, pour ce lotissement, un nouvel instrument de gestion avec une association syndicale libre ; que cette situation étant préalablement posée, le bien-fondé du recours des consorts X..., Y... et du syndicat des copropriétaires domaine Beau Rivage sera examiné au regard de l'objet de leur demande et des divers fondements invoqués par leurs écritures : l'article 1134 du Code civil, l'ordonnance du 1er juillet 2004 et le cahier des charges ; que si l'article 1134 du Code civil peut être un fondement exact au soutien de la demande d'annulation d'une délibération prise par l'assemblée générale d'une Association Syndicale Libre, ayant pour effet de modifier ses statuts en emportant, sans le consentement de tous, une aggravation de la contribution aux charges, (ce qui correspond aux espèces visées par la jurisprudence de la Cour de cassation sus-citée), tel n'est pas le cas, en l'espèce, puisque l'objet de la demande des appelants n'est pas l'annulation votée par l'assemblée du 6 août 2008, mais celle de la clause, de nature conventionnelle, de ses nouveaux statuts ; que les conditions de création de cette association syndicale libre, suite à un vote non unanime, en contrariété des dispositions de l'ordonnance du 1er juillet 2004, sont par ailleurs vainement invoquées, dès lors qu'il n'est débattu ni d'une quelconque inopposabilité, ni des conditions de sa constitution, mais uniquement de la nullité d'une clause participant de ses nouveaux statuts ; qu'enfin, la circonstance que le cahier des charges du lotissement existe avec des stipulations, relatives à la répartition des charges, différentes de celles figurant désormais aux statuts n'est pas, non plus, en soi, une cause de nullité de la clause 22 des nouveaux statuts, étant à cet égard observé qu'il appartient aux seuls co-lotis de prendre toute mesure de ce chef en assemblée, le juge ne pouvant, en effet, se substituer à leur volonté ; que le jugement sera donc confirmé et les appelants seront déboutés des fins de leur recours ;

ET AUX MOTIFS, à les supposer adoptés des premiers juges, QUE les époux X... et les époux Y... ont, en cours de procédure, indiqué fonder leur action en nullité sur les dispositions de l'article 1134 du code civil ; que ce texte concerne l'exécution et non la nullité des conventions conclues, régies par les dispositions de l'article 1108 du Code civil ; que ce texte précise que quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention : le consentement de la partie qui s'oblige, sa capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l'engagement et une cause licite dans l'obligation ; que les époux X... et Y... ont fondé leur action en nullité de l'article 22 des statuts de l'association syndicale libre des propriétaires du domaine de Beau Rivage sur l'obligation de recueillir l'unanimité des voix des membres de l'ASL pour modifier la répartition des charges ; que cette question ne relève cependant pas des conditions prévues par l'article 1108 ; que les demandeurs ne rapportent en outre la preuve d'aucune cause de nullité visée par ce texte ; qu'en conséquence, ils seront déboutés de leur demande tendant à voir déclarer nul l'article 22 des statuts de l'association syndicale libre des propriétaires du domaine de Beau Rivage ;

ALORS QUE, D'UNE PART, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ; qu'il s'ensuit que la clause de répartition des charges collectives qui figure dans le cahier des charges d'un lotissement, lequel constitue un document contractuel dont les clauses engagent les co-lotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues et ce sans limitation de durée, ne peut être modifiée, notamment à la faveur de l'adoption des statuts d'une association syndicale libre, sans que la nouvelle clause de répartition ait été approuvée par tous les co-lotis et notamment par ceux dont elle tend à accroître les obligations financières ; qu'il appert de l'arrêt que c'est lors d'une assemblée générale extraordinaire du 6 août 2008, à laquelle les époux X... et Y... n'avaient pas participé, qu'ont été adoptés les statuts d'une nouvelle association syndicale libre, destinée à se substituer à l'association syndicale autorisée qui préexistait, statuts qui sont assortis d'un article 22 modifiant la répartition des charges anciennement en vigueur, qui procédait du cahier des charges du lotissement établi en 1942 ; que la cour, qui ne conteste pas que la nouvelle répartition aboutissait à une augmentation des engagements financiers mis à la charge des propriétaires du lot n° 12, dont sont collectivement propriétaires les époux X... et Y..., ne pouvait dès lors refuser de constater la nullité de la clause 22 des statuts de l'association syndicale libre, à laquelle les intéressés n'avaient jamais consenti, sauf à méconnaître ce que postule l'article 1134 du Code civil, violé ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, l'arrêté préfectoral du 1er décembre 2009, qui se borne, conformément à l'article 40 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004, à constater la dissolution de l'association syndicale autorisée, ne remet nullement en cause la répartition des charges du lotissement, telle qu'elle figurait dans le cahier des charges préexistant et non dans les statuts de l'association syndicale autorisée dissoute, pas plus que cet arrêté n'a eu pour objet ou pour effet de valider les nouveaux statuts de l'association syndicale libre destinée à se substituer à l'association syndicale autorisée dissoute ; qu'il s'ensuit que la remise en cause de l'arrêté préfectoral du 1er décembre 2009 ne constituait nullement un préalable indispensable à l'action en nullité de l'article 22 des statuts de l'association syndicale libre, telle qu'intentée par les consorts X... et Y... ; qu'en prétendant néanmoins se fonder sur l'incompétence du juge judiciaire pour apprécier la validité de l'arrêté préfectoral du 1er décembre 2009, la cour viole les articles 1134 du Code civil et 40 de l'ordonnance précitée du 1er juillet 2004, ensemble le principe de séparation des pouvoirs, tel qu'il résulte de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III ;

ALORS QUE, DE TROISIEME PART, le moyen de nullité tiré de l'absence de consentement des co-lotis concernés à la modification défavorable de la répartition des charges d'un lotissement peut être indifféremment invoqué pour obtenir l'annulation de la délibération ayant adopté la nouvelle répartition ou l'annulation de la nouvelle clause de répartition résultant de cette délibération ; qu'en considérant au contraire que le moyen pris de la violation de l'article 1134 du Code civil était ici inopérant, dans la mesure où il était invoqué directement contre la clause de répartition figurant dans les statuts de la nouvelle association syndicale libre, et non point contre la résolution votée par l'assemblée du 6 août 2008 et ayant adopté lesdits statuts, la cour viole derechef l'article 1134, ensemble l'article 4 du code de procédure civile et le principe dispositif ;

ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, les associations syndicales libres se forment par consentement unanime des propriétaires intéressés, constaté par écrit ; que le moyen de nullité résultant de cette règle peut être invoqué aussi bien pour remettre en cause la validité de l'association syndicale libre, créée dans des conditions irrégulières au regard de la règle de l'unanimité, qu'à l'effet d'obtenir l'annulation d'une clause figurant dans les statuts de ladite association ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole l'article 7 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004, ensemble l'article 4 du code de procédure civile et le principe dispositif ;

ALORS QUE, DE CINQUIEME PART, tenu, en toutes circonstances, de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en fondant sa décision sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce qu'elle n'aurait pas le pouvoir de se substituer à la volonté des co-lotis pour faire prévaloir la clé de répartition des charges résultant du cahier des charges du lotissement sur la clause, figurant à l'article 22 des nouveaux statuts de l'association syndicale libre et modifiant cette répartition, sans avoir au préalable suscité les observations des parties, la Cour viole les articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


ET ALORS ENFIN QUE, ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, s'il n'appartient pas au juge d'imposer autoritairement aux co-lotis la clé de répartition des charges collectives d'un lotissement, il n'en a pas moins le pouvoir de se prononcer sur la validité de la clause modifiant la répartition des charges du lotissement, et le cas échéant, de constater sa nullité s'il apparaît que la modification de la répartition antérieure, telle qu'elle figurait dans le cahier des charges du lotissement, n'a pas été régulièrement adoptée, c'est-à-dire avec le consentement de tous les intéressés ; d'où il suit qu'en statuant comme elle le fait, la cour qui se méprend sur l'objet de la demande d'annulation dont elle était saisie et sur l'étendue de ses propres pouvoirs juridictionnels, viole les articles 4 et 12 du code de procédure civile.



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Association Syndicale de Propriétaires (ASP)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.