par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 8 juillet 2015, 14-16330
Dictionnaire Juridique
site réalisé avec Baumann Avocats Droit informatique |
Cour de cassation, chambre sociale
8 juillet 2015, 14-16.330
Cette décision est visée dans la définition :
CDI / CDD
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° Q 14-16.330 à V 14-16.335 ;
Sur le moyen unique commun aux pourvois :
Vu l'article L. 1244-2 du code du travail, ensemble l'article 10 de la convention d'établissement du Centre technique interprofessionnel de la canne et du sucre de la Réunion (CTICS) ;
Attendu que si, aux termes du premier de ces textes, une convention ou un accord collectif peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier doit lui proposer, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l'année suivante, une telle clause, qui a seulement pour effet d'imposer à l'employeur une priorité d'emploi en faveur du salarié, ne peut être assimilée à la clause contractuelle prévoyant la reconduction automatique du contrat de travail pour la saison suivante et n'a pas, en toute hypothèse, pour effet de transformer la relation de travail à durée déterminée en une relation à durée indéterminée ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que MM. X..., Y..., Z..., A..., B... et C... ont saisi la juridiction prud'homale de demandes visant à la requalification en contrat à durée indéterminée des contrats saisonniers à durée déterminée conclus depuis plusieurs années consécutives lors des campagnes sucrières avec le CTICS, ainsi que de demandes d'indemnités liées à la rupture, à la suite de l'information donnée le 21 mai 2010 selon laquelle ils ne seraient plus sollicités pour participer en qualité d' « opérateurs » saisonniers à la campagne sucrière 2010 ;
Attendu que pour condamner le CTICS à payer à chacun des salariés des sommes à titre d'indemnité de requalification des contrats, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnités de rupture, les arrêts retiennent que l'article 10 de la convention d'établissement du CTICS de la Réunion prévoit en application de l'article L. 1244-2 du code du travail qu'avant chaque campagne, et donc en priorité avant tout recrutement auprès de l'ANPE ou par voie de presse, le saisonnier employé l'année précédente est consulté individuellement sur son souhait de reprendre son poste et qu'il est informé du non renouvellement de son contrat pour la campagne suivante s'il n'a pas donné satisfaction quant au respect du protocole du CTICS, à l'assiduité, la discipline, la conscience professionnelle, ou au respect des consignes d'hygiène et de sécurité, qu'il en résulte que, du fait des renouvellements intervenus sur le fondement d'une telle stipulation conventionnelle, les contrats successifs constituent un ensemble à durée indéterminée, même si chaque période de travail est garantie pour la saison, dont la rupture est soumise à l'exigence d'un des motifs, nécessairement réel et sérieux au sens de l'article L. 1244-2 précité, spécialement envisagés par la convention d'établissement, que le refus de renouvellement d'un nouveau contrat formulé sans référence à un quelconque motif d'insatisfaction suivant lettre du 21 mai 2010, au détriment d'un opérateur saisonnier embauché à durée déterminée et reconduit d'année en année équivaut de la part de l'employeur à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
Met hors de cause MM. Z... et A... sur la quatrième branche du moyen ;
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 28 janvier 2014 et l'arrêt rendu le 4 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen commun produit aux pourvois par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour le Centre technique interprofessionnel de la canne et du sucre de la Réunion.
Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués D'AVOIR CONDAMNE le Centre Technique Interprofessionnel de la canne et du Sucre à payer à chacun des salariés saisonniers diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée saisonniers ;
AUX MOTIFS QUE suivant courrier daté du 21 mai 2010, le Centre technique interprofessionnel de la Canne et du Sucre de La Réunion (CTICS) informait les demandeurs, jusque-là « opérateurs» saisonniers chargés d'effectuer des prélèvements dans les chargements de cannes aux fins d'analyse en laboratoire, qu'ils ne seraient plus sollicités pour participer à la campagne sucrière 2010 dans les termes suivants :« Vous avez l'habitude d'être sollicité pour participer eux campagnes sucrières. Afin de vous permettre de vous organiser en conséquence, nous vous informons que nous ne vous solliciterons pas pour la campagne sucrière 2010 ». Les salariés, qui font valoir qu'ils ont participé en qualité de saisonnier aux campagnes sucrières antérieures depuis plusieurs années (1986, 1989, 1993, ou 1997 selon les cas), ancienneté non avérée pour Messieurs Y..., C... et B..., non discutée en preuve par le CTICS pour chacun des saisonniers, ont contesté au profit d'un contrat à durée indéterminée, notamment selon un courrier recommandé en réponse daté du 27 mai 2010, la nature juridique de la relation juridique ayant existé entre les parties à l'occasion de la succession de contrats à durée déterminée saisonniers, en faisant valoir à l'appui de leur demande de renouvellement du contrat saisonnier que : - le CTICS ne leur avait pas précisé « les raisons inhérentes à cette décision » ni les motifs l'ayant conduit à ne pas respecter les dispositions de l'article 10 de la convention d'établissement stipulant selon eux que « les saisonniers employés l'année précédente sont consultés individuellement sur leurs souhaits de reprendre leur poste », - et en l'absence de manquement à leur encontre quant à « l'assiduité, à la discipline, au conseil d'hygiène et de sécurité, au respect du protocole du CTICS», et selon eux eu égard à leur « conscience professionnelle établie par l'ancienneté au service du CTICS», ils contestaient « cette décision arbitraire, illégale au regard de la convention d'établissement». Selon l'article L. 1244-2 du code du travail, les contrats de travail à caractère saisonnier peuvent comporter une clause de reconduction pour la saison suivante, et une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier doit lui proposer, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l'année suivante. Selon l'article 10 de la convention d'établissement du CTICS de La Réunion, sous le paragraphe « PERSONNEL SAISONNIER» et compte-tenu « de sa vocation spécifique et du caractère saisonnier de son travail», le Centre Technique procède sous forme de contrat saisonnier à durée déterminée, dont le nombre et la nature des postes à pourvoir sont déterminés par la direction en fonction des besoins spécifiques de la campagne, à l'embauche de salariés pour la durée de la campagne sucrière, et consulte individuellement avant chaque campagne sur leur souhait de reprendre leur poste les saisonniers employés l'année précédente ayant donné satisfaction, tandis que les saisonniers de l'année précédente n'ayant pas donné satisfaction sur tout ou partie des points que sont le respect du protocole du CTICS, l'assiduité, la discipline, la conscience professionnelle, puis le respect des consignes d'hygiène et de sécurité sont informés par courrier durant la campagne du non renouvellement de leur contrat pour la campagne suivante. Pour s'opposer à la requalification requise l'employeur oppose, - d'abord l'absence de clause conventionnelle pour la saison suivante, de sorte que le contrat conclu pour la durée déterminée d'une saison ne change pas de nature même s'il est renouvelé pour les saisons suivantes, et que la faculté pour l'employeur de conclure de tels contrats successifs avec le même salarié en vue de pourvoir un emploi saisonnier n'est assortie d'aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée, -ensuite, que l'article 10 de la convention d'établissement précitée qui s'inscrit à l'opposé d'un droit au renouvellement n'impose aucune reconduction de plein droit du contrat saisonnier au profit du salarié et laisse libre l'employeur de proposer ou non, à nouveau, un contrat saisonnier à l'intéressé en l'obligeant seulement de prévenir le saisonnier de l'année précédente du défaut de conclusion d'un nouveau contrat pour la saison à venir et des raisons ayant conduit à cette décision. Cependant, alors que le second alinéa de l'article L.1244-2 du code du travail, permet une convention ou un accord collectif prévoyant qu'un employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier lui propose, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature pour la même saison de l'année suivante, l'article 10 de la convention d'établissement précitée prévoit en application de cette disposition légale qu'avant chaque campagne, et donc en priorité avant tout recrutement auprès de l'Anpe ou voie de presse, le saisonnier employé l'année précédente est consulté individuellement sur son souhait de reprendre son poste et qu'il est informé du non renouvellement de son contrat pour la campagne suivante s'il n'a pas donné satisfaction quant au respect du protocole du CTICS, à l'assiduité, la discipline, la conscience professionnelle, et au respect des consignes d'hygiène et de sécurité, ou pour un de ces points. Il en résulte que, du fait des renouvellements intervenus sur le fondement d'une telle stipulation conventionnelle, les contrats successifs constituent un ensemble à durée indéterminée même si chaque période de travail est garantie pour la saison, dont la rupture est soumise à l'exigence d'un des motifs, nécessairement réel et sérieux au sens de l'article L.1244-2, 2ème alinéa précité, spécialement envisagés par la convention d'établissement. Le refus de renouvellement d'un nouveau contrat formulé sans référence à un quelconque motif d'insatisfaction suivant lettre du 21 mai 2010, au détriment d'un opérateur saisonnier embauché à durée déterminée depuis plusieurs années (1986, 1989, 1993, 1997 selon les cas) fait établi - pour M. X... et M. A... selon contrat de l'époque, pour M. Z... selon certificat de travail - non contredit en preuve par l'employeur pourtant détenteur de cette information - et reconduit d'année en année, équivaut de la part de l'employeur à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans ce contexte, il n'y pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer formulée par l'employeur dans l'attente de la décision pénale à intervenir dans le cadre du dossier de la fraude dans la filière sucre sur la base de sa plainte contre personne non dénommée au demeurant non justifiée aux débats. Ensuite de la requalification des contrats saisonniers depuis la date de la première embauche, date retenue par la cour sur la base, pour M. X... et M. A... d'un contrat, pour M. Z... d'un certificat de travail, pour les autres de déclarations non désavouées en preuve par le CTICS, il convient de fixer les indemnités liées à la rupture d'un contrat à durée indéterminée. L'indemnité compensatrice de préavis représentant, eu égard à l'ancienneté des salariés, deux mois de salaire, sera fixée sur la base d'un salaire mensuel brut dont le montant n'est pas discuté à titre subsidiaire. Les salariés ont droit en l'absence de faute grave et eu égard à leur ancienneté à l'allocation d'une indemnité légale de licenciement qui sur le fondement de la loi n°2008-596 du 25/06/08 portant modernisation du marché du travail et repris sous l'article R. 1234-2 ne peut être inférieure à 1/5ème de mois de salaire par année d'ancienneté en deçà de 10 ans d'ancienneté auquel s'ajoutent les 2/15èmes de mois au-delà de dix ans d'ancienneté. (¿). Eu égard à l'ancienneté des salariés au sein de l'entreprise disposant d'un effectif d'au moins 11 salariés et du préjudice subi à l'occasion de la rupture du contrat, il convient d'allouer à chacun d'eux une indemnité non inférieure à six mois de salaire. Une indemnité de requalification doit en outre leur être allouée, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ;
ALORS QUE l'article 10 de la convention d'établissement du Centre Technique Interprofessionnel de la Canne et du Sucre de la Réunion, relatif au personnel saisonnier, prévoit que le nombre et la nature des postes à pourvoir sont déterminés par l'employeur en fonction des besoins spécifiques de la campagne, et ouvre droit dans la limite de ces besoins, à une priorité d'embauche au profit des saisonniers employés l'année précédente, non à un renouvellement de plein droit de leur contrat ; que sont en outre prévus plusieurs motifs libérant l'employeur de son obligation de respecter cette priorité ;
1°) QU'en considérant que les renouvellements des contrats pendant plusieurs années étaient intervenus sur le fondement de cette clause de sorte que les contrats successifs constituaient un ensemble à durée indéterminée dont la rupture était soumise à l'existence d'un motif réel et sérieux, spécialement énuméré à l'article 10 de la convention d'établissement, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article L. 1244-2 du code du travail ;
2°) QUE le non-respect d'une priorité d'embauche, s'il peut ouvrir droit à indemnisation, ne produit pas les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-9, L. 1234-5, L.1232-1, L.1234-1 du code du travail ;
3°) ALORS QUE ni l'article L. 1244-2 du code du travail, ni l'article 10 de la convention d'établissement du Centre Technique Interprofessionnel de la Canne et du Sucre de la Réunion n'imposent à l'employeur de mentionner, dans le courrier informant le saisonnier du non-renouvellement de son contrat de travail pour la saison à venir, le motif de sa décision ; que la disposition conventionnelle à cet égard, énonce que « les saisonniers employés l'année précédente et n'ayant pas donné satisfaction sur tout ou partie des points suivants (¿.) sont informés par courrier durant l'inter campagne du non renouvellement de leur contrat pour la campagne suivante », sans plus ; qu'en jugeant que le refus de renouvellement d'un nouveau contrat formulé sans référence à un quelconque motif d'insatisfaction suivant lettre du 21 mai 2010, au détriment d'un opérateur saisonnier embauché à durée déterminée depuis plusieurs années et reconduit d'année en année, équivalait de la part de l'employeur à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes précités ;
4°) ALORS QU'en vertu de l'article 1315 du code civil, c'est au salarié qui se prévaut de la qualité de saisonnier depuis une certaine date, de rapporter la preuve de celle-ci ; que la cour d'appel a retenu une date d'ancienneté pour Monsieur Y..., Monsieur B... et Monsieur C..., dont elle a constaté qu'elle était « non avérée », sur la seule foi de leurs déclarations non étayées d'éléments de preuve au motif qu'elles étaient « non contestées en preuve par l'employeur » ; qu'en faisant ainsi peser sur l'employeur la charge de la preuve de l'ancienneté de Monsieur Y..., de Monsieur B... et de Monsieur C..., la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation du texte précité.
site réalisé avec Baumann Avocats Contentieux informatique |
Cette décision est visée dans la définition :
CDI / CDD
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.