par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 3 mars 2016, 15-14285
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
3 mars 2016, 15-14.285

Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Attendu que, lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; qu'en présence d'une telle faute, il appartient au juge d'apprécier souverainement si celle-ci a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages que ce conducteur a subis, en faisant abstraction du comportement des autres conducteurs ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Valentin X..., alors mineur, circulait à vélomoteur lorsqu'il est entré en collision avec le véhicule conduit par Mme Y..., assuré auprès de la société Nexx assurances (l'assureur) ; que ses parents, M. Jean-Jacques X... et Mme Z... épouse X..., agissant tant en qualité de représentants légaux de leur fils qu'en leur nom personnel, ont fait assigner l'assureur en réparation de leur préjudice ; que, devenu majeur, M. Valentin X... est intervenu à l'instance ;

Attendu que, pour dire que M. Valentin X... a commis une faute ayant pour effet d'exclure l'indemnisation de ses dommages et de ceux de ses parents, l'arrêt, après avoir relevé, d'une part, que M. Valentin X... était débiteur d'une priorité, la visibilité étant bonne et le carrefour bien entretenu, d'autre part, que l'hypothèse selon laquelle Mme Y... se serait déportée sur la droite lors du virage et aurait empiété sur la voie de circulation de la victime devait être écartée, l'arrêt énonce que l'ensemble de ces éléments établit indiscutablement que l'accident trouve sa cause exclusive dans le défaut de respect de la priorité par M. Valentin X..., que, dès lors, la victime n'est pas fondée à solliciter la réparation de son préjudice auprès de l'assureur ;

Qu'en se déterminant ainsi, par une référence inopérante à la seule cause génératrice de l'accident, impliquant nécessairement qu'elle s'était fondée, pour exclure le droit à indemnisation de M. Valentin X..., sur le comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Nexx assurances aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Nexx assurances, la condamne à payer à M. Valentin X..., M. Jean-Jacques X... et Mme Z... épouse X..., la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme Z... épouse X..., M. Jean-Jacques X... et M. Valentin X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit la compagnie d'assurances Nexx, en sa qualité d'assureur de responsabilité de Mme Y..., tenue à indemniser M Jean-Jacques X... et Mme Z..., épouse X..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur Valentin X... de l'intégralité des dommages résultant de l'accident dont Valentin X... a été victime le 16 octobre 2010 et, statuant à nouveau, d'AVOIR dit que l'accident trouve sa cause dans une faute exclusive de la victime, Monsieur Valentin X... et dit que la société Nexx Assurances ne sera tenue qu'en sa qualité d'assureur'dommages corporels du conducteur'souscrite par Monsieur et Madame X..., parents de Monsieur Valentin X... ;

AUX MOTIFS QU'en droit, l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que'la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis'; en l'espèce, il est constant que Madame Y... circulait sur une route prioritaire, protégée par un cédez le passage et que le jeune Valentin X... était débiteur de la priorité ; l'accident a eu lieu certes de nuit, mais la route était sèche, la visibilité était bonne ; les photographies versées aux débats établissent que le carrefour était bien entretenu, que notamment la signalisation et le marquage au sol par une ligne blanche non continue ne laissaient aucun doute sur le fait que les usagers en provenance de la route de Mirabel devaient la priorité à ceux circulant sur la route de Molières vers Loubejac ; force est donc de constater que l'accident litigieux ne peut trouver sa cause exclusive que dans un refus de priorité de la part du cyclomotoriste ; pour qu'il en soit autrement, il faudrait imaginer, comme les consorts X... invitent la cour à le faire, que Madame Y..., en raison d'une inattention ou d'un défaut de maîtrise de son véhicule, se serait déportée sur la droite lors du virage et aurait empiété sur la voie de circulation de la victime, venant ainsi la percuter alors qu'elle se trouvait au niveau du'cédez le passage'; les intimés tentent d'étayer leur hypothèse en tirant argument du fait que le cyclomoteur ayant été trouvé couché sur la ligne blanche en pointillés, qui délimite la route de Mirabel et la route de Molières, cet élément démontre que Valentin X... n'aurait pas traversé le'cédez le passage'; cette hypothèse appelle les deux observations suivantes ; d'une part, si le deux-roues de Valentin X... a été retrouvé sur la ligne blanche en pointillés, il était positionné dans le sens inverse de sa circulation, ce qui signifie que le point d'impact était distinct du lieu d'immobilisation définitive de la motocyclette ; d'autre part, la topographie du carrefour litigieux permet de constater la présence d'un îlot en dur en amont du point de choc ; si comme le prétendent les intimés, Madame Y... avait quitté sa voie de circulation pour empiéter sur la route de Mirabel, elle aurait heurté le terre-plein central figurant sur le plan, pièce n º 13 des appelants, ce qui ne s'est pas produit ; quant au fait qu'elle aurait perdu le contrôle de son véhicule en raison de sa vitesse dans la courbe, il résulte du procès-verbal des gendarmes que les constatations faites sur place permettent de déduire que le choc s'est produit à faible vitesse ; l'hypothèse de la perte de maîtrise de la vitesse de son véhicule par Madame Y... doit donc être écartée ; la conductrice est par conséquent bien demeurée sur sa voie de circulation ; l'ensemble de ces éléments établissent indiscutablement que l'accident trouve sa cause exclusive dans le défaut de respect de la priorité par Valentin X... ; dès lors, en application de l'article 4 susvisé, la victime n'est pas fondée à solliciter la réparation de son préjudice auprès de la SA Nexx assurance prise en sa qualité d'assureur responsabilité de Madame Y.... Ce n'est qu'au titre de l'assurance'dommages corporels du conducteur'souscrite par ses parents que Valentin X... pourra solliciter la compagnie d'assurance appelante ; sur ce terrain, il sera donné acte à cette société qu'elle ne s'oppose pas au versement d'une nouvelle provision au bénéfice de Monsieur Valentin X... à hauteur de 15. 000 ¿ ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la faute de la victime conductrice de nature à exclure ou limiter l'indemnisation de son préjudice doit être appréciée au regard de son rôle causal dans la réalisation de son dommage et non au regard de l'existence d'un lien de causalité exclusif entre la faute et l'accident ; qu'en écartant tout droit à indemnisation de M Valentin X..., conducteur victime, au motif que sa faute était la cause exclusive de l'accident cependant qu'elle devait uniquement examiner si cette faute avait contribué à la réalisation de son préjudice sans avoir à rechercher si celle-ci était la cause exclusive de l'accident, la cour d'appel a violé l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la faute de la victime ayant contribué à la réalisation de son préjudice doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur du véhicule impliqué dans l'accident ; qu'en retenant, pour dire que M Valentin X... avait commis une faute ayant pour effet d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il avait subis, que l'accident trouvait sa cause exclusive dans le défaut de respect de la priorité par Valentin X..., la cour d'appel qui s'est référée à la seule cause génératrice de l'accident, impliquant nécessairement qu'elle s'était fondée sur le comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué, a violé l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;

ALORS, DE TROISIÈME PART, ET SUBSIDIAIREMENT, QUE seule la faute du conducteur d'un véhicule, victime d'un accident de la circulation, peut limiter ou exclure l'indemnisation du préjudice causé par l'accident à sa personne ; que, lorsque les circonstances de l'accident restent indéterminées ou douteuses, aucune faute ne peut être retenue à la charge de la victime ; qu'en l'espèce, il était établi, d'une part, par le témoignage de Mme A..., arrivée sur les lieux juste après l'accident, et par le croquis de constatation de l'accident, que le cyclomoteur était couché sur la ligne blanche en pointillé qui délimitait la route de Mirabel et la route de Molières au niveau du panneau « cédez le passage », ce qui démontrait que Valentin X... n'avait pas traversé le « cédez le passage », d'autre part, par le procès-verbal de gendarmerie, que le véhicule de Mme Y... présentait un choc avant-droit, ce dont il s'évinçait que Mme Y... avait percuté Valentin alors qu'il se trouvait sur son côté droit avant le « cédez le passage » ; qu'aucun des éléments du dossier n'établissait en revanche que M Valentin X... n'avait pas respecté la priorité ; qu'ainsi, contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, l'hypothèse selon laquelle le véhicule de Mme Y..., déporté sur la droite dans le virage marqué sur la gauche et mal négocié, aurait pu venir empiéter sur la voie de circulation de Valentin X... et appliquer au vélomoteur, un effet de « toupie » provoquant son retournement était crédible ; que les circonstances de la collision étant indéterminées ou douteuses, aucune faute ne pouvait être retenue à la charge de M Valentin X... ; qu'en affirmant que l'accident litigieux ne pouvait trouver sa cause exclusive que dans un refus de priorité de la part du cyclomotoriste, M Valentin X..., la cour d'appel a violé l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985.



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Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.