par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 22 septembre 2016, 15-20664
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
22 septembre 2016, 15-20.664

Cette décision est visée dans la définition :
Gage




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 mars 2015), que M. X..., marié sous le régime de la communauté légale, a constitué, au bénéfice de la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence-Alpes-Corse (la banque), le nantissement d'un contrat d'assurance sur la vie ouvert auprès de celle-ci, en garantie du prêt professionnel qu'elle avait consenti à un tiers ; que ce tiers ayant été placé en liquidation judiciaire, la banque a déclaré sa créance ; que M. X... a sollicité le rachat de son contrat d'assurance sur la vie, ce que la banque a refusé ; que M. et Mme X... l'ont alors assignée en paiement du montant du contrat ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que le cautionnement est une sûreté pour autrui qui peut être personnelle ou réelle ; que le nantissement donné en garantie de la dette d'autrui est un cautionnement réel et que, par conséquent, sa perfection est soumise à certaines conditions de fond et de forme propres aux cautionnements ; qu'en l'espèce, pour débouter les époux X... de leur demande, la cour d'appel a considéré qu'un nantissement n'implique aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui et n'est dès lors pas un cautionnement et, par conséquent, que l'absence de mentions manuscrites de M. X... dans l'acte de nantissement importait peu, quand un cautionnement n'est pas nécessairement une sûreté personnelle impliquant un engagement personnel, mais se définit comme une sûreté pour autrui, qui peut être personnelle ou réelle et dont la perfection, dans un cas comme dans l'autre, est subordonnée, s'il est consenti par une personne physique au profit d'un créancier professionnel, à la mention manuscrite suivante : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même » et, le cas échéant, au consentement exprès du conjoint ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, ensemble l'article 1415 du code civil ;

2°/ que le cautionnement est une sûreté pour autrui ; que lorsqu'il a été donné en garantie de la dette d'autrui, le nantissement est un cautionnement réel ; que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ; qu'en l'espèce, pour débouter les époux X... de leur demande, la cour d'appel a considéré qu'un nantissement n'implique aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui et n'est dès lors pas un cautionnement, lequel ne se présume pas, et que le nantissement qui avait été conclu par M. X... était valable, sans constater le consentement exprès de madame X... à cette opération qui avait pour objet un bien relevant de la communauté matrimoniale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1415 du code civil ;

3°/ que les juges du fond ne doivent pas dénaturer les termes clairs et précis des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, pour débouter les époux X... de leur demande, la cour d'appel a affirmé « que les époux X... ne reprennent pas, dans le dispositif de leurs dernières conclusions, les abondants développements qu'ils tentent dans les motifs de ces mêmes écritures sur la qualification juridique de l'acte de nantissement que leur oppose la banque et qu'ils qualifient de cautionnement irrégulier ou d'absence de cautionnement », quand les exposants demandaient, dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, aux juges du fond de constater « qu'il n'existe pas d'engagement de cautionnement solidaire, soit de M. X..., soit de Mme X... son épouse, soit des deux ensemble, au bénéfice de la banque, pour garantir celle-ci envers la dette de M. Y... » ; qu'en dénaturant de la sorte les conclusions d'appel des époux X..., la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant exactement énoncé que le nantissement d'un meuble incorporel constitue une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers, laquelle n'implique aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'est pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que les articles L. 341-2 du code de la consommation et 1415 du code civil n'étaient pas applicables au nantissement donné par M. X... ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que monsieur X... avait constitué au profit de la Caisse d'épargne un nantissement du compte Nuances 3 D n° 617 401805 17 dont il était titulaire en garantie du contrat de prêt professionnel consenti par la banque à monsieur Y... et d'avoir, en conséquence, dit que la Caisse d'épargne s'était valablement opposée à la demande de rachat total du contrat formulée par monsieur X... depuis le 18 mai 2010 ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il convient de relever que les époux X... ne reprennent pas, dans le dispositif de leurs dernières conclusions, les abondants développements qu'ils tentent dans les motifs de ces mêmes écritures sur la qualification juridique de l'acte de nantissement que leur oppose la Caisse d'épargne et qu'ils qualifient de cautionnement irrégulier ou d'absence de cautionnement ; qu'il sera uniquement rappelé pour la clarté des motifs qui vont suivre que le nantissement d'un meuble incorporel, tel que prévu par les articles 2355 à 2366 du code civil, constitue une sûreté réelle consentie pour garantir une dette, pouvant être celle d'un tiers, et qu'il n'implique aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui et n'est dès lors pas un cautionnement, lequel ne se présume pas ; qu'ainsi, notamment, les dispositions de l'article 1415 du code civil ne sont pas applicables au nantissement ; que les époux X... soutiennent que l'acte intitulé « avenant de nantissement » serait un faux ; que cependant, monsieur X... ne conteste pas sa signature ; qu'il se contente de faire valoir qu'il n'est pas l'auteur des mentions manuscrites et que le prêt garanti par le nantissement a été accordé postérieurement à celui-ci ; qu'il n'a jamais été soutenu par la banque que les mentions manuscrites avaient été apposées par monsieur X..., ce qui n'est prévu ni par la loi ni par le contrat ; qu'en conséquence, la sincérité de l'acte n'est pas altérée par le fait que les mentions manuscrites n'aient pas été portées par l'appelant ; que la sincérité de l'acte de nantissement n'est pas plus altérée par la chronologie des opérations, dès lors que, comme l'a justement relevé le premier juge, il est courant que les garanties soient prises avant l'octroi des crédits et non après, précaution bancaire que la loi ne prohibe nullement ; que l'article 2365 du code civil dispose qu'en cas de défaillance de son débiteur, le créancier nanti peut se faire attribuer, par le juge ou dans les conditions prévues par la convention, la créance donnée en nantissement ainsi que tous les droits qui s'y rattachent ; que les époux X... soutiennent que le gage n'aurait plus d'effet depuis le 5 mai 2011 ; qu'à cette date, la Caisse d'épargne, qui avait déclaré sa créance le 26 mai 2009, avait été destinataire en réponse d'un certificat d'irrecouvrabilité du 5 janvier 2010 et avait finalement signifié le nantissement à monsieur X... par exploit d'huissier du 23 juin 2010, avait, à la suite de cette dernière diligence et conformément aux conditions prévues par la convention, déjà valablement réalisé le nantissement en cause ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'il appartient au juge de rechercher la commune intention des parties, question dont il est saisi en l'espèce, les demandeurs contestant la qualification de l'engagement qu'ils ont pris envers la Caisse d'épargne ; qu'en l'espèce, le document intitulé « avenant de nantissement » au contrat d'assurance souscrit par monsieur X..., dont il ne conteste pas la signature, n'a pu laisser de doute à ce dernier sur la nature et la portée de son engagement, qui consiste en la mise en gage pour la somme de 20 000 € du produit d'épargne 3 D dont il était titulaire, et ce pour garantir durant cinq ans le prêt consenti à monsieur Y... dont les références sont mentionnées dans l'acte de nantissement, soit A0746400 52B/ 565/ 131363 pour 60 000 € ; qu'il est prévu que la date d'effet de ce nantissement est au 22 mars 2006, soit à la date prévue de délivrance du prêt à monsieur Y... ; que le fait que l'engagement de nantissement ait été signé avant la date d'effet et la délivrance du prêt ne peut signifier, comme l'argue aujourd'hui monsieur X... qu'il s'agirait d'un faux ; qu'il est courant et même recommandé que les établissements financiers recueillent les signatures d'engagement avant que de délivrer les fonds, faute de quoi ils s'exposeraient à maintes déconvenues ; que quant au fait que l'imprimé soit renseigné par une autre écriture, ce qui n'est pas établi, aucune mention du contrat ne prévoit que c'est celui qui s'engage qui doit compléter le contrat, ce qui aurait tout aussi bien pu être fait par mention dactylographiée sans autre conséquence ; qu'à la suite de la date d'effet du contrat, la Caisse d'épargne a écrit à monsieur X... le 30 mars 2006 pour lui rappeler la teneur du nantissement souscrit à son profit, soit que la banque avait été désignée comme bénéficiaire à concurrence des sommes engagées, le solde devant revenir à son conjoint ou à défaut à ses descendants, bénéficiaires désignés au contrat d'origine ; que la date d'effet du nantissement est rappelée soit au 22 mars 2006, sa fin également, au 5 mai 2011, et évidemment la référence du contrat ainsi gagé qui est le Nuances 3 D n° 617 401805 17, soit celui-là même dont monsieur X... persiste aujourd'hui à demander la mobilisation à son profit ; qu'enfin, monsieur X... a demandé par courrier manuscrit le 21 novembre 2007 à la Caisse d'épargne pour demander un retrait partiel de son contrat, toujours le même Nuances 3 D n° 617 401805 17, et il indique lui-même dans ce document que « ce contrat est nanti à hauteur de 20 000 € pour le crédit n° l317631 », soit celui consenti à monsieur Y... ; que l'ensemble de ces éléments ne laisse aucune place au doute quant à la portée de l'engagement de nantissement souscrit par monsieur X..., ni à la connaissance précise qu'il a pu avoir de ce que cet engagement avait pour conséquence ; que dès lors, les développements qu'il tente de faire sur la qualification juridique en cautionnement sont dénués de pertinence et il sera débouté de ses demandes, fins et prétentions ; qu'il sera fait droit à la demande de la Caisse d'épargne, qui vient en conséquence logique des moyens susvisés, que la Caisse d'épargne a valablement racheté le compte Nuances 3 D en exécution de la garantie de nantissement souscrite par monsieur X..., à la suite du non-remboursement du prêt professionnel par monsieur Y... ; que dès lors, le compte Nuances 3 D était indisponible lors de la demande de rachat total formulée le 18 mai 2010 par monsieur X..., la Caisse d'épargne étant bien fondée pour refuser ce rachat ;

1°) ALORS, d'une part, QUE le cautionnement est une sûreté pour autrui qui peut être personnelle ou réelle ; que le nantissement donné en garantie de la dette d'autrui est un cautionnement réel et que, par conséquent, sa perfection est soumise à certaines conditions de fond et de forme propres aux cautionnements ;

Qu'en l'espèce, pour débouter les époux X... de leur demande, la cour d'appel a considéré qu'un nantissement n'implique aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui et n'est dès lors pas un cautionnement et, par conséquent, que l'absence de mentions manuscrites de monsieur X... dans l'acte de nantissement importait peu, quand un cautionnement n'est pas nécessairement une sûreté personnelle impliquant un engagement personnel, mais se définit comme une sûreté pour autrui, qui peut être personnelle ou réelle et dont la perfection, dans un cas comme dans l'autre, est subordonnée, s'il est consenti par une personne physique au profit d'un créancier professionnel, à la mention manuscrite suivante : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même » et, le cas échéant, au consentement exprès du conjoint ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, ensemble l'article 1415 du code civil ;

2°) ALORS, d'autre part, QUE le cautionnement est une sûreté pour autrui ; que lorsqu'il a été donné en garantie de la dette d'autrui, le nantissement est un cautionnement réel ; que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ;

Qu'en l'espèce, pour débouter les époux X... de leur demande, la cour d'appel a considéré qu'un nantissement n'implique aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui et n'est dès lors pas un cautionnement, lequel ne se présume pas, et que le nantissement qui avait été conclu par monsieur X... était valable, sans constater le consentement exprès de madame X... à cette opération qui avait pour objet un bien relevant de la communauté matrimoniale ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1415 du code civil ;

3°) ALORS, enfin, QUE les juges du fond ne doivent pas dénaturer les termes clairs et précis des conclusions des parties ;

Qu'en l'espèce, pour débouter les époux X... de leur demande, la cour d'appel a affirmé « que les époux X... ne reprennent pas, dans le dispositif de leurs dernières conclusions, les abondants développements qu'ils tentent dans les motifs de ces mêmes écritures sur la qualification juridique de l'acte de nantissement que leur oppose la Caisse d'épargne et qu'ils qualifient de cautionnement irrégulier ou d'absence de cautionnement » (arrêt, p. 5, § 4), quand les exposants demandaient, dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, aux juges du fond de constater « qu'il n'existe pas d'engagement de cautionnement solidaire, soit de monsieur X..., soit de madame X... son épouse, soit des deux ensemble, au bénéfice de la Caisse d'épargne, pour garantir celle-ci envers la dette de monsieur Y... » (conclusions d'appel, p. 10, dernier paragraphe) ;

Qu'en dénaturant de la sorte les conclusions d'appel des époux X..., la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.