par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 19 octobre 2016, 15-25879
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 1ère chambre civile
19 octobre 2016, 15-25.879

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Avocat
Divorce / séparation de corps
Inventaire / Bénéfice d'inventaire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme X... et M. Y... se sont mariés le 25 avril 1998 ; que le premier arrêt a confirmé l'ordonnance de non-conciliation ayant notamment désigné Mme D..., avocate, en qualité de professionnel qualifié, en vue de dresser un inventaire estimatif des patrimoines et revenus de chacun des époux et de faire des propositions quant au règlement de leurs intérêts pécuniaires ; que le second a statué sur le fond, après avoir rejeté l'exception de nullité du rapport du technicien désigné ;

Sur la troisième branche du premier moyen, la première branche du deuxième moyen du pourvoi principal, et la seconde branche du moyen unique du pourvoi incident ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen, du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt du 25 novembre 2010 de confirmer l'ordonnance du juge aux affaires familiales désignant Mme D... en qualité de professionnel qualifié alors, selon le moyen, que la profession d'avocat est incompatible avec celle d'expert judiciaire ; qu'en désignant un avocat en qualité de professionnel qualifié pour dresser l'inventaire estimatif des biens des époux et faire des propositions de règlement de leurs intérêts pécuniaires, la cour d'appel a violé l'article 115 du décret du 27 novembre 1991, ensemble l'article 255, 9°, du code civil ;

Mais attendu que l'article 115 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat, n'interdit pas la désignation d'un avocat en qualité de professionnel qualifié, au sens de l'article 255, 9°, du code civil, dès lors que l'exercice de ces fonctions, confiées par un juge, ne caractérise pas celui d'une profession ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le même moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt du 2 juillet 2015 de rejeter l'exception de nullité du rapport de Mme D... alors, selon le moyen, que le défaut de prestation de serment de l'expert constitue une irrégularité de fond justifiant la nullité de l'expertise ; qu'en affirmant, pour débouter M. Y... de sa demande de nullité du rapport, que le défaut de prestation de serment de l'expert désigné constituait un vice de forme, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires, ensemble les articles 117 et 175 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que le défaut de prestation de serment d'un expert, qui ne figure pas au nombre des irrégularités de fond énumérées à l'article 117 du code de procédure civile, constitue un vice de forme dont la nullité, aux termes de l'article 114, dernier alinéa, du même code, ne peut être prononcée qu'à charge, pour celui qui l'invoque, de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, du pourvoi principal :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt du 2 juillet 2015 de rejeter sa demande en révocation pour ingratitude de la donation consentie à Mme X... du terrain de Quincy, alors, selon le moyen, que la donation entre vifs peut être révoquée pour cause d'ingratitude si le donataire s'est rendu coupable de délits ou injures graves envers le donateur, peu important qu'aucun lien n'existe entre l'objet de la donation et les faits constitutifs d'une cause d'ingratitude ; qu'en refusant d'ordonner la révocation de la donation du terrain de Quincy au motif inopérant que celui-ci n'était pas concerné par les faits d'escroquerie commis au préjudice de M. Y... pour lesquels Mme X... avait été condamnée pénalement, et dont elle constatait qu'ils étaient constitutifs d'une ingratitude, la cour d'appel a violé l'article 955 du code civil ;

Mais attendu que, selon l'article 955 du code civil, la révocation d'un acte de donation pour ingratitude ne peut être prononcée que pour des faits commis à l'encontre du donateur ; que l'arrêt relève que Mme X... a été condamnée pour complicité d'escroquerie au préjudice de la société Innov habitat ; qu'il en résulte que ce délit n'était pas de nature à constituer l'une des causes de révocation prévues à ce texte ; que par ce motif de pur droit substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, aux motifs critiqués, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal :

Vu l'article 214 du code civil et l'article 1096 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 ;

Attendu que, pour dire que la donation, consentie par M. Y... à Mme X..., de l'immeuble, sis..., ne peut être révoquée, l'arrêt retient que l'épouse a participé volontairement et gratuitement à l'activité de la société Innov habitat, dirigée par son mari, et que, dans ces conditions, le fait pour celui-ci de payer, en lieu et place de son épouse, la part qui lui incombe dans le prix d'acquisition de l'immeuble constituant le domicile conjugal, ne peut s'analyser comme une donation ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que la participation de l'épouse avait excédé son obligation de contribuer aux charges du mariage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le moyen unique, du pourvoi incident, pris en sa première branche :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande de prestation compensatoire, l'arrêt retient que s'il existe une importante disparité entre les situations financières des parties, celle-ci préexistait au mariage et s'est maintenue par la suite malgré l'union ;

Qu'en statuant ainsi, en se fondant sur des circonstances antérieures au mariage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2010 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la donation par M. Y... à Mme X... de l'immeuble, sis... ne peut être révoquée, et rejette la demande de prestation compensatoire formée par Mme X..., l'arrêt rendu le 2 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. Y..., demandeur au pourvoi principal.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt du 25 novembre 2010 attaqué d'AVOIR désigné Mme D... en qualité de professionnel qualifié afin de dresser un inventaire estimatif des patrimoines et revenus de chacun des époux et faire des propositions quant au règlement de leurs intérêts pécuniaires, et à l'arrêt du 2 juillet 2015 attaqué d'AVOIR dit que le rapport de l'expert n'était entaché d'aucune nullité ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aucune critique sérieuse n'est avancée contre la désignation de Mme D..., M. Y... se limitant à regretter la non-désignation d'un notaire ; les recherches à effectuer ne se limitent pas au contenu immobilier des avoirs, en conséquence, la désignation effectuée par le premier juge sera confirmée (arrêt du 25 novembre 2010, p. 7) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE compte tenu du patrimoine des époux, il convient de faire droit à la demande des parties ; un professionnel qualifié sera désigné afin que la mission puisse être remplie avec objectivité (jugement du 29 octobre 2009, p. 3) ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE aux termes de l'article 265 du Code de procédure civile, la décision qui ordonne l'expertise nomme l'expert ou les experts ; en application de l'article 232 du Code de procédure civile, le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien ; l'article 1 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires dispose que, sous les seules restrictions prévues par la loi ou les règlements, les juges peuvent désigner pour réaliser une expertise une personne figurant sur l'une des listes établies en application de l'article 2 ou, le cas échéant, désigner toute personne de leur choix ; il résulte de l'article 6 de la loi que les experts ne figurant sur aucune liste prêtent serment chaque fois qu'ils sont commis « d'accomplir leur mission de faire leur rapport et de donner leur avis en leur honneur et conscience » ; la validité des actes de procédure est affectée par les vices de forme faisant grief ou par les irrégularités de fond résultant de l'énumération limitative de l'article 117 du Code de procédure civile ; le défaut de prestation de serment d'un expert, qui ne figure pas au nombre de ces irrégularités de fond, constitue un vice de forme dont la nullité, aux termes de l'article 114 dernier alinéa du Code de procédure civile, ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; les opérations d'expertises ont été menées au contradictoire de M. Y... qui a été entendu soit seul soit en présence de ses avocats successifs ; l'expert a souligné les difficultés rencontrées au cours de sa mission notamment « la réception d'innombrables courriers de M. Y... », l'obligeant à intervenir auprès de ses conseils pour ne recevoir que les éléments sollicités ; les difficultés à obtenir les pièces nécessaires, obligeant l'expert à « recadrer » Mme X... aux fins qu'elle remette à son mari les pièces de ce dernier restées au domicile conjugal, « la réception en vrac » de plusieurs centaines de pièces non triées transmises par M. Y... contraignant à un classement préalable et à un tri qui aurait dû être accompli par M. Y... ; malgré ce contexte, l'expert dit avoir respecté le principe du contradictoire en s'assurant systématiquement de la transmission par chaque partie à l'autre de tous courriers ou pièces reçues ; le premier juge a justement constaté que M. Y... ne faisait pas la preuve de l'absence de transmission de pièces communiquées par l'épouse à l'expert ; qu'il a bien été tenu compte du 3e dire annexé au rapport ; que l'intention de l'époux de faire révoquer les libéralités consenties à l'épouse avait notamment été prise en compte par l'expert à la page 38 de son rapport qui évoque le 3e dire, lequel en application de l'article 276 al. 3 du Code de procédure civile se devait de rappeler sommairement le contenu des observations ou réclamations présentées antérieurement ; qu'en l'espèce, M. Y... ne fait état d'aucun grief qui résulterait pour lui de l'absence de prestation de serment de l'expert préalablement à l'exécution de sa mission ou du défaut de respect du principe du contradictoire et sera en conséquence débouté de sa demande de nullité, (arrêt du 2 juillet 2015, p. 6 et 7) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur la nullité du rapport du technicien qualifié : aux termes de l'article 50 de la loi du 11 février 2004, lors de leur inscription initiale sur une liste dressée par une cour d'appel, les expert prêtent serment, devant la cour d'appel, du lieu où ils demeurent, d'accomplir leur mission, de faire leur rapport de donner leur avis en leur honneur et conscience : que le serment est renouvelé en cas de nouvelle inscription après radiation ; que les expert ne figurant sur aucune des listes prêtent, chaque fois qu'ils sont commis, le serment prévu au premier alinéa ; qu'en l'espèce, il est vrai que le rapport de l'expert ne fait effectivement pas mention de la prestation par le professionnel désigné d'un quelconque serment alors qu'il ne fait pas partie des experts inscrits sur la liste d'une Cour d'appel ; que M. Y... conclut de ce fait à la nullité du rapport d'expertise estimant qu'il s'agit d'une nullité de fond et cite à l'appui de sa demande des décisions de juridictions qui ont statué en ce sens : qu'il convient d'observer que ces décisions sont antérieures à la réforme de 2004 et que depuis lors d'autres juridictions, considérant qu'il se déduit de l'abrogation de l'article 308 ancien du Code de procédure civile que l'expert non inscrit n'est plus tenu de prêter serment, ont statué en sens inverse ; qu'en tout état de cause, en matière de procédure civile, contrairement à la position qui serait retenue au pénal, l'absence de prestation de serment ne constitue qu'une irrégularité de forme qui nécessite, pour conclure à la nullité du rapport, que la preuve d'un grief soit rapporté ; que M. Y... échoue dans la preuve qui lui incombe ; qu'au contraire, il résulte de l'examen du rapport que l'expert s'est montré très consciencieux, qu'il a remis un rapport documenté et argumenté et qu'il a rempli sa mission avec toute l'objectivité et l'impartialité nécessaires ; que M. Y... ne fait pas plus la preuve de l'absence de transmission de pièces communiquées par l'épouse à l'expert ; que ce dernier à la page 56 de son rapport insiste sur le fait de s'être assurée systématiquement de la transmission par chaque partie à l'autre de tous courriers ou pièces qu'elle recevait ; qu'il a bien tenu compte du 3e dire de M. Y... qui est annexé au rapport ; que l'intention de l'époux de faire révoquer les libéralités consenties à l'épouse a bien été prise en compte par l'expert à la page 38 de son rapport qui évoque le dire 3 ; que l'expert indique avoir tenu compte des libéralités consenties avant le 1er janvier 2005 et estimé que pour celles qui y étaient postérieures, que les dispositions de l'article 955 du Code civil n'étaient pas applicables ; que sur la forme l'expert n'a pas failli à sa mission ; qu'en revanche si elle peut émettre une opinion sur le sort des libéralités, il ne s'agit que d'un avis qui ne lie pas le juge compétent ; qu'en conséquence cela ne saurait avoir préjudicié à l'époux ; qu'il convient donc de dire que le rapport du professionnel qualifié n'est pas entaché de nullité, (jugement du 17 juin 2014, p. 10 et 11) ;

1°) ALORS QUE la profession d'avocat est incompatible avec celle d'expert judiciaire ; qu'en désignant un avocat en qualité de professionnel qualifié pour dresser l'inventaire estimatif des biens des époux et faire des propositions de règlement de leurs intérêts pécuniaires, la Cour d'appel a violé l'article 115 du décret du 27 novembre 1991, ensemble l'article 255, 9° du Code civil ;

2°) ALORS QUE le défaut de prestation de serment de l'expert constitue une irrégularité de fond justifiant la nullité de l'expertise ; qu'en affirmant, pour débouter M. Y... de sa demande de nullité du rapport, que le défaut de prestation de serment de l'expert désigné constituait un vice de forme, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires, ensemble les articles 117 et 175 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en tout état de cause le technicien est tenu de prendre en considération les observations ou réclamations des parties ; qu'en se bornant à relever, pour juger que l'expert avait tenu compte du 3e dire de M. Y..., que celui-ci était « évoqué » dans son rapport au paragraphe relatif à la révocation d'une libéralités, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'expert avait pris en considération, avant de donner son avis sur les autres points litigieux, l'ensemble des observations détaillées qu'il y formulait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 175 et 276 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt du 2 juillet 2015 attaqué d'AVOIR dit que la donation par M. Y... à Mme X..., ayant pour objet l'immeuble sis..., ne pouvait être révoquée ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE il n'est pas contesté que le prix de l'immeuble a été réglé par M. Y... sur ses fonds propres ; Mme X... argue que la part versée pour son compte constitue une donation rémunératoire non révocable en contrepartie du travail bénévole qu'elle a effectué au profit de la société Innov Habitat ; M. Y... dit avoir apporté la preuve de son intention libérale ; le premier juge a justement observé que l'épouse a participé volontairement et gratuitement à l'activité de la société Innov Habitat et que, dans ces conditions, le fait pour le mari de payer, aux lieux et place de son épouse, la part qui lui incombe dans le prix d'acquisition de l'immeuble constituant le domicile conjugal ne peut s'analyser comme une donation d'autant que Mme X... a participé au remboursement du crédit grâce aux loyers de son immeuble à St Germain du Puy dont elle justifie qu'ils ont été virés à hauteur de 800 euros mensuels sur un compte bancaire propre à M. Y..., ce que ce dernier ne conteste pas (arrêt du 2 juillet 2015, p. 8) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE le prix de l'immeuble a été réglé par l'époux grâce à des fonds propres ; l'épouse a participé volontairement et gratuitement à l'activité de la société Innov Habitat, ce qui entraîne une obligation naturelle de rémunération à la charge de l'époux ; que le fait pour le mari de payer aux lieu et place de son épouse la part qui lui incombe dans le prix d'acquisition d'un immeuble ne peut pas être considérée comme une donation ; que l'immeuble doit donc être qualifié d'indivis étant par ailleurs observé que l'épouse a globalement participé au remboursement du crédit grâce aux loyers de son immeuble de St Germain du Puy ; que l'ampleur du travail effectué par l'épouse et sa qualité ne sont pas telles qu'elles justifient une rémunération au-delà de la part réglée par l'époux pour l'acquisition de l'immeuble susvisé (jugement du 17 juin 2014, p. 8) ;

1°) ALORS QU'en l'absence de projet de liquidation du régime matrimonial, établi par un notaire désigné sur le fondement de l'article 255, 10° du Code civil, contenant des informations suffisantes, le juge du divorce n'est pas compétent pour se prononcer sur l'existence d'une donation rémunératoire faisant obstacle à la créance d'un époux ; qu'en affirmant que le financement, par M. Y..., de l'immeuble acquis en indivision par les époux, ne pouvait être analysé comme une libéralité au motif qu'il rémunérait la collaboration professionnelle de Mme X..., quand il ne lui appartenait pas, en sa qualité de juge du divorce, de se prononcer sur cette question en l'absence de projet de liquidation du régime matrimonial établi par notaire, la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles 255, 10° et 267 alinéa 4 du Code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le financement par un époux d'une acquisition faite en indivision pendant le mariage ne rémunère la collaboration professionnelle de son conjoint que si celle-ci a excédé sa contribution aux charges du mariage ; qu'en se bornant à relever, pour retenir l'existence d'une donation rémunératoire, que Mme X... avait participé gratuitement à l'activité de la société Innov'Habitat, sans constater que cette participation avait excédé ses facultés contributives, et après avoir relevé qu'elle n'avait pas été d'ampleur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 214 et 1096, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2005, du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt du 2 juillet 2015 attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande tendant à ce que soit révoquée pour ingratitude la donation du terrain de Quincy ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE en ce qui concerne le terrain de Quincy, le premier juge a justement considéré que la seule condamnation de Mme X... pour des faits de complicité d'escroquerie commis au préjudice de la société Innov'Habitat n'était pas de nature remettre en cause la donation (arrêt du 2 juillet 2015, p. 8, al. 3) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE les malversations dont s'est rendue coupable l'épouse envers la société Innov'Habitat et donc par voie de conséquence envers son époux qui a dû revoir sa rémunération à la baisse, en particulier en raison du coût des procédures induites par le comportement fautif de l'épouse sont effectivement constitutives d'une ingratitude susceptible d'entraîner la révocation de la donation portant sur les 5 % de parts de la SAS Innov Habitat mais pas pour le terrain de Quincy qui n'est concerné en aucune manière (jugement du 17 juin 2014, p. 9, antépénult. al.) ;

ALORS QUE la donation entre vifs peut être révoquée pour cause d'ingratitude si le donataire s'est rendu coupable de délits ou injures graves envers le donateur, peu important qu'aucun lien n'existe entre l'objet de la donation et de les faits constitutifs d'une cause d'ingratitude ; qu'en refusant d'ordonner la révocation de la donation du terrain de Quincy au motif inopérant que celui-ci n'était pas concerné par les faits d'escroquerie commis au préjudice de M. Y... pour lesquels Mme X... avait été condamnée pénalement, et dont elle constatait qu'ils étaient constitutifs d'une ingratitude, la Cour d'appel a violé l'article 955 du Code civil.
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi incident.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de sa demande tendant à ce que M. Y... soit condamné à lui verser la somme de 500 000 euros au titre de la prestation compensatoire ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « sur la prestation compensatoire : que selon les dispositions des articles 270 et 271 du Code civil, l'un des conjoints peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage créé dans les conditions de vie respectives ; que cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend notamment en considération :- la durée du mariage,- l'âge et l'état de santé des époux,- leur qualification et leur situation professionnelles,- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faut encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial,- leurs droits existants et prévisibles,- leur situation respective en matière de pension de retraite ; que Mme X... était âgée de 43 ans au moment du mariage et est désormais âgée de 60 ans ; que le mariage a duré seize ans et la vie commune onze ans et demi ; que les époux n'ont pas eu d'enfant ; M. Y... était âgé de 31 ans au moment du mariage et est désormais âgé de 48 ans ; que Mme X... prétend que la disparité ne saurait être niée par l'époux dont les revenus sont très supérieurs aux siens ; qu'il n'est pas contesté qu'il existe une importante disparité entre les situations financières des parties : M. Y... est propriétaire de plusieurs immeubles et gérant de plusieurs sociétés dont il tire des revenus importants ; qu'il ressort cependant des pièces soumises à l'appréciation de la Cour que la disparité préexistait au mariage et s'est maintenue par la suite malgré l'union, M. Y... ayant poursuivi ses activités alors que Mme X..., qui avait cessé de travailler en 1997, n'a par la suite repris aucune activité professionnelle, du fait de son état de santé, si ce n'est à titre bénévole au sein de l'entreprise Innov Habitat ; que le premier juge a justement observé qu'en tout état de cause, et nonobstant le débat quant à l'ampleur de l'activité de l'appelante au sein de Innov Habitat, Mme X... a été rémunérée puisque l'immeuble sis... a été qualifié d'indivis ; que l'un des époux ne peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage et non si elle préexistait au mariage qui n'a eu aucune incidence sur leurs situations patrimoniales ; que de plus, la prestation compensatoire n'a pas vocation à corriger les effets d'un régime librement choisi par les époux ; qu'au surplus, en application de la loi, le Juge doit tenir compte du patrimoine de chacun après la liquidation du régime matrimonial ; que le rapport de l'expert D... estime à la somme de 483. 511, 61 les actifs nets de Mme X..., la somme de 178. 778, 70 euros lui revenant au titre des fonds indivis ; que compte tenu de l'âge de l'appelante au moment du mariage et du fait qu'elle va bénéficier d'économies conséquentes, l'équité ne commande pas, en considération des critères prévus à l'article 271 du code civil et en application de l'article 270 alinéa 3 du code civil, d'accorder une prestation compensatoire à Mme X... ; qu'en conséquence, Mme X... sera déboutée de sa demande de prestation compensatoire » ;


ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « sur la demande de prestation compensatoire : que l'épouse qui estime qu'il existe une importante disparité entre les situations financières respectives des époux liée à la rupture du mariage sollicite la condamnation de l'époux au paiement d'une somme de 500 000 euros à titre de prestation compensatoire ; que l'époux contestant principalement le lien entre la disparité et la rupture du lien matrimonial s'oppose à cette demande ; qu'en l'espèce, le mariage célébré en avril 1998 a duré 16 ans ; que le couple n'a pas eu d'enfant ; que l'épouse était déjà âgée de 43 ans ; que ses choix de vie et son parcours antérieur ne sont nécessairement pas sans conséquence sur sa situation financière actuelle et surtout sur ses droits à la retraite ; que l'époux était âgé de 31 ans ; que les époux sont mariés sous le régime de la séparation des biens ; qu'il convient de rappeler que la prestation compensatoire n'a pas vocation à corriger les effets d'un régime librement choisi par les époux ; qu'en l'espèce il n'est pas contesté qu'il existait avant le mariage une importante disparité entre les situations financières (l'époux disposait d'un revenu de 258 793 francs en 1996) et patrimoniales des époux et qu'il existe aujourd'hui encore une différence très importante entre les revenus des époux et leur situation de fortune respective ; qu'en effet M. Y... est propriétaire de plusieurs immeubles et gérant de plusieurs sociétés Innov Habitat, SCI Chapal, SASU Chard dans lesquelles il détient des droits sociaux pour des sommes importantes qui lui procurent des revenus, bien qu'en baisse ces dernières années, encore très confortables (Innov Habitat : 3 800 euros en 2013, SCI Chapal : 4 879) ; qu'il admet percevoir à titre personnel des revenus fonciers de 3 455 euros par mois ; qu'il possède également des véhicules coûteux et un bateau Cranchi Zaffiro acquis près de 200 000 euros en 2004, etc ; qu'il appartient néanmoins à l'épouse de démontrer que la disparité s'est aggravée du fait des choix opérés en commun par les époux et des sacrifices qu'elle aurait pu consentir au profit de la carrière de l'époux, que son activité dans la société Innov Habitat a permis à l'époux de développer son patrimoine et de s'enrichir, à son détriment ; que l'épouse explique que son dernier contrat de travail a pris fin en 1997 ; qu'à partir de 1998, elle n'a pas exercé d'activité salariée en raison d'un problème médical de polyarthrite pour lequel elle a obtenu le statut d'invalide 2ème catégorie qui lui procure une pension de 633 euros par mois mais qui lui faisait en contrepartie interdiction de travailler ; qu'elle prétend toutefois, malgré son handicap, avoir contribué à la prospérité des sociétés dont l'époux est le gérant, en particulier, de la société Innov Habitat en exerçant la fonction de secrétaire comptable ; qu'elle prétend par ailleurs que son inactivité a affecté ses droits à la retraite ; que si l'épouse a cessé de travailler, c'est uniquement en raison de ses problèmes de santé ; qu'à compter d'octobre 1998, elle avait interdiction de pratiquer une activité professionnelle ; qu'en aucun cas son activité au sein de la société Innov Habitat a pu affecter ses droits à la retraite comme elle le prétend ; que l'époux convient que l'épouse lui a apporté une aide au sein de l'entreprise Innov Habitat, en particulier, lorsqu'il s'est trouvé en arrêt de travail pendant 27 mois après son accident de la circulation survenu en 2007 ; qu'il soutient cependant, d'une part, qu'il ne s'agissait que de tâches d'exécution dans le cadre de l'exécution de devoir de secours et, d'autre part, qu'à son retour, en avril 2009, il a constaté des dysfonctionnements et lui a demandé de ne plus intervenir dans la société ; qu'à ce propos, il se prévaut notamment d'une condamnation de l'épouse pour complicité d'escroquerie prononcée par le tribunal correctionnel de Bourges le 18 janvier 2013 t d'un courrier de Comptafrance, expert-comptable de la société Innov Habitat, qui affirme que Mme Y... n'a jamais occupé aucune fonction dans la société, qu'elle n'y avait pas de compte courant mais que pourtant elle a signé un chèque sur le compte d'Innov Habitat d'un montant de 574, 54 euros le 24 avril 2009 ; qu'il produit encore l'attestation de M. Jérôme Z... en date du 1er avril 2010 qui affirme régler le loyer de Mlle A... ... d'un montant de 398 euros sur le compte de Mme Y... depuis le 7 novembre 2009 ; que l'épouse ne démontre pas que l'activité bénévole indéniable qui a été la sienne dans la société Innov Habitat était indispensable et d'ampleur ; que l'attestation de M. Alexandre B..., trop imprécise, ne fait que confirmer la présence active de l'épouse dans les locaux de la société, de juillet 2007 à juin 2009 et pour une période limitée ; qu'elle-même admet qu'elle agissait sous les ordres de son époux et n'était en aucune façon amenée à prendre des initiatives ; que les pièces produites qui concernent quelques travaux (notamment réception du courrier) pour chaque année ne permettent pas de conclure à une participation indispensable à la bonne marche de la société alors même qu'il n'est pas contesté que la société Innov Habitat bénéficiait des services d'une secrétaire et d'une société d'expertise comptable ; qu'il ressort de l'attestation de Mme Sabrina C... que Mme Patricia Y... a travaillé à ses côtés dans la SAS Innov Habitat du 28 novembre 2000 jusqu'à son départ le 21 janvier 2004, que c'est elle qui a procédé à son recrutement, l'a formée aux méthodes de travail et fait tous les documents relatifs à son départ ; que ce seul témoignage ne permet pas de conclure que l'aide apportée par l'épouse certes utile ‒ censée être inapte au travail ‒ dans la société Innov Habitat ait apporté une plus-value caractérisée à cette société et plus largement au patrimoine de l'époux par ailleurs entouré de professionnels ; qu'en tout état de cause l'épouse se trouve finalement rémunérée pour son activité volontaire et bénévole dans la société Innov Habitat, au vu de ce qui précède, puisque l'immeuble sis... est finalement qualifié d'immeuble indivis ; que le patrimoine indivis reste confortable nonobstant les donations qui ont été révoquées puisque le seul domicile conjugal a été mis en vente au prix de 681 000 euros ; que par ailleurs il convient de constater que l'épouse elle-même a pu se constituer un patrimoine pendant le mariage même s'il est sans commune mesure avec celui de l'époux ; qu'elle ne ressort en tout cas pas moins riche du mariage qu'elle n'y est entrée ; qu'en conséquence, l'épouse échoue dans la preuve qui lui incombe de ce que la disparité existant entre les situations financières des époux résulte de la rupture du mariage et sera déboutée de sa demande de prestation compensatoire » ;

ALORS 1) QUE : le juge ne peut se fonder sur des circonstances antérieures au divorce pour apprécier l'existence du droit de l'un des époux à bénéficier d'une prestation compensatoire ; qu'en déboutant pourtant Mme X... de sa demande au prétexte que la disparité dans les conditions de vie respectives des époux, dont elle constatait l'existence (arrêt, p. 9, pénultième alinéa), « préexistait au mariage qui n'a eu aucune incidence sur leurs situations patrimoniales » (arrêt, p. 10, alinéa 1er), la cour d'appel s'est fondée sur une circonstance antérieure au mariage, en violation des articles 270 et 271 du code civil ;


ALORS 2) QUE : la liquidation du régime matrimonial étant par définition égalitaire, il n'y a pas lieu de la prendre en compte pour apprécier la disparité justifiant l'attribution d'une prestation compensatoire ; qu'en affirmant à l'inverse que « le juge doit tenir compte du patrimoine de chacun après la liquidation du régime matrimonial » (arrêt, p. 10, alinéa 2, in limine), la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil.



site réalisé avec
Baumann Avocat Droit des affaires

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Avocat
Divorce / séparation de corps
Inventaire / Bénéfice d'inventaire


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.