par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 24 novembre 2016, 15-26090
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
24 novembre 2016, 15-26.090

Cette décision est visée dans la définition :
Entreprise




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mars 2015), que, pour la construction d'une maison individuelle, M. et Mme X... ont confié le lot « menuiseries extérieures - stores - porte de garage » à la société STAM, depuis en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société MMA IARD (la MMA) ; que, se plaignant de travaux inachevés et de malfaçons, M. et Mme X... ont, après expertise, assigné la société STAM, son liquidateur, et la MMA en indemnisation ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes fondées sur la réception tacite de l'ouvrage ;

Mais attendu qu'ayant retenu que n'était pas démontrée la volonté de M. et Mme X... de réceptionner les travaux réalisés par la société STAM à la date du 14 août 2004, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur le caractère habitable des lieux, un abandon du chantier ou la connaissance de l'entrepreneur de cette volonté, a pu en déduire que les travaux n'avaient pas fait l'objet d'une réception tacite à cette date ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1792-6 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de M. et Mme X... fondées sur la réception judiciaire, l'arrêt retient qu'en l'absence d'abandon caractérisé du chantier par la société STAM, en août 2004, et d'achèvement des travaux au même moment, et en raison de la volonté légitime du maître de l'ouvrage de ne pas procéder à la réception dans ces conditions, la réception judiciaire ne peut pas être prononcée au 14 août 2004, peu important que le pavillon, dans son ensemble, ait alors été considéré habitable ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que l'ouvrage était habitable le 14 août 2004, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes fondées sur la réception judiciaire, l'arrêt rendu le 13 mars 2015 par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société MMA IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MMA IARD à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de l'ensemble de leurs prétentions,

AUX MOTIFS QUE pour que M. et Mme X... puissent se prévaloir d'une réception tacite des travaux, préalable nécessaire à la mise en oeuvre de la garantie décennale, ils doivent démontrer qu'ils ont eu la volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage réalisé par la société Stam, laquelle a été chargée du lot « menuiseries extérieures ‒ stores ‒ porte de garage » à réaliser sur leur maison de 8 pièces principales sise ... ; que la réception tacite d'un ouvrage peut intervenir lors de la prise de possession des lieux et il est constant que M. et Mme X... se sont installés dans leur maison le 14 aout 2004 ; mais que cette seule prise de possession ne constitue pas un élément suffisant pour démontrer que les maîtres de l'ouvrage ont eu, alors, la volonté non équivoque de recevoir les travaux effectués par la société Stam ; que pour retenir l'existence d'une réception tacite à cette date, les premiers juges ont pris en compte le fait que les désordres ne s'étaient pas alors manifestés dans toute leur ampleur, ce qui permettait de retenir que la maison était habitable et que la réception n'avait pas pu avoir lieu du seul fait de l'entreprise qui avait abandonné le chantier ; que le caractère habitable des lieux ne concrétise pas une manifestation du caractère non équivoque de la volonté du maître de l'ouvrage de procéder à la réception mais constitue seulement une condition nécessaire pour que la prise de possession des lieux puisse permettre, dans un second temps, de constater l'existence d'une réception tacite des travaux, dans l'hypothèse où ceux-ci ne sont pas achevés ; qu'au cas particulier il doit être souligné que dans son rapport, M. Y..., expert judiciaire, a indiqué que les travaux prévus dans le devis n° 9124 de la société Stam en date du 6 octobre 2003, avaient été intégralement réalisés « sous réserve des désordres constatés en expertise», qu'il a imputés en totalité à la société Stam en raison d'une mauvaise conception et d'un défaut de suivi des travaux de pose (page 22 du rapport) ; qu'il n'est pas établi qu'à la date du 14 août 2004, le chantier ait été abandonné par la société Stam ; qu'en effet dans leur assignation au fond, M. et Mme X... ont eux-mêmes indiqué qu'après l'envoi par la société Stam de son décompte général définitif en date du 28 novembre 2005, « il s'est avéré que la société Stam a abandonné le chantier » ; qu'il s'en déduit a contrario, qu'à la date de leur installation dans les lieux, en août 2004, il n'était pas avéré que l'entreprise avait abandonné le chantier ; que dans un courrier en date du 24 février 2005, la société Stam a d'ailleurs indiqué à M. et Mme X... qu'il n'était pas question de ne pas terminer le chantier et qu'elle était dans l'attente de lames complémentaires pour les volets ; que M. et Mme X... n'ont pas produit le courrier (copie) en date du 21 février 2005 adressé par eux-mêmes à la société Stam, qui est la cause de cette correspondance du 24 février 2005 ; qu'ils n'ont pas produit un quelconque document permettant de retenir qu'ils auraient fait part, implicitement ou explicitement à la société Stam de leur volonté de prendre l'ouvrage dans l'état où il se trouvait en août 2004, avant même l'établissement des comptes définitifs ; que le fait que les lots terrassement ‒ VRD ‒ gros oeuvre ‒ maçonnerie et électricité aient fait l'objet d'une réception formelle, sans réserves à la date du 14 août 2004, ne permet pas de démontrer qu'à la même date, M. et Mme X... auraient également voulu réceptionner les travaux réalisés par la société Stam, en l'absence de tout élément concret étayant une telle volonté ; que l'absence de tout élément en ce sens, permet au contraire de présumer qu'ils n'entendaient pas réserver à la société Stam, la procédure appliquée aux autres entreprises ; que ni le constat d'huissier du 28 décembre 2005 mettant en exergue de multiples défauts, ni l'assignation en référé expertise du 3 février 2006, ni les éléments recueillis au cours des opérations d'expertise de M. Y... ‒ lequel précise qu'il y a prise de possession de l'ouvrage sans réception ‒ ne fournissent le moindre élément susceptible de mettre en évidence la volonté de M. et Mme X... de réceptionner l'ouvrage dans l'état où il se trouvait en août 2004 ; qu'il n'est pas plus établi qu'ils aient souhaité réceptionner les travaux de la société Stam à la suite de l'établissement du décompte général définitif en date du 28 novembre 2005 puisqu'ils n'ont pas réglé le solde sollicité par l'entreprise (soit 17.345,48 €) et qu'ils ont, de surcroît fait dresser, exactement un mois plus tard, un constat d'huissier non contradictoire répertoriant de multiples défauts, constat qui a permis de justifier leur demande d'expertise judiciaire (février 2006) ; que le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'une réception tacite des travaux à la date du 14 août 2004 ; qu'en l'absence de réception des travaux seule la responsabilité contractuelle de la société Stam (en liquidation judiciaire) est engagée à l'exclusion de la responsabilité décennale ; qu'or M. et Mme X... ne sollicitent la condamnation de la compagnie MMA IARD assureur de la société Stam, qu'au titre de l'engagement de la responsabilité décennale de cette société, garantie par la police souscrite ;

1°) ALORS QU'en se fondant pour exclure l'existence d'une réception tacite de l'ouvrage par M. et Mme X... qui ont pris possession de leur maison dans laquelle ils ont emménagé le 14 août 2004, sur la circonstance que le caractère habitable des lieux ne concrétiserait pas une manifestation du caractère non équivoque de la volonté du maître de l'ouvrage de procéder à la réception mais constituerait seulement une condition nécessaire pour que la prise de possession des lieux puisse permettre, dans un second temps, de constater l'existence d'une réception tacite des travaux, dans l'hypothèse où ceux-ci ne sont pas achevés quand la constatation par le juge de la réception tacite par le maître de l'ouvrage d'un immeuble d'habitation n'est pas soumise à la constatation que cet immeuble soit habitable ou en état d'être reçu, la Cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;

2°) ALORS QUE l'abandon du chantier à la date de la prise de possession de l'ouvrage ne constitue pas une condition de la réception tacite lorsque les travaux ne sont pas terminés ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;

3°) ALORS QUE la réception tacite de l'ouvrage résulte de la manifestation non équivoque de la volonté du maître de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage sans qu'il soit nécessaire que cette volonté soit portée à la connaissance de l'entrepreneur qui a réalisé l'ouvrage ; qu'en se fondant pour écarter la réception tacite de l'ouvrage par M. et Mme X... qui se sont installés dans leur maison d'habitation, sur leur carence à produire un document permettant de retenir qu'ils auraient fait part, implicitement ou explicitement, à la société Stam de leur volonté de prendre l'ouvrage dans l'état où il se trouvait en août 2004 avant même l'établissement des comptes définitifs, la Cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;

4°) ALORS QUE l'existence d'une réception tacite de l'ouvrage doit être appréciée à la date de la prise de possession des lieux soit en l'espèce, à la date du 14 août 2004 ; qu'en se fondant pour exclure la réception tacite de l'ouvrage par M. et Mme X... à la date de la prise de possession de l'ouvrage le 14 août 2004, à laquelle les désordres ne s'étaient pas manifestés et le solde du prix n'avait pas été réclamé, sur un constat d'huissier établi en décembre 2005 mettant en exergue les défauts de l'ouvrage, sur une assignation en référé expertise du 3 février 2006 et sur le non-paiement du solde du prix des travaux réclamé dans un décompte définitif en date du 28 novembre 2005, quand ces circonstances postérieures à la prise de possession des lieux n'étaient pas de nature à exclure la volonté des maîtres de l'ouvrage de le recevoir, la Cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;

5°) ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait sur le fondement de considérations erronées sans rechercher si la prise de possession des lieux en août 2004, date à laquelle les maîtres de l'ouvrage ont emménagé dans leur maison laquelle était habitable, à laquelle les désordres affectant les travaux de la société Stam, dont la Cour d'appel admet qu'ils n'ont été dénoncés qu'en décembre 2005, n'étaient pas encore apparents, et date à laquelle l'intégralité des travaux facturés par la société Stam à hauteur de 70.852,34 € avaient été réglés ‒ seul le solde du prix (soit 17.345,48 €) lequel n'a été réclamé que postérieurement à la prise de possession, en novembre 2005, et à une date à laquelle les désordres s'étaient entre temps révélés étant demeuré impayé ‒ n'était pas compte tenu de ces circonstances, de nature à caractériser la volonté des maîtres de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de l'ensemble de leurs prétentions,

AUX MOTIFS QU'en l'absence d'abandon caractérisé du chantier par la société Stam en août 2004, d'achèvement des travaux au même moment, et en raison de la volonté légitime du maître de l'ouvrage de ne pas procéder à la réception dans ces conditions, la réception judiciaire ne peut pas plus être prononcée à la date du 14 août 2004, peu important que le pavillon dans son ensemble, ait alors été considéré habitable ; qu'il n'y a pas eu refus abusif de l'une des parties de réceptionner les travaux puisqu'aucune des parties n'a manifesté son souhait ni même proposé cette réception alors que les travaux n'étaient pas terminés ; que M. et Mme X... n'ont pas sollicité la fixation d'une réception à une autre date que le 14 août 2004, étant souligné qu'une telle fixation, à une autre date, impliquerait alors une discussion sur le caractère apparent ou non des malfaçons ; qu'en l'absence de réception des travaux seule la responsabilité contractuelle de la société Stam (en liquidation judiciaire) est engagée à l'exclusion de la responsabilité décennale ; qu'or M. et Mme X... ne sollicitent la condamnation de la compagnie MMA IARD assureur de la société Stam, qu'au titre de l'engagement de la responsabilité décennale de cette société, garantie par la police souscrite ;

1°) ALORS QUE la réception judiciaire n'est pas subordonnée à la démonstration de la volonté du maître de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage et doit être prononcée dès lors qu'à la date de la prise de possession des lieux l'ouvrage était en état d'être reçu à savoir lorsqu'il s'agit de la réception d'un immeuble d'habitation, lorsque l'ouvrage était habitable ; qu'en statuant comme elle l'a fait en raison de l'absence prétendue de volonté des maîtres de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage et après avoir constaté qu'à la date de la prise de possession, la maison était habitable, la Cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;

2°) ALORS QUE l'achèvement des travaux n'est pas une condition de la réception ; que la réception judiciaire doit être prononcée dès lors que l'immeuble est état d'être reçu à savoir lorsqu'il s'agit de la réception d'un immeuble d'habitation, lorsque l'ouvrage était habitable ; qu'en se fondant pour écarter la réception judiciaire à la date de la prise de possession des lieux le 14 août 2004, sur l'absence d'achèvement des travaux à cette date à laquelle elle admet que l'immeuble était en état d'être habité, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;


3°) ALORS QUE l'abandon du chantier ne constitue pas non plus une condition de la réception judiciaire ; qu'ainsi, la Cour d'appel a encore violé l'article 1792-6 du code civil.



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Entreprise


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.