par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 20 avril 2017, 16-16891
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
20 avril 2017, 16-16.891

Cette décision est visée dans la définition :
Intervention




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et sixième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 février 2016), que M. Y..., qui s'était constitué caution de prêts accordés par le Crédit touristique et des transports et la Banque monétaire et financière (les banques) à la société Royal bar, ultérieurement placée en procédure collective, est intervenu volontairement à l'action engagée en novembre 1994 pour cette société par M. Z..., avocat, devant un tribunal de commerce, aux fins de nullité des contrats de prêt souscrits par les banques et de condamnation de ces dernières à rapporter à la procédure collective les sommes reçues sur les fonds prêtés ; que la péremption de l'instance ayant été constatée par un jugement du 20 octobre 2005, M. Y... et M. A..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Royal bar, ont assigné M. Z... devant un tribunal de grande instance, à fin de le voir condamner au paiement de dommages-intérêts au titre de sa responsabilité civile ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter ses prétentions, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient au juge d'apprécier l'intérêt à agir du tiers intervenant volontaire et du lien suffisant devant exister entre ses demandes et les prétentions originaires de sorte que seul le tiers dont le juge a constaté la recevabilité de l'intervention principale devient partie au sens de l'article 386 du code de procédure civile et peut en conséquence accomplir valablement un acte interruptif de péremption ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que par jugement du 10 octobre 1996, le tribunal de Cannes a reporté l'examen de la recevabilité des interventions volontaires à la prochaine audience au fond et que c'est seulement par un jugement du 20 octobre 2005 que ce tribunal a déclaré celles-ci recevables avant de constater, par un autre chef du dispositif, la péremption et l'extinction de l'instance ; qu'en énonçant toutefois qu'il appartenait à M. Y... de conclure lui-même sur le fond du litige, ce qui aurait permis d'interrompre le délai de péremption, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 326 et 386 du code de procédure civile, qu'elle a violés ;

2°/ que la qualité de partie au sens de l'article 386 du code de procédure civile ne peut se déduire des seules mentions d'un rapport d'expertise ; qu'en retenant que le rapport d'expertise mentionne M. Y... comme partie au procès, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;

3°/ qu'en procédure orale, le juge est saisi des moyens soutenus à l'audience ; que l'arrêt retient que la recevabilité de l'intervention volontaire de M. Y... n'a pas été contestée devant le juge de la mise en l'état ; qu'en statuant ainsi quand il ressort des énonciations du jugement du tribunal de commerce de Cannes du 20 octobre 2005 ayant déclaré les interventions volontaires recevables qu'"au jour de l'audience, les défendeurs demandent au tribunal de déclarer irrecevable l'intervention des intervenants volontaires à la présente procédure", la cour d'appel a violé l'article 871 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige ;

4°/ que le jugement qui tranche dans son dispositif la contestation relative à la recevabilité de l'intervention volontaire d'un tiers a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à cette contestation, mais est dépourvu de tout effet rétroactif ; qu'en énonçant que la recevabilité de l'intervention volontaire de M. Y... avait été rétroactivement admise par le jugement du 20 octobre 2005 pour en déduire qu'il appartenait à son auteur de conclure lui-même sur le fond du litige, ce qui aurait permis d'interrompre le délai de péremption, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile, ensemble l'article 386 du même code ;

5°/ que si en cas de lien de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie interrompent le délai de péremption de l'autre instance, il incombe aux juges du fond de caractériser un tel lien de dépendance entre les deux instances ; que pour reprocher à M. Y... de n'avoir accompli aucune diligence interruptive de péremption en sa qualité de défendeur à l'instance diligentée par la Banque générale du commerce qui avait été jointe à la procédure engagée contre les banques, l'arrêt se borne à énoncer qu'en l'espèce, il existe bien entre les deux procédures un lien de dépendance directe et nécessaire ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à justifier de l'existence d'un tel lien entre les deux instances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'intervention volontaire dans une instance étant une demande en justice, son auteur devient, par cette seule intervention, partie à cette instance et peut, en cette qualité, accomplir les diligences de nature à interrompre, à l'égard de tous, le délai de péremption de l'instance ;

Et attendu qu'ayant relevé que M. Y... était intervenu volontairement dans la procédure engagée par les organes de la procédure collective dès 1996, puisque le jugement du tribunal de commerce de Cannes du 10 octobre 1996 le mentionnait en qualité de partie intervenante et indiquait que n'ayant pu plaider à l'audience du 11 juillet 1995, la recevabilité de son intervention serait évoquée à une prochaine audience au fond, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il appartenait à M. Y... de conclure ou de solliciter la fixation de l'affaire en vue d'interrompre le délai de péremption, pour retenir que, n'ayant lui-même accompli aucune diligence à ce titre, son préjudice, s'il devait être démontré, résultait de sa propre négligence et non des manquements de M. Z... ;

D'où il suit que le moyen, qui est inopérant en ses deuxième, troisième et sixième branches n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu, qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la cinquième branche du moyen annexé, qui est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi  ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; le condamne à payer, d'une part, à la société Allianz IARD la somme de 3 000 euros, et, d'autre part, à M. A..., ès qualités, la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me E... , avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR rejeté les prétentions de M. Y... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « par acte authentique du 10 février 1993, le crédit touristique et des transports et la banque monétaire et financière, ont accordé des prêts d'un montant respectif de 4 500 000 F et de 8 500 000 F à la SA Royal Bar créée par Monsieur Jean-Pierre Y... qui s'était porté caution solidaire avec les autres associés ; que par jugement du 28 octobre 1993, le tribunal de commerce de Cannes a placé la société Royal Bar en redressement judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 30 juin 1992 , qu'un plan de cession a été arrêté le 3 novembre 1994 ; que le 7 septembre 2004, Monsieur Pierre Louis A... a été désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession, en remplacement de Monsieur C... ; que par actes des 15, 16, 17 et 21 novembre 1994, et aux termes de conclusions ultérieures, l'administrateur judiciaire et le représentant des créanciers de la société Royal Bar ont assigné, par l'intermédiaire de Maître Michel Z..., avocat, devant le tribunal de commerce de Cannes, le Crédit Commercial de France, la société Marseillaise de Crédit, le Crédit Touristique et des Transports, la Banque Monétaire et Financière, la Banque Générale du Commerce, le Crédit du Nord et la Caisse Foncière de Crédit et réclamé la nullité des contrats de prêt souscrits par la SA Royal Bar auprès du Crédit Touristique et des Transports et de la Banque Monétaire et Financière, ainsi que la condamnation des banques à rapporter à la procédure collective les sommes reçues sur les fonds prêtés et à payer la somme de 20 000 000 F, à titre de dommages et intérêts; Attendu que par jugement 10 octobre 1996, cette juridiction a reporté l'intervention volontaire des parties à la prochaine audience au fond, constaté l'intérêt à agir de Maître C... et de Maître D..., dit que leur action fondée sur le cumul des responsabilités était recevable, dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer et désigné un expert ; que par jugement du 20 octobre 2005, le tribunal de commerce de Cannes a constaté la péremption et l'extinction de l'instance engagée contre les banques; que cette décision a été confirmée par arrêt rendu le 12 avril 2007 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence; que par jugement du tribunal correctionnel de Grasse du 10 juin 2003, confirmé par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 30 mars 2005, Monsieur Jean-Pierre Y... a été déclaré coupable de banqueroute et condamné, sur intérêts civils, à payer à Monsieur Pierre Louis A..., ès qualités, la somme de 2 317 925,06 € ; que se fondant sur la responsabilité civile délictuelle ; Monsieur Jean-Pierre Y... réclame la condamnation de Monsieur Michel Z... à lui payer la somme de 7259239,03 €, au titre des engagements de caution personnelle dont il est redevable, ainsi que celle de 2 317 925,06 €, au titre de la condamnation pénale, avec intérêts au taux légal, outre celle de 250 000 €, pour son préjudice moral; qu'il reproche à l'avocat de sa société d'avoir manqué de diligence pour éviter la péremption de l'instance engagée par cette dernière; qu'il affirme que son intervention volontaire dans la procédure n'ayant été reconnue que postérieurement au jugement rendu le 20 octobre 2005 ayant constaté la péremption d'instance, il n'avait pas qualité pour réaliser des diligences interruptives du délai prévu par l'article 386 du code de procédure civile ; qu'il ajoute que le jugement rendu le 10 octobre 1996 par le tribunal de commerce de Cannes mentionne qu'il n'a pu plaider à l'audience du 11 juillet 1996, en qualité d'intervenant volontaire et que son intervention a été renvoyée à une autre audience au fond; mais que le fait que le jugement du 10 octobre 1996 ait reporté l'examen de la recevabilité de l'intervention de plusieurs parties à la prochaine audience au fond ne les empêchait pas de conclure; que le rapport d'expertise judiciaire mentionne Monsieur Jean-Pierre Y... comme l'une des parties au procès; que la recevabilité de son intervention volontaire n'a pas été contestée devant le juge de la mise en état et qu'elle a été rétroactivement admise par le jugement rendu le 20 octobre 2005 ; qu'il appartenait donc à Monsieur Jean-Pierre Y... de conclure lui-même sur le fond du litige, par l'intermédiaire de l'avocat qu'il avait constitué, ce qui aurait permis d'interrompre le délai de péremption; qu'il était par ailleurs défendeur à l'instance diligentée par la Banque Générale du Commerce qui avait été jointe à la procédure engagée contre les banques; que la péremption est interrompue par des actes intervenus dans une instance différente lorsqu'il existe entre les deux procédures un lien de dépendance direct et nécessaire et que tel est bien le cas en l'espèce; qu'il n'a lui-même accompli aucune diligence à ce titre ; qu'il lui appartenait au moins, dans ce cadre, de solliciter la fixation de l'affaire ; que le jugement du 20 octobre 2005 a nécessairement pris en compte les diligences des intervenants volontaires pour apprécier la péremption de l'instance ; que nul n'est entendu qui invoque sa propre turpitude ; que Monsieur Jean-Pierre Y... ne peut ainsi invoquer une faute du conseil de la société Royal Bar ; que les demandes en dommages et intérêts formées à l'encontre de Monsieur Michel Z... et à l'encontre de la compagnie Allianz par Monsieur Jean-Pierre Y... sont, en conséquences, rejetées» ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « les manquements contractuels de l'avocat peuvent être constitutifs d'une faute délictuelle à l'égard des tiers au contrat s'ils leur cause un préjudice ; que Monsieur Jean-Pierre Y... est donc recevable à exercer une action en responsabilité contre l'avocat sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que toutefois il n'est pas contesté que Monsieur Y..., représenté par un avocat est intervenu volontairement dans la procédure engagée par les organes de la procédure collective dès 1996 puisqu'il est mentionné sur le jugement du tribunal de commerce de Cannes du 10 octobre 1996 en qualité de partie intervenante ; que ce jugement a mentionné qu'il n'avait pas pu plaider à l'audience du 11 juillet 1996 et que la recevabilité de son intervention serait évoquée à la première audience au fond ; qu'il avait donc en sa qualité de partie intervenante toute possibilité d'effectuer un acte interruptif de péremption ; qu'en conséquence, son préjudice s'il devait être démontré, résulte de sa propre faute et de sa propre négligence et non des manquements de Me Z... ».

ALORS, D'UNE PART, QU'il appartient au juge d'apprécier l'intérêt à agir du tiers intervenant volontaire et du lien suffisant devant exister entre ses demandes et les prétentions originaires de sorte que seul le tiers dont le juge a constaté la recevabilité de l'intervention principale devient partie au sens de l'article 386 du code de procédure civile et peut en conséquence accomplir valablement un acte interruptif de péremption ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que par jugement du 10 octobre 1996, le tribunal de Cannes a reporté l'examen de la recevabilité des interventions volontaires à la prochaine audience au fond et que c'est seulement par un jugement du 20 octobre 2005 que ce tribunal a déclaré celles-ci recevables avant de constater, par un autre chef du dispositif, la péremption et l'extinction de l'instance ; qu'en énonçant toutefois qu'il appartenait à M. Y... de conclure lui-même sur le fond du litige, ce qui aurait permis d'interrompre le délai de péremption, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 326 et 386 du code de procédure civile, qu'elle a violés.

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la qualité de partie au sens de l'article 386 du code de procédure civile ne peut se déduire des seules mentions d'un rapport d'expertise ; qu'en retenant que le rapport d'expertise mentionne M. Y... comme partie au procès, la cour d'appel a violé l'article susvisé.

ET ALORS QU'en procédure orale, le juge est saisi des moyens soutenus à l'audience ; que l'arrêt retient que la recevabilité de l'intervention volontaire de M. Y... n'a pas été contestée devant le juge de la mise en l'état ; qu'en statuant ainsi quand il ressort des énonciations du jugement du tribunal de commerce de Cannes du 20 octobre 2005 ayant déclaré les interventions volontaires recevables qu' « au jour de l'audience, les défendeurs demandent au tribunal de déclarer irrecevable l'intervention des intervenants volontaires à la présente procédure », la cour d'appel a violé l'article 871 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige.

ALORS, EN OUTRE, QUE le jugement qui tranche dans son dispositif la contestation relative à la recevabilité de l'intervention volontaire d'un tiers a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à cette contestation, mais est dépourvu de tout effet rétroactif ; qu'en énonçant que la recevabilité de l'intervention volontaire de M. Y... avait été rétroactivement admise par le jugement du 20 octobre 2005 pour en déduire qu'il appartenait à son auteur de conclure lui-même sur le fond du litige, ce qui aurait permis d'interrompre le délai de péremption, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile, ensemble l'article 386 du même code.

ALORS AU SURPLUS QU'en procédure orale, une demande présentée dans un écrit n'est valablement formée que lorsqu'elle est oralement soutenue à l'audience des débats ; qu'en affirmant qu'il appartenait à M. Y... de conclure lui-même sur le fond du litige par l'intermédiaire de son avocat, ce qui aurait permis d'interrompre le délai de péremption, quand le dépôt de conclusions écrites avant l'audience devant le tribunal de commerce de Cannes n'aurait pu constituer une diligence interruptive de la péremption, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article 386 du code de procédure civile, ensemble l'article 871 du même code, dans sa version applicable en la cause.


ALORS ENFIN QUE si en cas de lien de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie interrompent le délai de péremption de l'autre instance, il incombe aux juges du fond de caractériser un tel lien de dépendance entre les deux instances ; que pour reprocher à M. Y... de n'avoir accompli aucune diligence interruptive de péremption en sa qualité de défendeur à l'instance diligentée par la Banque Générale du Commerce qui avait été jointe à la procédure engagée contre les banques, l'arrêt se borne à énoncer qu'en l'espèce, il existe bien entre les deux procédures un lien de dépendance directe et nécessaire ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à justifier de l'existence d'un tel lien entre les deux instances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.