par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 4 mai 2017, 16-17752
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
4 mai 2017, 16-17.752

Cette décision est visée dans la définition :
Majeurs protégés




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le juge des tutelles a placé Mme A... sous tutelle pour une durée de cent vingt mois et désigné un mandataire judiciaire à la protection des majeurs en qualité de tuteur ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 441, alinéa 2, du code civil ;

Attendu, selon ce texte, que le juge qui prononce une mesure de tutelle peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin inscrit sur la liste mentionnée à l'article 431 constatant que l'altération des facultés personnelles de l'intéressé n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, fixer une durée supérieure à cinq ans, n'excédant pas dix ans ;

Attendu que, pour fixer la durée de la mesure de tutelle à cent vingt mois, l'arrêt se borne à énoncer que cette durée est adaptée à l'état de santé de l'intéressée ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater l'existence d'un avis conforme du médecin inscrit se prononçant sur l'impossibilité manifeste, selon les données acquises de la science, pour l'intéressée, de connaître une amélioration de l'altération de ses facultés personnelles et sans motiver spécialement sa décision sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la durée de la mesure de tutelle à cent vingt mois, l'arrêt rendu le 24 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mmes Y... et A...

PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR placé Mme Janine Z..., veuve A..., sous tutelle, d'AVOIR fixé la durée de la mesure à 120 mois, d'AVOIR désigné Mme Stéphanie B..., en qualité de tuteur pour la représenter et administrer ses biens et sa personne et d'AVOIR ordonné la suppression de son droit de vote ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE selon les dispositions de l'article 425 du code civil, toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre ; en l'espèce, il ressort du certificat circonstancié établi le 28 février 2015 par le docteur Bruno D..., médecin spécialiste inscrit sur la liste du procureur de la République de Bordeaux prévue par l'article 431 du code civil, que Mme A... présente des capacités cognitives détériorées, une désorientation importante dans le temps et dans l'espace, une perte totale de notion des valeurs chiffrées, une perte d'esprit critique. Il existe donc selon ce médecin une altération des facultés mentales qui justifie une mesure de curatelle, en raison d'une incapacité à exprimer utilement ses volontés. Ces conclusions sont conformes à celles émises le 23 février 2015 par le docteur Sophie E..., qui avait relevé l'existence chez Mme A... d'une altération importante des fonctions neuro-cognitives. Une mesure de sauvegarde de justice ou de curatelle ne permettrait pas d'assurer une protection suffisante. Mme A... doit en effet être représentée de manière continue dans les actes de la vie civile et il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a placé Mme A... sous le régime de la tutelle pour 120 mois; cette durée étant adaptée à l'état de santé de l'intéressée. Selon les dispositions de l'article 449 du code civil, à défaut de désignation faite en application de l'article 448, le juge nomme comme curateur ou tuteur, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure. A défaut de nomination faite en application de l'alinéa précédent et sous la dernière réserve qui y est mentionnée, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables. Le juge prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés, ainsi que de son entourage. En l'espèce, Mme A..., veuve, n'a pas conclu de mandat de protection future, conformément à l'article 448 du code civil. La désignation de Mme Dominique Y..., fille unique, s'impose donc au juge, sauf à caractériser l'existence d'une cause empêchant de lui confier la mesure. Or, il convient de relever que Mme Y... a eu lors des hospitalisations de sa mère un positionnement inapproprié: - le 3 décembre 2014, Mme A... avait été hospitalisée une première fois après avoir été retrouvée en train d'errer sur la voie publique, dénutrie, confuse et désorientée. A cette période, elle vivait seule dans sa maison de [...]. Mme Y... a refusé pour le compte de sa   mère toute investigation médicale complémentaire, tout traitement, ainsi que le principe d'une mise en place d'aides à domicile. ‒ Le 17 février 2015, Mme A... a de nouveau été hospitalisée, souffrant d'une fracture du col du fémur à la suite d'une chute survenue quatre jours plus tôt au domicile de sa fille chez laquelle elle résidait. Mme Y... s'est alors opposée à l'hospitalisation, puis à l'intervention chirurgicale en dépit de l'urgence, ce qui a nécessité la prise d'une décision collégiale de la part de l'équipe soignante pour réaliser finalement l'opération le 25 février suivant. Par ailleurs, Mme Y... a fait part dans le questionnaire adressé au juge des tutelles puis lors de l'audience, de sa prévention à l'égard des traitements médicamenteux qui pouvaient être actuellement mis en oeuvre pour sa mère, de nature selon elle à altérer son état. Elle a par ailleurs indiqué que cette dernière n'avait pas de médecin traitant avant son hospitalisation. Il apparaît donc que Mme Y... n'a pas pris l'exacte mesure des impératifs liés à la situation de la santé de sa mère. La désignation d'un tiers est donc justifiée pour assurer pleinement la protection des intérêts personnels et patrimoniaux de Mme A....

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est établi par l'ensemble du dossier et plus spécialement par les éléments médicaux que Mme Janine Z... veuve A... présente des troubles qui ne lui permettent plus de faire preuve du discernement et de l'autonomie nécessaire dans les actes de la vie courante; l'ouverture d'une mesure de protection s'avère en conséquence nécessaire ; il n'est pas possible de pourvoir à ses intérêts par application des règles du droit commun de la représentation; eu égard à son état de santé, l'instauration d'une mesure de sauvegarde de justice ou d'une curatelle s'avérerait insuffisante et qu'elle a, de ce fait, besoin d'être représentée d'une manière continue dans les acte de la vie civile, tant en ce qui concerne l'exercice de ses intérêts patrimoniaux que la protection de sa personne ; par ailleurs, son état exclut toute lucidité sur le plan électoral, il convient de supprimer son droit de vote ; en vertu des pièces du dossier, il convient de fixer la durée de cette mesure à 120 mois ; aucun membre de la famille ou proche ne peut assumer la tutelle qu'il convient de désigner Mme Stéphanie B..., en qualité de tuteur, mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles conformément à l'article 450 du code civil.

1) ALORS QUE le juge ne peut fixer la durée de la tutelle pour une durée supérieure à cinq années que si l'altération des facultés personnelles de l'intéressé décrite à l'article 425 du code civil n'apparait manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, et à la condition qu'il se prononce par une décision spécialement motivée ; qu'en se bornant à relever que Mme A... devait être représentée de manière continue dans les actes de la vie civile et qu'il convenait en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il avait placé Mme A... sous le régime de la tutelle pour 120 mois, cette durée étant adaptée à l'état de santé de l'intéressée, sans motiver spécialement sa décision sur le fait que l'altération des facultés personnelles de Mme A... n'apparaissait manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 441 du code civil ;

2) ALORS QUE si, lorsque l'altération des facultés personnelles de l'intéressé décrite à l'article 425 du Code civil n'apparait manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, le juge peut fixer la mesure pour une durée supérieure à cinq années qu'il détermine, c'est à la condition qu'il se prononce par une décision spécialement motivée et sur avis conforme du médecin mentionné à l'article 431 du même Code; qu'en se bornant à relever que Mme A... devait être représentée de manière continue dans les actes de la vie civile et qu'il convenait en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il avait placé Mme A... sous le régime de la tutelle pour 120 mois, cette durée étant adaptée à l'état de santé de l'intéressée, sans constater que le certificat du médecin préconisait une telle durée, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 441 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR désigné Mme Stéphanie B..., en qualité de tuteur pour représenter Mme A... et administrer ses biens et sa personne ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Selon les dispositions de l'article 449 du code civil, à défaut de désignation faite en application de l'article 448, le juge nomme comme curateur ou tuteur, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure. A défaut de nomination faite en application de l'alinéa précédent et sous la dernière réserve qui y est mentionnée, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables. Le juge prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés, ainsi que de son entourage. En l'espèce, Mme A..., veuve, n'a pas conclu de mandat de protection future, conformément à l'article 448 du code civil. La désignation de Mme Dominique Y..., fille unique, s'impose donc au juge, sauf à caractériser l'existence d'une cause empêchant de lui confier la mesure. Or, il convient de relever que Mme Y... a eu, lors des hospitalisations de sa mère, un positionnement inapproprié: - le 3 décembre 2014, Mme A... avait été hospitalisée une première fois après avoir été retrouvée en train d'errer sur la voie publique, dénutrie, confuse et désorientée. A cette période, elle vivait seule dans sa maison de [...]. Mme Y... a refusé pour le compte de sa mère toute investigation médicale complémentaire, tout traitement, ainsi que le principe d'une mise en place d'aides à domicile. ‒ Le 17 février 2015, Mme A... a de nouveau été hospitalisée, souffrant d'une fracture du col du fémur à la suite d'une chute survenue quatre jours plus tôt au domicile de sa fille chez laquelle elle résidait. Mme Y... s'est alors opposée à l'hospitalisation, puis à l'intervention chirurgicale en dépit de l'urgence, ce qui a nécessité la prise d'une décision collégiale de la part de l'équipe soignante pour réaliser finalement l'opération le 25 février suivant. Par ailleurs, Mme Y... a fait part dans le questionnaire adressé au juge des tutelles puis lors de l'audience, de sa prévention à l'égard des traitements médicamenteux qui pouvaient être actuellement mis en oeuvre pour sa mère, de nature selon elle à altérer son état. Elle a par ailleurs indiqué que cette dernière n'avait pas de médecin traitant avant son hospitalisation. Il apparaît donc que Mme Y... n'a pas pris l'exacte mesure des impératifs liés à la situation de la santé de sa mère. La désignation d'un tiers est donc justifiée pour assurer pleinement la protection des intérêts personnels et patrimoniaux de Mme A... ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aucun membre de la famille ou proche ne peut assumer la tutelle qu'il convient de désigner Mme Stéphanie B..., en qualité de tuteur, mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles conformément à l'article 450 du code civil.


ALORS QU' à défaut de désignation d'un tuteur faite en application de l'article 448 ou de l'alinéa 1er de l'article 449 du code civil, le juge désigne, en application du principe de la préférence familiale, un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables ; que la mesure de protection ne devant être confiée à un tiers que dans des circonstances exceptionnelles, il appartient aux juges du fond, lorsqu'ils décident de procéder à la désignation d'un tiers à la famille, de préciser les raisons de ce choix en faisant apparaître soit l'absence, au sein de la famille du protégé, d'une personne susceptible d'exercer la fonction à pourvoir ou encore, l'existence d'un conflit faisant obstacle à la désignation d'un membre de la famille capable et désireux d'assurer cette mission ; que pour refuser de confier à Mme Y... la tutelle de sa mère, Mme A..., la cour s'est bornée à énoncer que Mme Y... n'avait pas pris l'exacte mesure des impératifs liés à la situation de santé de sa mère ; qu'en se déterminant ainsi, sans prendre en compte les sentiments exprimés par le majeur protégé, de confier la tutelle à sa fille avec laquelle elle vivait dans la maison familiale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 449 et 450 du code civil.



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Majeurs protégés


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.