par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 17 mai 2017, 16-18425
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
17 mai 2017, 16-18.425

Cette décision est visée dans la définition :
Absence




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 6 avril 2016), que Camille Y... a disparu de son lieu de résidence le 17 mars 2003 ; qu'un jugement a constaté la présomption d'absence de celui-ci et désigné sa fille, Madeleine Y..., pour le représenter dans l'exercice de ses droits et l'administration de ses biens ; que sept années plus tard, après la découverte de son corps, la date de son décès a été fixée au [...]      ; que le notaire chargé du règlement de la succession a restitué à la Caisse de mutualité sociale agricole Sèvres-Vienne (la CMSA) les sommes qu'elle avait versées à Camille Y..., au titre de l'allocation supplémentaire et des avantages de retraite pour la période du 1er avril 2003 au 31 octobre 2011 ; que Jean-Pierre et Madeleine Y... ont assigné la CMSA en paiement de ces sommes ;

Attendu que la CMSA fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande alors, selon le moyen, qu'une personne absente est présumée vivante ; que cette présomption simple cesse avec la certitude du décès ; que ses effets cessent alors, le cas échéant, rétroactivement au jour du décès ; que le paiement des pensions de vieillesse à l'absent au cours de la période de présomption d'absence, qui avait pour seul fondement cette présomption de survie, se trouve ainsi sans cause à compter du décès ; que seuls les tiers de bonne foi doivent être protégés de cette rétroactivité, par la consolidation de leurs droits acquis sans fraude pendant la période de présomption d'absence ; qu'en jugeant cependant que les pensions payées par la CMSA à Camille Y..., décédé trois jours après sa disparition, durant les huit années qui ont suivi, au motif qu'il était présumé absent, lui étaient acquises tandis qu'il n'avait plus droit à ces pensions, et en disant que ces sommes devaient figurer dans l'actif successoral, la cour d'appel a violé les articles 119, 126, 1235 et 1376 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que, selon l'article 119 du code civil, dont l'application n'est pas expressément réservée aux tiers, les droits acquis sans fraude, sur le fondement de la présomption d'absence, ne sont pas remis en cause lorsque le décès de l'absent vient à être établi ou judiciairement déclaré, quelle que soit la date retenue pour le décès ;

Et attendu qu'ayant constaté qu'aucune fraude n'était démontrée par la CMSA, la cour d'appel en a exactement déduit que celle-ci ne pouvait invoquer une créance de restitution d'arrérages de pension indus pour s'opposer à la réclamation des héritiers de Camille Y... ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Caisse de mutualité sociale agricole Sèvres-Vienne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la Caisse de mutualité sociale agricole Sèvres-Vienne

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la CMSA Sèvres-Vienne à payer aux consorts Y... la somme principale de 95.026,77 euros ;

AUX MOTIFS QUE la personne présumée absente étant réputée vivante, la caisse de la MSA était tenue de conserver à M. Camille Y..., disparu le 20 mars 2003, le service de la pension de retraite dont il était titulaire durant toute la période de sa disparition ; que son corps ayant été retrouvé, le sort des arrérages perçus pendant la période de son absence présumée est régi par l'article 119 du code civil, interdisant de remettre en cause les droits acquis sans fraude sur le fondement de la présomption d'absence quelque soit la date retenue pour le décès ; que le bénéfice de ce texte, qui n'exprime aucune restriction ne peut être limité aux tiers (de bonne foi), comme le soutient la caisse, ajoutant en cela une condition à son application qu'il ne prévoit pas ; que la bonne foi étant toujours présumée, il appartient à la caisse, qui entend faire échec à la conservation des droits et obtenir la restitution des fonds, d'administrer la preuve de la fraude commise pour percevoir la pension ; qu'à ce titre, la caisse ne propose pas plus d'élément en appel que devant le premier juge ; que les enfants du disparu ne disposaient en réalité d'aucun élément tangible de nature à les convaincre du décès de leur père, et ils peuvent être d'autant moins suspectés de mauvaise foi qu'ils n'ont pas perçu les fonds litigieux, restés sur le compte appartenant à M. Camille Y... ; que la caisse de la MSA ne peut pas plus se prévaloir des règles de l'enrichissement sans cause pour obtenir la restitution des sommes versées, dès lors que l'enrichissement allégué trouve sa justification dans une disposition légale ; qu'enfin, la circonstance que les ayants droit aient autorisé le notaire liquidateur à restituer les fonds à la caisse de la MSA ne saurait valoir reconnaissance du bien fondé de sa réclamation, dès lors que le versement opéré n'a pas été spontané mais est intervenu à la suite de la réception par le notaire du courrier quasi-comminatoire que lui a adressé la caisse de la MSA le 15 février 2012 ; que la décision déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur la condamnation de la MSA au paiement de la somme de 95.026,77 euros, l'article 119 du code civil prévoit : les droits acquis sans fraude sur le fondement de la présomption d'absence ne sont pas remis en cause lorsque le décès de l'absent vient à être établi ou judiciairement déclaré, quelle que soit la date retenue pour le décès ; que la MSA fait valoir que le versement des pensions alimentaires répond à la nécessité de pourvoir aux besoins actuels de leur bénéficiaire ; qu'il est privé de cause dès lors que ce dernier, absent, n'est pas en mesure d'en percevoir réellement le montant ; que le groupe Agrica a indiqué par courrier du 27 septembre 2012, courrier qu'il a adressé à Mme Z... que les droits acquis sans fraude sur le fondement de la présomption d'absence ne sont pas remis en cause lorsque le décès de l'absent vient à être établi et ce quelle que soit la date retenue pour le décès ; qu'il ajoute que la bonne foi est un élément essentiel ; qu'il convient de dire que les sommes versées par la MSA à la M. Camille Y... était dues et ont vocation à figurer dans l'actif successoral ;


ALORS QU' une personne absente est présumée vivante ; que cette présomption simple cesse avec la certitude du décès ; que les effets cessent alors, le cas échéant rétroactivement, au jour du décès ; que le paiement des pensions de vieillesse à l'absent au cours de la période de présomption d'absence, qui avait pour seul fondement cette présomption de survie se trouve ainsi sans cause à compter du décès ; que seuls les tiers de bonne foi doivent être protégés de cette rétroactivité, par la consolidation de leurs droits acquis sans fraude pendant la période de présomption d'absence ; qu'en l'espèce, en consolidant néanmoins les droits de l'assuré décédé trois jours après sa disparition, en décidant que les pensions payées par l'organisme de sécurité sociale pendant la période de présomption d'absence, qui a duré huit ans, avaient vocation à figurer dans l'actif successoral, la cour d'appel a violé les articles 119, 126, 1235 et 1376 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Absence


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.