par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 13 septembre 2017, 16-12196
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Cour de cassation, chambre commerciale
13 septembre 2017, 16-12.196

Cette décision est visée dans la définition :
Preuve




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu les articles 42, 46, 145 et 493 du code de procédure civile ;

Attendu que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées, sans qu'une clause attributive de compétence territoriale puisse être opposée à la partie requérante ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par un protocole du 20 juin 2012, la société Appelton Miller capital (la société AMC) a cédé ses actions dans la société Agrodeal à la société X... ; que, le 22 novembre 2012, la société Agrodeal a été mise en liquidation judiciaire ; que, soupçonnant avoir été victime de détournements d'actifs opérés au profit du groupe X... et ayant dévalorisé sa participation et sa créance en compte courant, la société AMC a obtenu du président du tribunal de commerce de Nanterre, statuant sur requête, une ordonnance désignant un huissier de justice en vue de réaliser des mesures d'investigation dans les locaux de la société X... situés à Houlgate (Calvados) ; qu'estimant que le président saisi était territorialement incompétent, en application de la clause attributive de compétence insérée dans le protocole du 20 juin 2012, la société X... a assigné la société AMC en rétractation de l'ordonnance, puis relevé appel de l'ordonnance ayant rejeté son exception d'incompétence ; que M. et Mme X... et M. Y... sont intervenus volontairement à l'instance d'appel ;

Attendu que, pour rétracter l'ordonnance sur requête, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de la clause attributive de juridiction en cause et énoncé que ce type de clause est valable entre commerçants, en application de l'article 48 du code de procédure civile, constate que, dans sa requête, la société AMC expose que les mesures d'instruction sollicitées visent à révéler les détournements opérés par la société X... et ses dirigeants, qui sont à l'origine des difficultés de trésorerie de la société Agrodeal et l'ont conduite à céder sa participation dans ladite société et qui pourraient fonder une action pour dol et en responsabilité, afin d'obtenir la réparation de son préjudice ; qu'il en déduit que le protocole du 20 juin 2012 se trouve au coeur du litige, quelle que soit l'ancienneté des détournements dénoncés, de sorte qu'il est vain, pour la société AMC, de se référer aux dispositions de droit commun pour considérer que le siège social de la société Agrodeal doit fonder la compétence territoriale du président du tribunal de commerce de Nanterre, et qu'il ne peut être soutenu que la clause attributive de juridiction n'a pas vocation à s'appliquer, dès lors qu'il s'agit d'un litige auquel "donne lieu le contrat" et qui en est "la suite" ou "la conséquence", au sens de cette clause ;

Qu'en statuant ainsi, alors la clause attributive de compétence territoriale était inopposable à la société AMC, requérante, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs des pourvois principal et incident :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société X..., M. et Mme X... et M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Appelton Miller capital la somme globale de 3 000 euros et condamne la société Patrelle à payer à la société BTSG, en qualité de liquidateur de la société Agrodeal, la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Appelton Miller capital, demanderesse au pourvoi principal


Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé l'ordonnance rendue le 31 décembre 2014 par le tribunal de commerce de Versailles et D'AVOIR en conséquence rétracté l'ordonnance sur requête du 27 février 2014 prononcée par le président de cette même juridiction,

AUX MOTIFS QUE le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est le président du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum doivent être exécutées, même partiellement, ou celui de la juridiction susceptible de connaître de l'instance au fond (Civ. 2ème, 15 octobre 2015, n° 14-17.564) ; que les conditions posées par la 2ème chambre civile ont un caractère alternatif ; qu'au cas d'espèce, la mesure sollicitée ayant été exécutée à Houlgate dans le Calvados, ce critère ne peut fonder la compétente territoriale du président du tribunal de commerce de Nanterre qui a rendu l'ordonnance sur requête contestée ; que les appelants font valoir que le tribunal compétent pour connaître du litige au fond n'est pas le tribunal de commerce de Nanterre, que ce soit en application de la clause attributive de juridiction prévue à l'article 17 du protocole d'accord du 20 juin 2012 ou des règles ordinaires de compétence des articles 42 et 46 du code de procédure civile ; que le protocole d'accord signé le 20 juin 2012 entre la société X... et la société AMC stipule en son article 17 intitulé « Loi applicable et attribution de compétence », que « le présent contrat est régi par, et sera interprété conformément à la loi française. Les litiges auxquels pourrait donner lieu le contrat ou qui pourront en être la suite ou la conséquence seront soumis, dans la mesure permise par la loi, à la compétence exclusive des tribunaux du ressort de la cour d'appel de Paris » ; qu'entre sociétés commerciales et personnes ayant contracté en qualité de commerçant, toute clause qui déroge aux règles de compétence territoriale est valable selon les dispositions de l'article 48 du code de procédure civile ; que dans sa requête, la société AMC expose que les mesures d'instructions sollicitées visent à révéler les détournements opérés par la société X... SAS et ses dirigeants qui sont à l'origine des difficultés de trésorerie de la société Agrodeal et l'ont conduite à céder sa participation dans ladite société, et qui pourraient fonder une action pour dol et en responsabilité délictuelle et/ou contractuelle afin d'obtenir la réparation de son préjudice ; que la société AMC précise sur ce point que ces détournements ont eu pour effet de dévaloriser sa participation et sa créance en compte courant ; qu'il s'agit bien pour la société AMC de rechercher avant tout procès des éléments de preuve pour contester les conditions de sa sortie de la société Agrodeal et le prix de rachat de ses actions, dans un contexte de dol allégué, les raisons avancées par la société X... étant considérées comme purement mensongères ; que le protocole de cession signé le 20 juin 2012 se trouve donc au coeur du litige, quel que soit l'ancienneté des détournements dénoncés, puisque la société AMC estime avoir été lésée et même trompée lors de la cession de sa participation dans la société Agrodeal et qu'elle cherche principalement à obtenir des dommages et intérêts en considération de la valorisation de la société Agrodeal si celle-ci n'avait pas été victime de détournements de ses actifs ; qu'il est donc vain pour la société AMC de se référer aux dispositions de droit commun pour considérer que le siège social de la société à Neuilly sur Seine doit fonder la compétence territoriale du président du tribunal de commerce de Nanterre qui serait la juridiction éventuellement compétente pour connaître du fond du litige ; que dès lors que l'action éventuelle au fond repose indiscutablement sur le protocole de cession du 20 juin 2012, dont la signature serait le fruit de manoeuvres dolosives de la part de la société cocontractante et de ses dirigeants, lesquelles auraient abouti à léser financièrement la société AMC, il ne peut être soutenu que la clause attributive de juridiction n'a pas vocation à recevoir application, s'agissant d'un litige auquel « donne lieu le contrat », et qui en est « la suite » ou la « conséquence » ; que pour justifier de la compétence du tribunal de commerce de Nanterre, les intimés se prévalent des dispositions de l'article R. 662-3 du code de commerce, qui dispose que « le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8 » ; que les règles de la procédure collective sont inopérantes dans le cas d'espèce, car les détournements dénoncés, antérieurs à la liquidation judiciaire de la société Agrodeal, ne sont pas nés de la procédure collective qui n'a nullement vocation à exercer une influence juridique sur le litige qui oppose principalement les sanctions actionnaires de la société Agrodeal ; qu'en effet la contestation de la société AMC aurait pu existence indépendamment de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Agrodeal ; qu'ensuite, l'intervention volontaire du liquidateur judiciaire de la société Agrodeal devant le juge de la rétractation n'est pas plus susceptible de fonder a posteriori la compétence territoriale du juge antérieurement saisi sur requête, la compétence devant s'apprécier au jour où le juge, qui ordonne les mesures d'instruction in futurum, statue ; qu'en conséquence, le président du tribunal de commerce de Nantes n'était pas compétent pour ordonner les mesures sollicitées, dès lors qu'elles devaient être exécutées dans le département du Calvados et que la juridiction qu'il préside n'était pas compétente pour connaître de l'éventuelle instance au fond ; que l'ordonnance déférée par suite infirmée et l'ordonnance sur requête, prise par un juge incompétent, sera rétractée ;

1°) ALORS QUE le juge territorialement compétent pour connaître d'une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile peut être le président du tribunal de la juridiction susceptible de connaître de l'instance au fond ; que sauf clause contraire valable entre commerçants, la juridiction compétente en matière de responsabilité délictuelle est celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; qu'en l'espèce, il résultait du protocole de cession d'actions signé le 20 juin 2012 entre la société X... SAS et la société AMC que les « litiges auxquels pourrait donner lieu le contrat ou qui pourront en être la suite ou la conséquence seront soumis, dans la mesure permise par la loi, à la compétence exclusive des tribunaux du ressort de la cour d'appel de Paris » ; qu'une action en responsabilité fondée sur des faits antérieurs à la conclusion d'un tel contrat ne relève donc pas d'une telle clause relative aux litiges ayant trait à l'exécution de la convention ; qu'en affirmant qu'une action en responsabilité délictuelle pour dol résultant de détournements ayant conduit la société AMC à céder ses parts reposerait « indiscutablement sur le protocole de cession du 20 juin 2012 » et relèverait de la clause de compétence territoriale prévue par cet acte, lorsque l'instance au fond en responsabilité délictuelle fondée sur des agissements dolosifs commis antérieurement à la conclusion du contrat ne relève ni du « contrat », ni de sa « suite » ou de sa « conséquence » mais d'un fait délictuel antérieur à sa conclusion, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, par fausse application ;

2°) ALORS QUE (subsidiaire) le tribunal saisi d'une procédure de liquidation judiciaire connaît notamment de toute action en responsabilité exercée contre le dirigeant quand bien même les faits invoqués au soutien d'une telle action seraient antérieurs à l'ouverture de la liquidation ; qu'en affirmant que les détournements dénoncés, antérieurs à la liquidation judiciaire de la société Agrodeal, « sont pas nés de la procédure collective qui n'a nullement vocation à exercer une influence juridique sur le litige qui oppose principalement les anciens actionnaires de la société Agrodeal », pour en déduire que le tribunal saisi de la liquidation judiciaire ne serait pas compétent pour connaître d'une telle action en responsabilité civile, la cour d'appel a violé l'article R. 662-3 du code de commerce, ensemble l'article R. 651-1 du même code.
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour la société Bécheret-Thierry- Sénéchal-Gorrias, ès qualités, demanderesse au pourvoi incident


PREMIER MOYEN :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 31 décembre 2014 et rétracté l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Nanterre du 27 février 2014 ;

AUX MOTIFS QUE le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est le président du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum doivent être exécutées, même partiellement, ou celui de la juridiction susceptible de connaître de l'instance au fond (Civ.2ème, 15 octobre 2015, nº 14-17.564) ; les conditions ainsi posées par la 2ème chambre civile ont un caractère alternatif ; au cas d'espèce, la mesure sollicitée ayant été exécutée à Houlgate dans le Calvados, ce critère ne peut fonder la compétence territoriale du président du tribunal de commerce de Nanterre qui a rendu l'ordonnance sur requête contestée ; les appelants font valoir que le tribunal compétent pour connaître du litige au fond n'est pas le tribunal de commerce de Nanterre, que ce soit en application de la clause attributive de juridiction prévue à l'article 17 du protocole d'accord du 20 juin 2012 ou des règles ordinaires de compétence des articles 42 et 46 du code de procédure civile ; le protocole d'accord signé le 20 juin 2012 entre la société X... SAS et la société AMC stipule en son article 17 intitulé "Loi applicable et attribution de compétence", que "Le présent contrat est régi par, et sera interprété conformément à la loi française. Les litiges auxquels pourrait donner lieu le contrat ou qui pourront en être la suite ou la conséquence seront soumis, dans la mesure permise par la loi, à la compétence exclusive des tribunaux du ressort de la cour d'appel de Paris" ; entre sociétés commerciales et personnes ayant contracté en qualité de commerçant, toute clause qui déroge aux règles de compétence territoriale est valable selon les dispositions de l'article 48 du code de procédure civile ; dans sa requête, la société AMC expose que les mesures d'instruction sollicitées visent à révéler les détournements opérés par la société B SAS et ses dirigeants qui sont à l'origine des difficultés de trésorerie de la société Agrodeal et l'ont conduite à céder sa participation dans ladite société, et qui pourraient fonder une action pour dol et en responsabilité délictuelle et/ou contractuelle afin d'obtenir la réparation de son préjudice ; la société AMC précise sur ce point que ces détournements ont eu pour effet de dévaloriser sa participation et sa créance en compte courant ; il s'agit bien pour la société AMC de rechercher avant tout procès des éléments de preuve pour contester les conditions de sa sortie de la société Agrodeal et le prix de rachat de ses actions, dans un contexte de dol allégué, les raisons avancées par la société B étant considérées comme purement mensongères ; le protocole de cession signé le 20 juin 2012 se trouve donc au coeur du litige, quel que soit l'ancienneté des détournements dénoncés, puisque la société AMC estime avoir été lésée et même trompée lors de la cession de sa participation dans la société Agrodeal et qu'elle cherche principalement à obtenir des dommages et intérêts en considération de la valorisation de la société Agrodeal si celle-ci n'avait pas été victime de détournements de ses actifs ; il est donc vain pour la société AMC de se référer aux dispositions de droit commun pour considérer que le siège social de la société Agrodeal à Neuilly sur Seine doit fonder la compétence territoriale du président du tribunal de commerce de Nanterre qui serait la juridiction éventuellement compétente pour connaître du fond du litige ; dès lors que l'action éventuelle au fond repose indiscutablement sur le protocole de cession du 20 juin 2012, dont la signature serait le fruit de manoeuvres dolosives de la part de la société cocontractante et de ses dirigeants, lesquelles auraient abouti à léser financièrement la société AMC, il ne peut être soutenu que la clause attributive de juridiction n'a pas vocation à recevoir application, s'agissant d'un litige auquel "donne lieu le contrat", et qui en est "la suite" ou "la conséquence" ; pour justifier de la compétence du tribunal de commerce de Nanterre, les intimés se prévalent également des dispositions de l'article R.662-3 du code de commerce, qui dispose que "le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout de ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L 653-8" ; les règles de la procédure collective sont inopérantes dans le cas d'espèce, car les détournements dénoncés, antérieurs à la liquidation judiciaire de la société Agrodeal, ne sont pas nés de la procédure collective qui n'a nullement vocation à exercer une influence juridique sur le litige qui oppose principalement les anciens actionnaires de la société Agrodeal ; en effet, la contestation de la société AMC aurait pu exister indépendamment de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Agrodeal ; enfin, l'intervention volontaire du liquidateur judiciaire de la société Agrodeal devant le juge de la rétractation n'est pas plus susceptible de fonder a posteriori la compétence territoriale du juge antérieurement saisi sur requête, la compétence devant s'apprécier au jour où le juge, qui ordonne les mesures d'instruction in futurum, statue ; en conséquence, le président du tribunal de commerce de Nanterre n'était pas compétent pour ordonner les mesures sollicitées, dès lors qu'elles devaient être exécutées dans le département du Calvados et que la juridiction qu'il préside n'était pas compétente pour connaître de l'éventuelle instance au fond ; l'ordonnance déférée sera par suite infirmée et l'ordonnance sur requête, prise par un juge incompétent, sera rétractée (arrêt attaqué pp. 6-7-8) ;

ALORS, d'une part, QUE le juge territorialement compétent pour connaître d'une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile peut être le président du tribunal de la juridiction susceptible de connaître l'instance au fond ; que sauf clause contraire valable entre commerçants, la juridiction compétente en matière de responsabilité délictuelle est celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; qu'en l'espèce, il résultait du protocole de cession d'actions signé le 20 juin 2012 entre la société X... SAS et la société AMC que les "litiges auxquels pourrait donner lieu le contrat ou qui pourront en être la suite ou la conséquence seront soumis, dans la mesure permise par la loi, à la compétence exclusive des tribunaux du ressort de la cour d'appel de Paris" ; qu'une action en responsabilité fondée sur des faits antérieurs à la conclusion d'un tel contrat ne relève donc pas d'une telle clause relative aux litiges ayant trait à l'exécution de la convention ; qu'en affirmant qu'une action en responsabilité délictuelle pour dol résultant de détournements ayant conduit la société AMC à céder ses parts reposerait "indiscutablement sur le protocole de cession du 20 juin 2012" et relèverait de la clause de compétence territoriale prévue par cet acte, lorsque l'instance au fond en responsabilité délictuelle fondée sur des agissements dolosifs commis antérieurement à la conclusion du contrat ne relève ni du "contrat", ni de sa "suite" ou de sa "conséquence" mais d'un fait délictuel antérieur à sa conclusion, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

ALORS, d'autre part et subsidiairement, QUE le tribunal saisi d'une procédure de liquidation judiciaire connaît notamment de toute action en responsabilité exercée contre le dirigeant quand bien même les faits invoqués au soutien d'une telle action seraient antérieurs à l'ouverture de la liquidation ; qu'en affirmant que les détournements dénoncés, antérieurs à la liquidation judiciaire de la société Agrodeal, "ne sont pas nés de la procédure collective qui n'a nullement vocation à exercer une influence juridique sur le litige qui oppose principalement les anciens actionnaires et la société Agrodeal", pour en déduire que le tribunal saisi de la liquidation judiciaire ne serait pas compétent pour connaître d'une telle action en responsabilité civile, la cour d'appel a violé l'article R.662-3 du code de commerce, ensemble l'article R.651-1 du même code.


SECOND MOYEN :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 31 décembre 2014 et rétracté l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Nanterre du 27 février 2014 ;

AUX MOTIFS QUE le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est le président du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum doivent être exécutées, même partiellement, ou celui de la juridiction susceptible de connaître de l'instance au fond (Civ. 2ème, 15 octobre 2015, nº 14-17.564) ; les conditions ainsi posées par la 2ème chambre civile ont un caractère alternatif ; au cas d'espèce, la mesure sollicitée ayant été exécutée à Houlgate dans le Calvados, ce critère ne peut fonder la compétence territoriale du président du tribunal de commerce de Nanterre qui a rendu l'ordonnance sur requête contestée ; les appelants font valoir que le tribunal compétent pour connaître du litige au fond n'est pas le tribunal de commerce de Nanterre, que ce soit en application de la clause attributive de juridiction prévue à l'article 17 du protocole d'accord du 20 juin 2012 ou des règles ordinaires de compétence des articles 42 et 46 du code de procédure civile ; le protocole d'accord signé le 20 juin 2012 entre la société X... SAS et la société AMC stipule en son article 17 intitulé "Loi applicable et attribution de compétence", que "Le présent contrat est régi par, et sera interprété conformément à la loi française. Les litiges auxquels pourrait donner lieu le contrat ou qui pourront en être la suite ou la conséquence seront soumis, dans la mesure permise par la loi, à la compétence exclusive des tribunaux du ressort de la cour d'appel de Paris" ; entre sociétés commerciales et personnes ayant contracté en qualité de commerçant, toute clause qui déroge aux règles de compétence territoriale est valable selon les dispositions de l'article 48 du code de procédure civile ; dans sa requête, la société AMC expose que les mesures d'instruction sollicitées visent à révéler les détournements opérés par la société B SAS et ses dirigeants qui sont à l'origine des difficultés de trésorerie de la société Agrodeal et l'ont conduite à céder sa participation dans ladite société, et qui pourraient fonder une action pour dol et en responsabilité délictuelle et/ou contractuelle afin d'obtenir la réparation de son préjudice ; la société AMC précise sur ce point que ces détournements ont eu pour effet de dévaloriser sa participation et sa créance en compte courant ; il s'agit bien pour la société AMC de rechercher avant tout procès des éléments de preuve pour contester les conditions de sa sortie de la société Agrodeal et le prix de rachat de ses actions, dans un contexte de dol allégué, les raisons avancées par la société B étant considérées comme purement mensongères ; le protocole de cession signé le 20 juin 2012 se trouve donc au coeur du litige, quel que soit l'ancienneté des détournements dénoncés, puisque la société AMC estime avoir été lésée et même trompée lors de la cession de sa participation dans la société Agrodeal et qu'elle cherche principalement à obtenir des dommages et intérêts en considération de la valorisation de la société Agrodeal si celle-ci n'avait pas été victime de détournements de ses actifs ; il est donc vain pour la société AMC de se référer aux dispositions de droit commun pour considérer que le siège social de la société Agrodeal à Neuilly sur Seine doit fonder la compétence territoriale du président du tribunal de commerce de Nanterre qui serait la juridiction éventuellement compétente pour connaître du fond du litige ; dès lors que l'action éventuelle au fond repose indiscutablement sur le protocole de cession du 20 juin 2012, dont la signature serait le fruit de manoeuvres dolosives de la part de la société cocontractante et de ses dirigeants, lesquelles auraient abouti à léser financièrement la société AMC, il ne peut être soutenu que la clause attributive de juridiction n'a pas vocation à recevoir application, s'agissant d'un litige auquel "donne lieu le contrat", et qui en est "la suite" ou "la conséquence" ; pour justifier de la compétence du tribunal de commerce de Nanterre, les intimés se prévalent également des dispositions de l'article R.662-3 du code de commerce, qui dispose que "le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout de ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L 653-8" ; les règles de la procédure collective sont inopérantes dans le cas d'espèce, car les détournements dénoncés, antérieurs à la liquidation judiciaire de la société Agrodeal, ne sont pas nés de la procédure collective qui n'a nullement vocation à exercer une influence juridique sur le litige qui oppose principalement les anciens actionnaires de la société Agrodeal ; en effet, la contestation de la société AMC aurait pu exister indépendamment de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Agrodeal ; enfin, l'intervention volontaire du liquidateur judiciaire de la société Agrodeal devant le juge de la rétractation n'est pas plus susceptible de fonder a posteriori la compétence territoriale du juge antérieurement saisi sur requête, la compétence devant s'apprécier au jour où le juge, qui ordonne les mesures d'instruction in futurum, statue ; en conséquence, le président du tribunal de commerce de Nanterre n'était pas compétent pour ordonner les mesures sollicitées, dès lors qu'elles devaient être exécutées dans le département du Calvados et que la juridiction qu'il préside n'était pas compétente pour connaître de l'éventuelle instance au fond ; l'ordonnance déférée sera par suite infirmée et l'ordonnance sur requête, prise par un juge incompétent, sera rétractée (arrêt attaqué pp. 6-7-8) ;


ALORS QUE le juge territorialement compétent pour connaître d'une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile peut être le président du tribunal de la juridiction susceptible de connaître l'instance au fond ; que sauf clause contraire valable entre commerçants, la juridiction compétente en matière de responsabilité délictuelle est celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; qu'il résulte du protocole de cession d'actions signé le 20 juin 2012 entre la société X... SAS et la société AMC que les "litiges auxquels pourrait donner lieu le contrat ou qui pourront en être la suite ou la conséquence seront soumis, dans la mesure permise par la loi, à la compétence exclusive des tribunaux du ressort de la cour d'appel de Paris" ; qu'en affirmant qu'une action en responsabilité délictuelle pour dol résultant de détournements ayant conduit la société AMC à céder ses parts reposait "indiscutablement sur le protocole de cession du 20 juin 2012" et relevait de la clause de compétence territoriale prévue par cet acte quand l'action fondée sur le dol étant délictuelle et pouvant ne tendre qu'à l'octroi de dommages et intérêts, sans remise en cause de la validité du contrat, la clause attributive de juridiction contenue dans cette convention était sans influence sur la détermination de la juridiction territorialement compétente, détermination qui dépend de la seule application des règles de compétence en matière délictuelle qui permettent de saisir la juridiction du lieu où le dommage a été subi, c'est à dire celle du siège de la personne morale requérante situé à Neuilly-sur-Seine, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 46 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Preuve


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.