par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 6 décembre 2017, 16-23991
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Cour de cassation, chambre commerciale
6 décembre 2017, 16-23.991

Cette décision est visée dans la définition :
Mandat




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2016), que la société Aboutbatteries a confié le 14 janvier 2010 à la société Iris finance un mandat de gestion portant sur une certaine somme ; que, selon le mandat, l'objectif assigné à la gestion était "d'obtenir la valorisation du capital confié sans prendre de risque", selon une gestion prudente et en vue de l'obtention d'une performance régulière, l'offre de gestion préconisant un "profil prudent investi à 100 % en obligations convertibles de bonne qualité" ; que, courant 2010, la société Iris finance a investi pour le compte de la société Aboutbatteries certains montants dans des obligations émises par l'Etat grec ; que, le 4 octobre 2012, la société Aboutbatteries a résilié le mandat ; qu'après avoir cédé les titres litigieux et constaté une moins-value qu'elle estimait avoir été fautivement causée par la société Iris finance, la société Aboutbatteries l'a assignée en réparation de son préjudice ;

Attendu que la société Iris finance fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes à la société Aboutbatteries alors, selon le moyen :

1°/ qu'une perte financière ne constitue pas un préjudice dès lors qu'elle a pour contrepartie un avantage financier venu la compenser ; qu'en considérant que la société Aboutbatteries avait subi une perte en capital et une perte de rendement du fait de la moins-value réalisée lors de la cession des obligations grecques faisant partie du portefeuille géré par la société Iris finance, sans tenir compte des résultats de la gestion de l'ensemble de ce portefeuille, au motif inopérant que la reconstitution a posteriori des valeurs de ce portefeuille aurait été purement hypothétique, quand une telle évaluation était seule à même de déterminer si les plus-values réalisées sur certaines lignes du portefeuille géré n'avaient pas compensé les moins-values résultant de la dépréciation des obligations grecques et, dès lors, si la société Aboutbatteries avait subi un réel préjudice financier, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que le préjudice financier subi par un investisseur du fait des éventuelles fautes de gestion commises par une société de gestion de portefeuille doit être apprécié en considération de la globalité de ce portefeuille qui constitue une universalité et doit être traité comme un tout indivisible, et non au regard de chacune des lignes souscrites ; qu'en considérant que la société Aboutbatteries avait subi des pertes financières du fait de la dépréciation des obligations grecques souscrites, sans prendre en compte les résultats de la gestion de l'ensemble du portefeuille géré par la société Iris finance, au motif inopérant que la reconstitution a posteriori des valeurs de ce portefeuille aurait été purement hypothétique, quand une telle évaluation de la performance globale de cette universalité indivisible permettait seule de déterminer si la société Aboutbatteries avait subi un préjudice financier, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, les conséquences préjudiciables de la mauvaise exécution d'un mandat doivent être appréciées à son terme contractuel ; qu'en considérant que la société Aboutbatteries avait subi des pertes financières du fait de la dépréciation des obligations grecques souscrites par la société Iris finance sans prendre en considération la valeur que ces titres auraient eu le 25 juin 2014, à l'issue d'une période normale de gestion, la cour d'appel a derechef violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que le préjudice causé par le non-respect d'un mandat de gestion est constitué par les pertes financières nées des investissements faits en dépassement du mandat, indépendamment de la valorisation éventuelle des autres fonds investis et de l'évolution globale du reste du portefeuille géré conformément au mandat ; qu'après avoir retenu que certains des titres choisis par la société Iris finance ne répondaient pas aux orientations du mandat de gestion prudente, à l'absence de tout risque expressément stipulé par la société Aboutbatteries et à la catégorie des obligations de bonne qualité définies par l'une des agences mentionnées dans l'offre de gestion, ce dont elle a déduit que la société Iris finance n'avait pas respecté son mandat, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par la troisième branche, a, à bon droit, décidé que le préjudice causé par la faute ainsi caractérisée était constitué par la perte financière constatée lors de la cession des titres litigieux et par celle de tout rendement de ces investissements ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Iris finance aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Aboutbatteries la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Iris finance


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait dit que la société Iris Finance n'avait pas respecté le type de gestion prudent stipulé au mandat qui lui a été confié par la société Aboutbatteries, en ce qu'il avait dit que la clause exonératoire de responsabilité de la société Iris Finance était inapplicable en l'espèce et en ce qu'il avait condamné la société Iris Finance, au titre de la perte de rendement, à payer la somme de 26.541,37 euros à la société Aboutbatteries avec anatocisme à compter du 17 juin 2013, sauf à préciser que les intérêts au taux légal seraient dus sur cette somme à compter du 17 juin 2013 et que ces intérêts seraient capitalisés en application de l'article 1154 du code civil, d'AVOIR condamné la société Iris Finance, au titre de la perte de capital, à payer à la société Aboutbatteries la somme de 615.438,29 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2013 et d'AVOIR dit que ces intérêts seraient capitalisés en application de l'article 1154 du code civil ;

AUX MOTIFS QUE la société Iris Finance n'a pas respecté son mandat ; qu'elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, s'agissant du préjudice, la société Iris Finance soutient qu'il doit être apprécié sur la globalité du portefeuille et que la société Aboutbatteries n'a subi aucune perte en capital ; qu'elle communique une « évaluation du portefeuille de la société ABOUTBATTERIES au 25 juin 2014 en l'état de la gestion de la société IRIS FINANCE », qui est une reconstitution a posteriori des valeurs du portefeuille dans l'hypothèse où elle aurait continué la gestion et qui est donc purement hypothétique et inopérante, dès lors que le mandat a été résilié le 4 octobre 2012 et que la société Aboutbatteries a cédé en 2012 et 2013 la plupart des obligations grecques ; que la société Aboutbatteries est en droit de réclamer la réparation de l'entier préjudice subi du fait de la faute de la société Iris Finance ; qu'elle est fondée à se prévaloir de la perte financière résultant de la cession des titres ; qu'il ressort de l'attestation de l'expert-comptable de la société Aboutbatteries en date du 21 janvier 2014, qui n'est pas sérieusement critiquée par la société Iris Finance, que les acquisitions des obligations grecques ont été faites les 29 janvier, 1er février et 8 avril 2010 pour un montant total de 884.712,19 euros et que les cessions des 12 septembre, 13 novembre, 12 mars et 17 juin 2013 ont permis de créditer le compte de la société Aboutbatteries d'un montant de 268.986,40 euros, soit une perte en capital de 615.725,79 euros ; que la société Aboutbatteries justifie que le solde résiduel des obligations grecques a été cédé le 29 février 2016 au prix de 287,50 euros ; que cette somme de 287,50 euros doit être déduite de celle de 615.725,79 euros ; que le préjudice de la société Aboutbatteries au titre de la perte en capital doit être fixé à la somme de 615.438,29 euros ; que la société Aboutbatteries a également subi un préjudice certain résultant de la perte de tout rendement suite à l'investissement dans les opérations grecques ; que l'estimation faite par la société Aboutbatteries correspondant à 1 % des sommes investies pendant les trois années de gestion de la société Iris Finance n'apparaît pas exagérée au regard des rendements obtenus au cours de ces trois années pour des obligations ; qu'il convient donc de faire droit à sa demande en paiement de la somme de 26.541,37 euros à ce titre ; que la société Iris Finance n'a opposé aucun moyen de contestation concernant la décision du tribunal relative à l'anatocisme à compter du 17 juin 2013 ; que la société Aboutbatteries sollicite la confirmation du jugement de ce chef ; qu'il convient toutefois de dire que les intérêts au taux légal seront dus sur les sommes allouées au titre des préjudices de la société Aboutbatteries à compter du 17 juin 2013 et que ces intérêts seront capitalisés en application de l'article 1154 du code civil ;

1°) ALORS QU'une perte financière ne constitue pas un préjudice dès lors qu'elle a pour contrepartie un avantage financier venu la compenser ; qu'en considérant que la société Aboutbatteries avait subi une perte en capital et une perte de rendement du fait de la moins-value réalisée lors de la cession des obligations grecques faisant partie du portefeuille géré par la société Iris Finance, sans tenir compte des résultats de la gestion de l'ensemble ce portefeuille, au motif inopérant que la reconstitution a posteriori des valeurs de ce portefeuille aurait été purement hypothétique, quand une telle évaluation était seule à même de déterminer si les plus-values réalisées sur certaines lignes du portefeuille géré n'avaient pas compensé les moins-values résultant de la dépréciation des obligations grecques et, dès lors, si la société Aboutbatteries avait subi un réel préjudice financier, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°) ALORS QUE le préjudice financier subi par un investisseur du fait des éventuelles fautes de gestion commises par une société de gestion de portefeuille doit être apprécié en considération de la globalité de ce portefeuille qui constitue une universalité et doit être traité comme un tout indivisible, et non au regard de chacune des lignes souscrites ; qu'en considérant que la société Aboutbatteries avait subi des pertes financières du fait de la dépréciation des obligations grecques souscrites, sans prendre en compte les résultats de la gestion de l'ensemble du portefeuille géré par la société Iris Finance, au motif inopérant que la reconstitution a posteriori des valeurs de ce portefeuille aurait été purement hypothétique, quand une telle évaluation de la performance globale de cette universalité indivisible permettait seule de déterminer si la société Aboutbatteries avait subi un préjudice financier, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;


3°) ALORS QU'en toute hypothèse, les conséquences préjudiciables de la mauvaise exécution d'un mandat doivent être appréciées à son terme contractuel ; qu'en considérant que la société Aboutbatteries avait subi des pertes financières du fait de la dépréciation des obligations grecques souscrites par la société Iris Finance sans prendre en considération la valeur que ces titres auraient eu le 25 juin 2014, à l'issue d'une période normale de gestion, la cour d'appel a derechef violé l'article 1147 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Mandat


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.