par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 22 octobre 2008, 07-10352
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, chambre sociale
22 octobre 2008, 07-10.352
Cette décision est visée dans la définition :
Civilement responsable
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 décembre 2006), que Mme X... a été engagée au sein de la société d'avocats Dessenne et fils, à compter du 16 décembre 1994, en qualité d'assistante juridique ; que le 19 décembre 1997, elle a prêté serment d'avocat au barreau de Valenciennes ; qu'elle a continué à travailler au sein de la société en qualité d'avocat salarié, sans qu'un contrat ne soit signé entre les parties ; que le 15 juin 2004, elle a remis sa démission en main propre à l'employeur et, le 9 juillet 2004, lui a envoyé une lettre recommandée avec avis de réception, reçue le 12 juillet 2004, l'informant de ce qu'elle prenait acte de la rupture du contrat de travail, ce qui l'autorisait à cesser immédiatement son activité au sein du cabinet, soit le 31 juillet 2004 ; que, par lettre recommandée du 17 juillet 2004, l'employeur lui a rappelé son obligation de respecter son préavis de trois mois, qui devait prendre fin le 12 octobre 2004 ; que la salariée a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats d'une demande en paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à Mme X... une somme au titre des rappels de salaire et congés payés afférents, alors, selon le moyen :
1°/ que les jugements doivent être motivés ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motif ; que la cour d'appel a relevé que, s'agissant des rappels de salaires, les parties acceptaient la décision entreprise qui avait fixé à la somme de 4 914,10 euros brut le rappel de salaires dû à Mme X..., et à la somme de 491,41 euros brut les congés payés assis sur ce rappel de salaires, sauf à la critiquer au sujet de l'année 2002, pour laquelle l'employeur estimait être créancier d'une somme de 1 001 euros, de l'année 2004, pour laquelle la salariée estimait être créancière d'une somme de 967,10 euros, et au sujet d'une indemnité de congés payés que la salariée estimait à la somme de 1 033,91 euros ; que la cour d'appel a estimé que ces seules critiques de la décision entreprise étaient mal fondées ; qu'en infirmant néanmoins cette décision et en condamnant la société R. Dessenne et fils à lui verser une somme de 9 342 euros au titre des rappels de salaire, outre les indemnités représentatives de congés payés assises sur ce rappel, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ subsidiairement, qu'en affirmant péremptoirement qu'au total le montant des sommes que Mme X... devait percevoir, au titre des rappels de salaire, s'élevait à 9 372 euros sans corroborer cette affirmation par la moindre analyse des éléments de la cause, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a motivé sa décision, a constaté, à bon droit, que les parties acceptaient la décision de première instance concernant le rappel de salaires avant déduction des diverses cotisations pour les années 2000, 2001 et 2003, mais qu'elle n'a pas relevé, contrairement à ce que soutient le moyen, que le bâtonnier avait fixé à la somme de 4 914, 10 euros le rappel de salaire dû ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'employeur reproche à l'arrêt d'avoir dit recevable la demande de Mme X... en paiement d'une somme au titre des missions d'intérêts public et de l'avoir condamné à payer cette somme, alors, selon le moyen, que la demande de Mme X... tendant au paiement d'une somme de 19 766,97 euros au titre des missions d'intérêt public qu'elle avait accomplies, formulée pour la première fois en cause d'appel, était donc irrecevable pour n'avoir pas été précisée dans l'acte de saisine du bâtonnier ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 142 du décret du 27 novembre 1991 ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 que la procédure opposant un avocat employeur à un avocat salarié est régie par les règles relatives à la procédure prud'homale et notamment l'article R. 516-2 du code du travail, devenu R. 1452-7, selon lequel toute demande nouvelle est recevable, même en cause d'appel ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à Mme X... une somme au titre des missions d'intérêt public qu'elle avait accomplies, alors, selon le moyen, que la société R. Dessenne et fils faisait valoir qu'aux termes de sa requête soumise au bâtonnier de l'ordre des avocats de Valenciennes, Mme X... avait reconnu avoir accepté le non-cumul de sa rémunération et des sommes versées à son employeur au titre des missions d'intérêt public qu'elle avait accomplies ; qu'en retenant qu'il n'y avait pas eu d'accord exprès des parties sur ce point sans s'interroger sur la portée de cet aveu, fait en justice, d'un tel accord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14-3 du règlement intérieur de l'ordre des avocats de Valenciennes, ensemble l'article 1356 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant constaté qu'aucun contrat de travail écrit n'avait été rédigé, en violation de la réglementation applicable à la profession d'avocat, en a déduit, à bon droit, que l'ensemble des rémunérations versées au titre des missions d'intérêt public devait être reversé à Mme X..., en application de l'article 14-3 du règlement intérieur de l'ordre des avocats ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que l'employeur reproche à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande de déduction de cotisations payées par lui pour le compte de sa salariée, alors, selon le moyen :
1°/ que l'avocat employeur est tenu, pour le compte de l'avocat salarié, au paiement des cotisations dues, par cet avocat, pour le fonctionnement de l'ordre et celui du conseil national des barreaux ; que ces cotisations sont dues par l'avocat salarié, l'avocat employeur n'étant tenu que de les payer pour le compte de l'avocat salarié ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 138 du décret du 27 novembre 1991 ;
2°/ qu'en affirmant que la prise en charge par l'employeur pendant sept ans des cotisations ordinales de sa salariée constituait un avantage qui lui avait été accordé et devait rester acquis à la salariée, sans préciser le fondement légal d'une telle décision, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 138 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'avocat employeur est civilement responsable des actes professionnels accomplis pour son compte par son ou ses salariés ; qu'il est tenu, pour le compte de l'avocat salarié, au paiement des cotisations dues par cet avocat pour le fonctionnement de l'ordre et celui du conseil national des barreaux ;
Et attendu que la cour d'appel a relevé, à bon droit, que l'avocat salarié ne disposant pas de clientèle, il engage la responsabilité de son employeur à qui il incombe seul d'assurer le paiement des cotisations ordinales ainsi que des cotisations d'assurances obligatoires ; que par ce seul motif, elle a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que l'employeur fait enfin grief à l'arrêt d'avoir dit que la rupture du contrat de travail de Mme X... lui était imputable et produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que Mme X... avait démissionné par une lettre du 14 juin 2004 n'énonçant aucun grief à l'encontre de son employeur, mais exposant uniquement les raisons pour lesquelles elle refusait de passer du statut de salarié à celui de collaborateur, modification qui avait été suggérée par son employeur ; qu'en estimant le contraire pour décider ensuite qu'il convenait de statuer sur le bien-fondé d'une prise d'acte de la rupture d'un contrat de travail, la cour d'appel a dénaturé cet écrit clair et précis et violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que Mme X... ayant démissionné par une lettre du 14 juin 2004, les termes d'une lettre postérieure étaient inopérants pour apprécier sa volonté de démissionner à la date de la rupture du contrat de travail ; qu'en décidant qu'il convenait de statuer sur le bien-fondé d'une prise d'acte de la rupture d'un contrat de travail, au motif inopérant que la lettre de Mme X... du 9 juillet 2004 précisait les termes de la lettre du 14 juin 2004 et énonçait que la première lettre devait s'interpréter en une prise d'acte de rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L.122-14-4 du code du travail ;
3°/ qu'en ne recherchant pas si Mme X... n'avait pas en réalité démissionné le 14 juin 2004 parce qu'elle savait devoir entrer au service d'un autre cabinet dès le 1er septembre 2004, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.122-14-4 du code du travail ;
4°/ qu'en tout état de cause, que lorsque le salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte de la rupture du contrat de travail et produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en se contentant de relever que les faits reprochés à la société R. Dessenne et fils étaient établis sans expliquer en quoi ils auraient été suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision au regard de l'article L.122-14-4 du code du travail ;
Mais attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission, qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission ;
Et attendu que la cour d'appel a relevé que, par lettre du 13 octobre 2003 adressée au bâtonnier de l'ordre des avocats, Mme X... contestait ses conditions de rémunération, que ce grief était repris dans la lettre de démission du 14 juin 2004 et que la lettre du 9 juillet 2004, ne faisait que préciser les termes de celle du 14 juin 2004 et énonçait qu'elle devait s'interpréter en une prise d'acte ; qu'en l'état de ces constatations, elle en a déduit que la démission s'analysait en une prise d'acte et a décidé qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société R. Dessenne et fils aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille huit.
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.