par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 20 mai 2009, 08-14761
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
20 mai 2009, 08-14.761

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Don, donation
Libéralité




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu que, par acte du 8 août 1996, Mme X... épouse de M. Y..., a fait donation entre vifs à Mme Florence Z..., sa fille, d'un terrain sis à Nice sur lequel la donataire a fait construire un immeuble comprenant deux appartements ; qu'en février 2001, les parents de la donataire se sont installés dans l'un des appartements ; que, par acte du 20 octobre 2003, Mme Z... les a fait assigner aux fins d'ordonner leur expulsion ; que M. et Mme Y... ont formé, par conclusions du 11 janvier 2006, une demande reconventionnelle tendant à la révocation de la donation pour ingratitude ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à l'expulsion de M. et Mme Y... des locaux dont elle était propriétaire ;

Attendu que sous couvert de griefs non fondés de violation des articles 1875 et 1888 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui, après avoir relevé qu'il existait entre les parties des liens de parentés et d'affection d'où il résultait une impossibilité morale pour M. et Mme Y... de demander à leur fille un écrit constatant le prêt à usage, a estimé, d'une part, que son existence était établie par divers témoignages, attestation et déclarations, d'autre part, que le terme du prêt à usage avait été fixé au décès des emprunteurs ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 957 du code civil ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, la demande en révocation pour cause d'ingratitude doit être formée dans l'année à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur ;

Attendu que pour débouter Mme Z... de sa demande tendant à déclarer irrecevable, comme étant tardive, l'action en révocation de la donation entre vifs qui lui avait été consentie par Mme Y..., l'arrêt retient que, si aux termes de ce texte, la demande en révocation pour cause d'ingratitude doit être formée dans l'année à compter du jour du délit imputé par le donateur ou du jour où le délit aura pu être connu par le donateur, le point de départ de ce délai est nécessairement repoussé s'agissant d'un fait d'ingratitude qui s'est prolongé dans le temps ou de plusieurs faits d'ingratitude, au moment où le fait imputé au donateur, ou le dernier des faits constitutifs d'ingratitude, a cessé ; qu'en l'espèce, il est principalement reproché à Mme Z... d'avoir engagé puis maintenu son action en justice en expulsion de ses parents et que ces faits n'ayant pas cessé, l'action de Mme Y... n'est pas entachée de tardiveté et doit être déclarée recevable ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action aux fins d'expulsion intentée par Mme Z... avait un caractère instantané, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme Z... de sa demande tendant à déclarer irrecevable l'action en révocation de la donation entre vifs qui lui avait été consentie par sa mère, l'arrêt rendu le 15 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les deux demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour Mme Florence Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Z... de sa demande tendant à l'expulsion de Monsieur et Madame Y... des locaux dont elle est propriétaire,

Aux motifs propres ou adoptés des premiers juges que Madame Z... était la fille des époux Y..., qu'il en résultait que ceux-ci étaient dans l'impossibilité morale de lui demander un écrit, que dans un constat d'huissier dressé à sa demande, Madame Z... avait exposé qu'à la suite de la donation du terrain qu'ils leur avaient faite, elle avait souhaité construire une villa et qu'en remerciement, elle avait fait en sorte que la construction dispose de deux entrées et de deux appartements distincts, les parents habitant l'un d'entre eux, que ceci était également attesté que Monsieur A..., que Madame Z... avait déclaré également à Madame B... : « je préfère avoir mes parents de leur vivant auprès de moi pour pouvoir en profiter plutôt que d'avoir à les pleurer quand ils seront morts », que les parents s'étaient ainsi installés dans l'appartement avec l'autorisation préalable de leur fille, en remerciement de la donation du terrain et conformément à un souhait partagé de procéder à un rapprochement familial et que, compte tenu de ce contexte, les époux Y... occupaient l'appartement en vertu d'un prêt à usage dont le terme avait été fixé à leur décès,

Alors que le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge pour le preneur de la rendre après s'en être servi et que le prêteur ne peut la retirer qu'après le terme convenu, que les motifs du jugement et de l'arrêt qui le confirme ne constatent nullement que Madame Z... se serait engagée à livrer l'appartement à Monsieur et Madame Y... sans possibilité de le retirer avant leur décès et qu'en statuant ainsi la cour d'appel a donc violé les articles 1875 et 1888 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché â l'arrét attaqué d'avoir prononcé la révocation de la donation entre vifs faite par Madame Y... â Madame Z...,

Aux motifs qu'aux termes de l'article 957 du code civil, la demande en révocation pour cause d'ingratitude doit être formée dans l'année â compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour où le délit aura pu être connu par le donateur, mais que ce délai est nécessairement repoussé, s'agissant d'un fait d'ingratitude qui s'est prolongé dans le temps ou de plusieurs faits d'ingratitude, au moment où le fait imputé au donateur ou le dernier des faits constitutifs d'ingratitude a cessé, qu'en l'espèce il était principalement reproché â Madame Z... d'avoir engagé puis maintenu l'action en justice en expulsion de ses parents, que ces faits n'ayant pas cessé, l'action de Madame Y... n'était pas entachée de tardiveté,

Alors que la cour d'appel a considéré par ailleurs que c'est l'action engagée par Madame Z... aux fins d'expulsion de ses parents qui revêtait un caractère d'ingratitude, que le point de départ du délai prévu par l'article 957 du code civil se situait â la date de cette action et que la cour d'appel a donc violé ce texte,

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché â l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la révocation de la donation entre vifs faite par Madame Y... à Madame Z...,

Aux motifs propres que l'action engagée par cette dernière aux fins d'obtenir l'expulsion de ses parents de l'appartement qu'ils occupaient avec son autorisation revêtait un caractère d'ingratitude en ce qu'elle révélait une volonté de nuire â la donatrice comme d'ailleurs son refus de restituer le véhicule jusqu'à ce qu'elle soit condamné â cette restitution, et aux motifs adoptés des premiers juges que l'action en expulsion procédait d'une attitude offensante et injurieuse de la donataire envers sa bienfaitrice,

Alors qu'en violation de l'article 957 du code civil qui énumère limitativement les cas de révocation pour ingratitude, la cour d'appel n'a pas constaté que ces faits constituaient des injures graves comme l'exige ce texte.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Don, donation
Libéralité


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