par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 9 juillet 2009, 08-12720
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 1ère chambre civile
9 juillet 2009, 08-12.720

Cette décision est visée dans la définition :
Intérêt




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu que le 3 juin 2004 M. X... a adressé sur un forum de discussion accessible par internet un message en réponse à celui d'un usager, ainsi rédigé : "j'irai plus loin qu'Ophélie, il faut vraiment supprimer Raël, cette organisation qui veut à tout prix nous rendre idiots (à 250.000 dollars pièce...)" ; que M. Y..., soutenant que les propos poursuivis étaient constitutifs du délit de provocation publique, non suivie d'effet, à la commission d'un crime, en l'espèce d'une atteinte volontaire à la vie, prévu et réprimé par les dispositions de l'article 24, alinéa 1er-1°, de la loi du 29 juillet 1881, l'a assigné en réparation de son préjudice moral ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt (Paris 12 décembre 2007) d'avoir déclaré M. Y... irrecevable en ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ qu'en retenant pour dénier tout intérêt à agir de M. Y... que le propos poursuivi ne visait pas Raël mais l'organisation qu'il dirige, la cour d'appel qui a opéré une confusion entre deux membres de phrases distincts, a violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble l'article 24 alinéa 1er § 1 de la loi du 29 juillet 1881 ;

2°/ que la cour d'appel qui a expressément constaté que l'écrit incriminé visait expressément, en incitant à sa suppression, l'organisation dont Raêl était le dirigeant, aurait dû nécessairement en déduire l'intérêt à agir de celui-ci et en décidant le contraire, elle a derechef violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble l'article 24, alinéa 1er § 1 de la loi du 29 juillet 1881 ;

3°/ qu'en déniant à M. Y... le droit de poursuivre les propos provocateurs tenus à l'encontre du mouvement raëlien qu'il a fondé et qu'il dirige, motif pris de ce que ces propos ne le visaient pas personnellement, la cour d‘appel qui s'est déterminée en considération religieuse de ce mouvement a privé M. Y... de son droit à un procès équitable et violé les articles 6.1 et 9.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu' ayant constaté que M. Y... n'était pas visé par les propos litigieux, les juges du fond ont pu en déduire que celui-ci n'avait pas intérêt à agir en réparation d'un préjudice personnel ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le premier président en son audience publique du neuf juillet deux mille neuf.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour M. Y...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré Monsieur Claude Y... irrecevable en ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'après avoir relevé que le message exact diffusé le 3 juin 2004 à 8 h 21 par Roger X... sur une page Internet Google Groups au sujet des « dommages et intérêts refusés à Raël face à Ophélie Z... — Agence France Presse — 2 juin 2004 — 14 h 35, et intitulé « Re : Raêl ridicule » », tel qu'il ressort du constat d'huissier du 10 août 2004, est : « J'irai plus loin qu 'Ophélie : il vaut vraiment supprimer Raël, cette organisation qui veut à tout prix nous rendre idiots (à 250.000 dollàrs pièce...) », le Tribunal a justement retenu qu'il ne pouvait aucunement s'appliquer à la personne du demandeur ; qu'en effet, le propos poursuivi, tronqué par l'auteur de l'assignation, vise en réalité explicitement la suppression du mouvement raëlien, autrement dénommé Raël du nom pris par son fondateur, la construction de la phrase ne permettant aucune confusion entre l'organisation et son responsable en dépit de l'identité de dénomination ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement ayant déclaré Claude Y... irrecevable en ses demandes, faute d'intérêt à agir, dès lors qu'il n'était pas personnellement visé par les propos incriminés ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le Tribunal relève tant des pièces produites aux débats que du constat d'huissier du 10 août 2004, que les propos exacts tenus par Roger X... sont les suivants : « J'irai plus loin qu 'Ophélie : il vaut vraiment supprimer Raêl, cette organisation qui veut à tout prix nous rendre idiots (à 250.000 dollars pièce...) » ; que de tels propos, pris dans leur intégralité, ne peuvent aucunement s'appliquer à la personne du demandeur, au motif : - d'une part, que si le défendeur avait préconisé la suppression physique de Claude Y..., reprenant ainsi à son compte les paroles d'Ophélie Z... : « Je pense qu 'il faut tuer Raël », il n'aurait pas déclaré « J'irai plus loin qu 'Ophélie », une telle formulation étant dénuée de sens et incompatible avec le fait d'adopter exactement la même position que celle prônée par cette dernière ; - d'autre part, que la phrase poursuivie vise explicitement la suppression de « cette organisation qui veut à tout prix nous rendre idiots... », aucune confusion ne pouvant dès lors s'opérer entre l'organisation dirigée par le demandeur et sa propre personne, et ce même si le défendeur utilise la dénomination de « Raël » ; qu'il ressort clairement des propos litigieux que Roger X..., voulant aller « plus loin » qu'Ophélie Z..., qui déclarait qu'il fallait « tuer » le demandeur, préconisait, pour sa part, de « supprimer » son organisation, exclusivement visée dans la phrase en cause ; qu'il en résulte que Claude Y..., n'étant pas personnellement visé par les propos qu'il poursuit, doit être déclaré irrecevable en ses demandes, faute d'intérêt à agir, par application des dispositions des articles 122 et 125 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

1°/ ALORS QUE le propos poursuivi était construit en deux parties bien distinctes, la première concernant Raël lui-même, la seconde se rapportant à l'organisation dirigée par Raël ; qu'en retenant dès lors, pour dénier tout intérêt à agir de Monsieur Y..., que le propos poursuivi ne visait pas Raël mais l'organisation qu'il dirige, la Cour d'Appel, qui a opéré une confusion entre deux membres de phrase distincts, a violé l'article 31 du Code de Procédure Civile, ensemble l'article 24, alinéa 1 er § 1 de la loi du 29 juillet 1881 ;

2°/ ALORS QUE (subsidiaire) l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé ; que la Cour d'Appel, qui a expressément constaté que l'écrit incriminé visait expressément, en incitant à sa suppression, l'organisation dont Raêl était le dirigeant, aurait dû nécessairement en déduire l'intérêt à agir de celui-ci ; qu'en décidant le contraire, elle a derechef violé l'article 31 du Code de Procédure Civile, ensemble l'article 24 alinéa 1 er § 1 de la loi du 29 juillet 1881 ;

3°/ ALORS QUE tout plaideur a droit à un procès équitable ; que l'intérêt à agir du fondateur et dirigeant d'une organisation religieuse résulte suffisamment de la mise en cause de celle-ci ; qu'en déniant à Monsieur Y... le droit de poursuivre les propos provocateurs tenus à l'encontre du mouvement raêlien qu'il a fondé et qu'il dirige, motif pris que ces propos ne le visaient pas personnellement, la Cour d'Appel, qui s'est déterminée en considération de la spécificité religieuse de ce mouvement, a privé Monsieur Claude Y... de son droit à un procès équitable et a violé les articles 6.1 et 9.1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.



site réalisé avec
Baumann Avocat Contentieux informatique

Cette décision est visée dans la définition :
Intérêt


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.