par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 2, 17 décembre 2009, 08-20690
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
17 décembre 2009, 08-20.690
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Accident du travail
Faute Inexcusable
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Adecco France de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre M. X... ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 12 septembre 2008), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ, 4 juillet 2007, pourvoi n° 06-12. 480), que, le 22 juillet 1996, M. X..., salarié de la société Adecco (la société), mis à la disposition de la société Pineau couverture (l'entreprise utilisatrice), a été victime d'un accident du travail ; que, par jugements irrévocables des 19 octobre 2000 et 13 septembre 2001, le tribunal des affaires de sécurité sociale a dit que l'accident était dû à la faute inexcusable de l'employeur, fixé au maximum la majoration de la rente, fixé après expertise l'indemnisation complémentaire du salarié et condamné l'entreprise utilisatrice à garantir la société de toutes les condamnations prononcées contre elle ; que la société a ensuite saisi la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale d'une demande tendant à voir mettre à la charge de l'entreprise utilisatrice l'intégralité du coût financier de l'accident ; que l'arrêt ayant déclaré irrecevable cette demande a été cassé ; que la juridiction de renvoi a accueilli cette demande, en précisant que le coût de l'accident mis à la charge de l'entreprise utilisatrice se limite au capital représentatif de la rente accident du travail ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen :
1° / que le coût d'un accident du travail s'entend de l'ensemble des dépenses prises en compte au titre de l'article D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale pour le calcul du taux de cotisation accident du travail de l'entreprise ; que si, lorsque l'accident est survenu à un moment où l'assuré était mis à disposition d'une entreprise utilisatrice, la répartition de ce coût est en principe fixée par l'article R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale, le juge peut, en vertu de l'article L. 241-5-1 du code de la sécurité sociale mettre à l'écart ces dispositions et procéder à une répartition différente, en fonction des données de l'espèce ; que les dispositions de l'article R. 242-6-1 sont, dans une telle hypothèse, inapplicables ; qu'il résulte de ce qui précède que, lorsque la juridiction de sécurité sociale estime que le comportement de l'employeur n'est pas susceptible d'avoir contribué à l'accident qui est dû exclusivement aux manquements graves de l'entreprise utilisatrice, cette dernière doit alors supporter la charge de l'ensemble des dépenses consécutives à l'accident ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que l'accident était dû exclusivement au comportement, sanctionné pénalement, de l'entreprise utilisatrice et que cette dernière devait supporter l'intégralité du coût de l'accident ; qu'en se référant à l'article R. 242-6-1 pour estimer que ce coût devait être limité au capital représentatif de la rente accident du travail, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble les articles L. 241-5-1 et D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale ;
2° / qu'en vertu de l'article R. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, les litiges concernant la répartition de la charge financière d'un accident du travail entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice relèvent du contentieux général de la sécurité sociale ; qu'en décidant que la répartition des postes de dépenses consécutives à la maladie autre que le capital représentatif de la rente relèverait de la compétence de la juridiction du contentieux de la tarification, la cour d'appel a violé le texte susvisé et, par fausse application, l'article L. 143-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'abstraction faite du motif erroné mais surabondant visé par la seconde branche du moyen, l'arrêt retient, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 241-5-1 du code de la sécurité sociale, que l'article R. 242-6-1 du même code précise que le coût de l'accident du travail imputé au compte de l'entreprise utilisatrice en application du texte précédent comprend les capitaux représentatifs des rentes et les capitaux correspondant aux accidents mortels ; que l'accident dont a été victime M. X... ayant été jugé entièrement imputable à la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice sans qu'aucun manquement ne soit relevé à l'encontre de la société, les données de l'espèce conduisent à porter intégralement le coût de l'accident au sens de l'article R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale à la charge de l'entreprise utilisatrice ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que le coût de l'accident du travail intégralement mis à la charge de l'entreprise utilisatrice devait s'entendre, en vertu de l'article R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale, du seul capital représentatif de la rente accident du travail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Adecco France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Adecco France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Adecco France
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le coût de l'accident du travail de Monsieur X... dont la société PINEAU COUVERTURE devait supporter la réparation intégrale se limitait au capital représentatif de la rente accident du travail ;
AUX MOTIFS QU'« en application des dispositions de l'article L. 241-5-1 du code de la sécurité sociale, pour tenir compte des risques particuliers encourus par les salariés mis à la disposition d'utilisateurs par les entreprises de travail temporaire, le coût de l'accident et de la maladie professionnelle défini aux articles L. 411-1 et L. 461-1 est mis pour partie à la charge de l'entreprise utilisatrice si celle-ci au moment de l'accident est soumise au paiement des cotisations mentionnées à l'article L. 241-5......... à moins que le juge procède à une répartition différente en fonction des données de l'espèce. L'article R. 242-6-1 définit précisément ce que comprend le coût de l'accident du travail imputé au compte de l'entreprise utilisatrice, à savoir les capitaux représentatifs des rentes et les capitaux correspondants aux accidents mortels. En conséquence, la juridiction du contentieux général a donc compétence pour modifier la répartition du coût de l'accident mais seulement dans la limite des sommes susceptibles d'être mises à charge de l'entreprise utilisatrice telles qu'elles sont énumérées à l'article précité, et elle ne peut décider de la répartition des autres postes de dépenses liés à l'accident du travail, cette question relevant de la compétence de la juridiction du contentieux de la tarification. Enfin alors que l'article L. 241-5 du code de la sécurité sociale énonce le principe selon lequel les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles sont à la charge exclusive des employeurs, l'article L. 241-5-1 prévoit une dérogation en instaurant une répartition de ce coût entre l'entreprise utilisatrice et l'entreprise de travail temporaire, pour tenir compte des risques particuliers encourus par les salariés mis à la disposition des entreprises utilisatrices, répartition fixée à un tiers pour l'entreprise utilisatrice à moins que le juge décide d'une répartition différente en fonction des données de l'espèce. Cependant, cette répartition n'implique pas que celle-ci ne puisse aboutir à un transfert intégral de la charge du coût de l'accident tel que défini par l'article R 242-6-1 du Code de la Sécurité Sociale à l'entreprise utilisatrice dès lors que celle-ci exerce l'entier pouvoir de direction et de contrôle du salarié mis à sa disposition, et qu'aucun élément de fait tiré des éléments de l'espèce ayant concouru même de façon partielle à la réalisation de l'accident, n'est établi contre l'entreprise de travail temporaire. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'accident s'est produit alors que Monsieur X... occupé à balayer le sol au premier étage d'une maison en construction, a chuté d'une hauteur de 2 m 75 sur le sol du rez-de-chaussée, en raison de l'absence de protection d'une trémie destinée à recevoir l'escalier. Par jugement du 25 juin 1997 le tribunal correctionnel de Nantes a définitivement déclaré Monsieur Y... gérant de l'entreprise PINEAU COUVERTURE, coupable de blessures involontaires sur la personne de Monsieur X... ayant entraîné pour ce dernier une incapacité totale de travail supérieure à trois mois et d'avoir en étant chef d'entreprise omis de respecter les mesures de sécurité relatives aux trémies d'escalier en l'espèce par absence de protection collective. Par jugement du 19 octobre 2000, le tribunal des affaires de sécurité sociale a dit que l'accident dont avait été victime Monsieur X... était imputable à la faute inexcusable de la SARL PINEAU COUVERTURE, retenant au surplus que le salarié ne portait pas de casque de sécurité alors que cet ustensile aurait pu réduire notablement l'ampleur des lésions subies à la tête par cette victime. La SARL PINEAU COUVERTURE n'invoque aucun manquement particulier de la société ADECCO qui aurait même pour partie ou de façon indirecte contribué à l'accident. En conséquence, les données de l'espèce conduisent à porter intégralement le coût de l'accident au sens de l'article R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale, à la charge de l'entreprise utilisatrice » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le coût d'un accident du travail s'entend de l'ensemble des dépenses prises en compte au titre de l'article D. 242-6-3 du Code de la sécurité sociale pour le calcul du taux de cotisation accident du travail de l'entreprise ; que si, lorsque l'accident est survenu à un moment où l'assuré était mis à disposition d'une entreprise utilisatrice, la répartition de ce coût est en principe fixée par l'article R. 242-6-1 du Code de la sécurité sociale, le juge peut, en vertu de l'article L. 241-5-1 du Code de la sécurité sociale mettre à l'écart ces dispositions et procéder à une répartition différente, en fonction des données de l'espèce ; que les dispositions de l'article R. 242-6-1 sont, dans une telle hypothèse, inapplicables ; qu'il résulte de ce qui précède que, lorsque la juridiction de sécurité sociale estime que le comportement de l'employeur n'est pas susceptible d'avoir contribué à l'accident qui est dû exclusivement aux manquements graves de l'entreprise utilisatrice, cette dernière doit alors supporter la charge de l'ensemble des dépenses consécutives à l'accident ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que l'accident était dû exclusivement au comportement, sanctionné pénalement, de la société PINEAU entreprise utilisatrice et que cette dernière devait supporter l'intégralité du coût de l'accident ; qu'en se référant à l'article R. 242-6-1 pour estimer que ce coût devait être limité au capital représentatif de la rente accident du travail, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble les articles L. 241-5-1 et D. 242-6-3 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en vertu de l'article R. 242-6-3 du Code de la sécurité sociale, les litiges concernant la répartition de la charge financière d'un accident du travail entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice relèvent du contentieux général de la sécurité sociale ; qu'en décidant que la répartition des postes de dépenses consécutives à la maladie autre que le capital représentatif de la rente relèverait de la compétence de la juridiction du contentieux de la tarification, la cour d'appel a violé le texte susvisé et, par fausse application, l'article L. 143-1 du Code de la sécurité sociale.
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Accident du travail
Faute Inexcusable
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.