par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 6 janvier 2010, 08-44177
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Cour de cassation, chambre sociale
6 janvier 2010, 08-44.177

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 24 juin 2008), que Mme X..., a été engagée le 1er août 1996 par la société Dietal en qualité d'employée d'atelier ; qu'ayant été déclarée inapte à son poste à l'issue d'une seconde visite de reprise du 15 avril 2005, la salariée, licenciée le 16 juin 2005 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement, a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à la salariée des sommes à titre de dommages et intérêts et d'indemnités de préavis et de congés payés, alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur doit rechercher les possibilités de reclassement dès la première visite de reprise ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-24-4 du code du travail, recodifié L. 1226-2, L. 1226-3 et L. 1226-4 ;

2°/ que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que la bonne foi est présumée ; que dès lors, lorsqu'un employeur tenu d'une obligation de reclassement justifie avoir consulté les délégués du personnel et leur avoir communiqué, ainsi qu'au salarié, une liste détaillée des postes correspondant à ses aptitudes en précisant qu'aucun d'entre eux n'était actuellement disponible, c'est au salarié d'établir que ces affirmations étaient inexactes et que l'employeur ne s'est pas acquitté de son obligation de reclassement ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 122-24-4 du code du travail, recodifié L. 1226-2 et L. 1226-4 ;

Mais attendu que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; que la cour d'appel, qui a exactement retenu que l'avis de ce médecin ne dispensait pas l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement le cas échéant au sein du groupe auquel appartient l'entreprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, a, en fixant le point de départ de l'obligation de reclassement à compter de la seconde visite de reprise, fait une exacte application des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail ;

Et attendu qu'appréciant souverainement la portée des éléments de fait et de preuve produits devant elle, la cour d'appel, qui a relevé qu'il n'était pas justifié par l'employeur, tant au niveau de l'entreprise que du groupe auquel appartenait celle-ci, de démarches précises pour parvenir au reclassement de la salariée, notamment pour envisager des adaptations ou transformations de postes de travail ou un aménagement du temps de travail, a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Dietal aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Dietal à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Dietal.

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir alloué en conséquence à Mme X... les sommes de 12 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 440,28 et 244,02 à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et de l'avoir condamnée à rembourser la somme de 4 999,54 € à l'Assédic de la région Auvergne ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de la lettre du 16 juin 2005, le licenciement est ainsi motivé : "Lors de votre visite médicale de reprise du 30 mars 2005, le médecin du travail a émis l'avis suivant : "retour à l'atelier Tôlerie inenvisageable pour les raisons évoquées dans les précédents certificats. En l'état actuel des postes proposés, aucune reprise ne me paraît envisageable. Inapte à son poste. A revoir dans 15 jours. Lors de la seconde visite médicale du 15 avril 2005, le médecin du travail a confirmé à votre encontre une inaptitude physique aux postes en production, en émettant l'avis suivant : "contre indication médicale à un poste en tôlerie et au montage. Contre indication au travail de nuit. Reste néanmoins : apte à un emploi dans l'entreprise, de type "bureau" ou "administratif". Dans le cadre de notre recherche de reclassement, nous avons examiné toutes les possibilités en étudiant, poste par poste et service par service, les postes compatibles avec les aptitudes restantes définies par le médecin du travail. Conformément à l'avis du médecin du travail, nous avons plus précisément axé notre recherche sur les postes "administratifs ou de bureau", bien que nécessitant une formation supérieure (postes administratifs des classes d'emplois F et G), par rapport au poste que vous teniez (opératrice de production niveau l, soit classe d'emploi B, telle que validée lors de l'action cotation des postes en octobre 2003). A partir de la classe H, tous les postes requièrent au minimum le niveau baccalauréat et au moins six mois de formation au poste. Notre recherche s'est donc portée sur les postes des classes F et G : (suit une liste de postes) Malheureusement, ces postes ne sont pas disponibles pour le moment et tous requièrent une qualification et une formation conséquentes (baccalauréat technique ou professionnel et plusieurs mois de formation au poste). Il en est de même des postes de classes d'emplois supérieures (H à K et postes de cadres). En ce qui concerne notre site de Belleville-sur-Saône, en cours de restructuration, il n'y a actuellement aucun poste disponible de type "administratif ou de bureau". Enfin, parce que la jurisprudence nous y contraint, nous avons également effectué une recherche sur notre site roumain, sachant qu'aucun poste de type "administratif ou de bureau" n'est disponible. En conséquence, aucun reclassement n'étant possible au sein du groupe, nous vous informons que nous procédons à votre licenciement pour inaptitude." QU'aux termes de l'article L. 122-24-4 du code du travail (article L. 1226-2 du nouveau code du travail), à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. QU'il en résulte que l'inaptitude physique du salarié ne peut justifier son licenciement que si aucun emploi approprié à ses capacités ne peut lui être proposé ; QU'il appartient à l'employeur (et non au médecin du travail) de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement au sein de l'entreprise ou au sein du groupe et parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer au salarié un emploi compatible avec ses capacités compte tenu des indications fournies par le médecin du travail. QU'en l'espèce, l'employeur fait valoir qu'il a travaillé de concert avec le médecin du travail "par une démarche interactive" afin de rechercher un poste compatible avec les capacités de Mme X... ; QU'il explique que, dans le cadre des visites de pré-reprise, il a indiqué au médecin du travail qu'il pouvait proposer à Mme X... un poste d'opérateur de production en horaires de nuit et que le médecin du travail a estimé qu'un poste de nuit n'était pas envisageable ; QU'il précise avoir demandé, à la réception de cet avis, au médecin du travail de lui indiquer les postes en horaires de jour compatibles avec les réserves émises et il se réfère à la lettre du médecin du travail du 9 mars 2005, par lequel celui-ci estime, après visite des ateliers, qu'aucun poste ne peut recueillir de sa part un avis d'aptitude favorable ; QUE cependant, quelles que soient les démarches ayant pu être effectuées auparavant, l'obligation qui pèse sur l'employeur en application de l'article L. 122-24-4 du code du travail devait être observée à compter de la date à laquelle le médecin du travail a émis l'avis d'inaptitude, c'est-à-dire à la date de la seconde visite de reprise, soit en l'espèce, à compter du 15 avril 2005 ; QU'or, l'employeur ne justifie d'aucune recherche qui aurait été faite après cette date alors qu'à l'issue de la seconde visite de reprise qui déterminait l'état de santé de la salariée, le médecin du travail a conclu à une inaptitude à un poste en tôlerie et au montage et au travail de nuit mais à une aptitude à un emploi dans l'entreprise, de type "bureau" ou "administratif' ; QUE s'il justifie avoir consulté les délégués du personnel alors qu'il n'y était pas astreint, l'employeur se borne à affirmer avoir "examiné toutes les possibilités de reclassement poste par poste et service par service" et il ajoute avoir "axé" sa recherche sur un poste "administratif ou de bureau" en précisant qu'aucun poste n'était disponible ni accessible à la salariée compte tenu de la qualification et de la formation requises mais aucun des éléments versés aux débats ne permet de vérifier ces allégations ; QU'il convient, en outre, de relever que l'avis du médecin du travail ne s'imposait à l'employeur qu'en ce qui concerne l'inaptitude à l'emploi que la salariée occupait précédemment ; QUE cet avis ne dispensait pas l'employeur de rechercher toutes les possibilités de reclassement par tous moyens d'adaptation de postes, le cas échéant, au sein du groupe auquel appartient l'entreprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; QUE non seulement il n'est pas démontré que l'un ou l'autre des 6 postes "administratifs ou de bureau" figurant sur la liste mise en avant lors de la consultation des délégués du personnel et reprise dans la lettre de licenciement ne pouvait pas être proposé à Mme X... mais il n'est pas non plus établi qu'aucun autre poste n'aurait pu être envisagé alors qu'il n'est pas justifié des postes existant dans l'entreprise ; QUE seul est versé aux débats un courrier du 9 mai 2005 émanant du directeur de l'établissement de Roumanie, indiquant n'avoir pas de poste disponible, sans aucune précision ni quant aux recherches entreprises ni même quant à la personne concernée ; QUE cette seule démarche ne saurait permettre à l'employeur de prétendre avoir satisfait à son obligation de recherche de reclassement ; QUE si l'employeur ne peut être tenu d'imposer à un autre salarié la modification de son contrat de travail afin de libérer son poste pour le proposer en reclassement au salarié inapte ni de procurer à ce dernier une formation initiale qu'il ne possède pas, encore convient-il qu'il justifie de la réalité des efforts déployés pour parvenir au reclassement et notamment, des démarches entreprises pour envisager des adaptations ou transformations de postes de travail ou encore un aménagement du temps de travail ; QU'en l'état, les affirmations de l'employeur ne pouvant tenir lieu de preuve, il n'est nullement démontré par les pièces produites que le reclassement de Mme X... n'était pas possible que ce soit dans l'entreprise elle-même ou au sein du groupe auquel celle-ci appartient ; QUE Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1) ALORS QUE l'employeur doit rechercher les possibilités de reclassement dès la première visite de reprise ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-24-4 du code du travail, recodifié L. 1226-2, L. 1226-3 et L. 1226-4 ;

2) ALORS QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que la bonne foi est présumée ; que dès lors, lorsqu'un employeur tenu d'une obligation de reclassement justifie avoir consulté les délégués du personnel et leur avoir communiqué, ainsi qu'au salarié, une liste détaillée des postes correspondant à ses aptitudes en précisant qu'aucun d'entre eux n'était actuellement disponible, c'est au salarié d'établir que ces affirmations étaient inexactes et que l'employeur ne s'est pas acquitté de son obligation de reclassement ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 122-24-4 du code du travail, recodifié L. 1226-2 et L. 1226-4.



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Cette décision est visée dans la définition :
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