par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 10 février 2010, 08-45109
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Cour de cassation, chambre sociale
10 février 2010, 08-45.109
Cette décision est visée dans la définition :
Intérêts moratoires
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X... employé depuis 1984 par la société Sonacotra, devenue la société Adoma, (la société) a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de dommages-intérêts pour la discrimination syndicale dont il avait été l'objet ; que le 19 février 2008, devant la cour d'appel, il a formé une demande nouvelle de condamnation de son employeur à lui payer des heures supplémentaires pour les années 2000 à 2006, les congés payés afférents, et des dommages-intérêts réparant le non-respect des repos compensateurs ;
Sur les premier et troisième moyens :
Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1153 du code civil ;
Attendu que, sauf dans les cas où la loi les fait courir de plein droit, les intérêts moratoires sont dus à partir de la sommation ou de la demande en justice, à moins qu'ils n'aient été réclamés à compter d'une date postérieure auquel cas ils sont dus à compter de cette dernière date ;
Attendu que la cour d'appel qui a relevé que M. X... avait formé devant elle une demande nouvelle de condamnation de la société à lui payer un rappel de salaires pour les heures supplémentaires effectuées entre janvier 2000 et décembre 2006 ainsi que les congés payés afférents, a fait droit à cette demande pour la période de février 2003 à décembre 2006 et a condamné la société à lui payer une somme à ce titre avec les intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne le point de départ des intérêts au taux légal sur la somme allouée à titre d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 23 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que la somme allouée au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents porte intérêts au taux légal à compter du 19 février 2008 ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code procédure civile, condamne la société Adoma à payer à M. X... la somme de 1 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Adoma.
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION
LE PREMIER MOYEN DE CASSATION fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société ADOMA à payer à Monsieur X... la somme de 56 036,66 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires accomplies de février 2003 à décembre 2006 ainsi que la somme de 5 603,66 euros au titre des congés payés afférents et celle de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts relatifs aux repos compensateurs induits par les heures supplémentaires
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L 212-1 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande. Il en résulte que, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. Un « accord sur le règlement des horaires variables » du 232 décembre 2000, intervenu dans le cadre d'un « accord relatif à l'ARTT » du 30 juin 1999, a généralisé le régime des horaires variables dans la société Sonacotra et défini les modalités de contrôle des horaires effectués par les salariés. Il prévoit à ce titre le « badgeage » obligatoire, c'est-à-dire que chaque salarié sera muni d'un badge lui permettant d'enregistrer ses heures d'entrée et de sortie de l'entreprise au moyen de lecteurs installés sur place. Un système spécifique de contrôle est toutefois mis en place par cet accord pour les « salariés itinérants » définis comme étant des salariés devant « effectuer des déplacements professionnels ne leur permettant pas de badger régulièrement » et qui sont « considérés comme itinérants sur décision du responsable hiérarchique. Pour ces salariés (article IX) « le gestionnaire du temps saisit dans le système l'horaire variable de référence et le temps dû théorique correspondant au choix de réduction du temps de travail( ) Les salariés remplissent manuellement un planning hebdomadaire (modèle joint) et le font valider par leur responsable hiérarchique. Lorsque ce planning révèle des écarts d'horaires par rapport à l'horaire de référence, le responsable hiérarchique indique au gestionnaire des temps la valeur du débit/crédit, les régularisations à saisir le cas échéant et prend auprès de ses collaborateurs, les dispositions nécessaires au respect des horaires. M. X... verse aux débats, pour une très grande partie de la période considérée et jusqu'en juillet 2006, des plannings hebdomadaires « de suivi des horaires des salariés des sièges régionaux et du siège social amenés à se déplacer et ne pouvant donc badger, à faire valider hebdomadairement par le responsable », qu'il a rempli et qui portent la signature de son responsable hiérarchique et/ou les relevés informatiques de ces plannings après leur saisie par la secrétaire au moyen du logiciel mis en place dans l'entreprise. Ces documents démontrent que M. X... a travaillé au-delà des horaires qu'il devait accomplir et que l'employeur le savait. Il produit également l'attestation régulière, et qui n'a pas fait l'objet de poursuites pour faux, de Mme Y..., secrétaire dans la société, laquelle certifie que, lors de la mise en place du suivi des collaborateurs, elle avait en charge « ce logiciel », sous l'autorité de la direction de 2000 à juin 2006 et que les chefs de département étaient considérés comme « salariés itinérants » et fournissaient un planning hebdomadaire à leur hiérarchie pour validation, ces plannings lui étant ensuite transmis pour saisie. La société ADOMA ne justifie d'aucune réclamation en ce qui concerne le défaut de « badgeage » de M. X... avant 2007. Il résulte de suffisamment de ces éléments que la société Sonacotra avait reconnu à M. X..., chef du département gestion locative depuis 1999, le statut de salarié itinérant au sens de l'accord susvisé et qu'il était dispensé de « badgeage ». L'employeur ne peut donc tirer aucun parti du fait que ce salarié n'a pas pointé régulièrement. Les temps de délégation étant considérés comme des temps de travail effectif, et M. X... étant investi de plusieurs mandats représentant jusqu'à 40 heures de délégation mensuelles, l'affirmation, d'ailleurs non justifiée, que les horaires résultant des plannings et relevés incluent des heures de délégation est sans portée. L'employeur ne fournit aucune preuve de ce que M. X... était contractuellement salarié « au forfait » et, le cas échéant, du contenu de ce forfait, alors que, le salarié n'étant pas membre du comité de direction, l'article 2.6 de l'accord du 30 juin 1999 imposant le système du forfait aux cadres de direction ne lui est pas applicable. En dehors des arguments et moyens écartés ci-dessus, et alors que M. X... produit des éléments de nature à étayer sa demande relative aux heures supplémentaires, la société Adoma ne fournit aucun élément susceptible de justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Dans ces conditions, il est suffisamment établi que M. X... a effectué des heures supplémentaires.
ALORS D'UNE PART QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que la cour d'appel n'a pu conférer à Monsieur X... le statut de salarié indépendant sans examiner la disposition de l'accord d'entreprise du 22 décembre 2000 qui stipulait que seuls sont considérés comme salariés indépendants « les conducteurs d'opération, les responsables programme, les responsables études et développement et les auditeurs » ; qu'en négligeant ce document essentiel, la cour d'appel a violé les articles 455, 562 et 1153 du code civil ;
ALORS SURTOUT que dans ses écritures d'appel, la société ADOMA faisait valoir que n'appartenant à aucune de ces catégories, Monsieur X... ne pouvait justifier ses manquements à la procédure du badgeage, de sorte que sa demande d'heures supplémentaires ne pouvait prospérer ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
LE DEUXIEME MOYEN (subsidiaire) DE CASSATION fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société ADOMA à payer à Monsieur X... la somme de 56 036,66 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires accomplies de février 2003 à décembre 2006, la somme de 5 603,66 euros au titre des congés payés afférents ainsi que les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ;
AUX MOTIFS que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal, ainsi que prévu au dispositif ci-dessous, conformément aux articles 1153, 1153-1 et 1154 du Code civil ;
SUR LE TROISIEME MOYEN DE CASSATION
LE TROISIEME MOYEN DE CASSATION fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société ADOMA à payer à Monsieur X... la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination en raison des activités syndicales
AUX MOTIFS QU'il résulte de ce qui précède que M. X... a supporté une surcharge de travail anormale difficilement conciliable avec le plein exercice de ses mandats de représentation du personnel, contraignant le salarié à effectuer un nombre considérable d'heures supplémentaires et ayant des répercussions préjudiciables sur ses conditions de travail et sa santé, sans que l'employeur agisse pour y mettre fin, méconnaissant les accords conventionnels qui s'imposaient à lui. Il en ressort en outre que, dès qu'elle l'a pu, la société Sonacotra a tenté, jusqu'ici sans succès, d'obtenir des décisions judiciaires défavorables au salarié ou de le licencier, ce qui s'inscrit dans le cadre de relations tendues de longue date, ayant donné lieu dans le passé à deux procédures prud'homales pour discrimination syndicale qui ont abouti (1992, 1997/1999). Il est par ailleurs significatif que, lorsque l'employeur envisage de promouvoir le salarié, c'est avec le préalable qu'il abandonne ses mandats de représentation du personnel (mai 2000). Ces éléments de fait laissent supposer, voire établissent, l'existence d'une discrimination au détriment de M. X... en raison de ses activités syndicales. L'employeur échoue, au vu des pièces et des explications qu'il fournit, à démontrer que cet état de fait est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La discrimination est donc établie.
ALORS QUE, D'UNE PART, le fait que les heures de délégation sont rémunérées comme des heures de travail ne dispensait pas la cour d'appel de rechercher si la surcharge de travail invoquée par le salarié n'était pas due au nombre très important de mandats qu'il détenait, représentant jusqu'à 40 heures de délégation par mois ; que la cour d'appel devait d'autant plus effectuer cette recherche que la société ADOMA dans ses écritures d'appel avait fait valoir que Monsieur X... ne respectait pas la procédure des bons de délégation permettant seule d'opérer la distinction entre les heures de travail salarié et les heures de représentation du personnel ; que la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE , D'AUTRE PART , la cour d'appel n'a pu, pour sanctionner les agissements de discrimination syndicale commis à l'encontre de Monsieur X... se fonder sur des décisions antérieures ayant déjà condamné dans le passé la société ADOMA pour les mêmes faits ; qu'en statuant comme elle l'a fait, elle a violé la règle non bis in idem ;
ALORS QUE , DE TROISIEME PART et partant, la Cour a pour les même raisons privé sa décision de base légale au regard des articles 1132-1 et 1152-2 et 2141-5 du code du travail ;
ET ALORS ENFIN que pour retenir que le fait de proposer une promotion au salarié sous condition d'abandon de ses mandats de représentation du personnel constituait un agissement de discrimination, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre du mai 2000 et a violé l'article 1134 du code civil ;
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Intérêts moratoires
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.