par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 10 mars 2010, 09-10344
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
10 mars 2010, 09-10.344

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 novembre 2008), que Mme X..., propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail à la société Le Commerce, a délivré à cette dernière le 10 mars 2004 un congé offrant le renouvellement du bail à compter du 1er octobre suivant avec un loyer déplafonné puis a saisi, après notification d'un mémoire préalable, le juge des loyers commerciaux en fixation du prix du bail renouvelé ;

Attendu que la société Le Commerce fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine préalable de la commission de conciliation alors, selon le moyen, que les litiges nés de l'application de l'article L. 145-34 du code de commerce sont soumis au préalable nécessaire de la saisine de la commission départementale de conciliation instituée par l'article L. 145-35 du même code ; qu'il en résulte qu'est entachée d'irrecevabilité l'action engagée devant le juge des loyers commerciaux sans saisine préalable de ladite commission ; qu'en écartant la fin de non-recevoir opposée par la société Le Commerce à l'action en déplafonnement de loyer engagée par Mme X... au motif que la saisine de la commission de conciliation était facultative, la cour d'appel a violé l'article L. 145-35 du code de commerce ;

Mais attendu que l'article L. 145-35 du code de commerce ne prescrivant pas la saisine préalable obligatoire de la commission départementale de conciliation avant celle du juge des loyers à peine d'irrecevabilité, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande de la bailleresse était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Le commerce aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Le commerce à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Le commerce ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille dix.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Le Commerce

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine préalable de la commission de conciliation et déclaré recevable la demande de Madame X...,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « c'est par des motifs pertinents, que la Cour adopte, que le Juge des loyers commerciaux a dit qu'en l'état de la jurisprudence actuelle de la Cour de Cassation, la saisine de la Commission Départementale de Conciliation préalablement à la saisine du juge des loyers commerciaux, en matière de renouvellement de bail commercial et de fixation du loyer renouvelé, était facultative et qu'en l'espèce, le défaut de saisine de cette Commission ne rendait pas irrecevable, la demande de fixation de la valeur locative des loyers commerciaux, sis 18 bis rue Biscarra à NICE (06) au 1er octobre 2004, présentée par Nelly X... devant le premier juge » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « contrairement à ce que soutient la locataire, le défaut de saisine préalable de la Commission Départementale de Conciliation ne rend pas irrecevable la demande de fixation de la valeur locative présentée par la bailleresse devant la présente juridiction. En effet, la saisine de cette Commission n'a qu'un caractère facultatif (Cour de Cassation 3ème Civ. 3/2/93 – JPC 1993 – II 508) et, dès lors, le juge n'est pas tenu de surseoir à statuer si, comme en l'espèce, à la date des débats devant lui, aucune des parties n'a saisi la Commission. En conséquence, il sera passé outre l'absence de saisine de la commission, ladite saisine ne constituant pas un préalable obligatoire, et donc pas un motif d'irrecevabilité de l'action en fixation de la valeur locative. Il convient d'observer que c'est vainement qu'au soutien de sa fin de non-recevoir la locataire invoque un arrêt de la Cour de Cassation du 30 juin 2004. En effet, contrairement à l'interprétation qu'en fait la locataire, cet arrêt a censuré un arrêt de la Cour d'appel d'AGEN du 24 mars 2003, non pas parce que ladite Cour d'appel avait déclaré recevable une action en fixation du loyer en l'absence de saisine préalable de la Commission mais parce qu'elle n'avait pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile (obligation de motiver les décisions de justice), faute de répondre aux conclusions de l'une des parties ayant soulevé l'irrecevabilité de l'action pour défaut de saisine préalable de la Commission Départementale » ;

ALORS QUE les litiges nés de l'application de l'article L.145-34 du code de commerce sont soumis au préalable nécessaire de la saisine de la commission départementale de conciliation instituée par l'article L.145-35 du même code ; qu'il en résulte qu'est entachée d'irrecevabilité l'action engagée devant le juge des loyers commerciaux sans saisine préalable de ladite commission ; qu'en écartant la fin de non-recevoir opposée par la SARL LE COMMERCE à l'action en déplafonnement de loyer engagée par Madame X..., au motif que la saisine de la commission de conciliation était facultative, la Cour d'appel a violé l'article L.145-35 du Code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé le loyer du bail renouvelé des locaux sis 18 rue Biscarra/ 21 bis rue Lamartine à Nice et appartenant à Madame Nelly Y... épouse X..., à la somme de 27.240 € par an, à compter du 1er octobre 2004, hors taxes et hors charges, AUX MOTIFS PROPRES QUE « c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte, que le premier juge, suivant l'avis de l'expert judiciaire M. Z..., a estimé qu'il y avait eu une modification des facteurs locaux de commercialité pendant la période de référence, ayant eu une incidence directe et certaine sur le commerce de bar-restaurant exploité par la SARL LE COMMERCE ; que le réaménagement de la Rue Biscarra en zone semi-piétonne en décembre 1998 avec élargissement des trottoirs à 5 mètres 5O, mise en place de candélabres design, implantation d'arbres et réalisation d'un revêtement en granit pour les trottoirs, a été salué, par la presse locale, comme la première entreprise de revitalisation du Centre Ville de Nice, réclamée depuis longtemps par les riverains et les commerçants du quartier ; que c'est justement, que le premier juge a dit que l'amélioration du standing et que la convivialité de la Rue Biscarra avait éloigné du secteur les marginaux, qui le fréquentaient et que l'agrandissement des trottoirs devant le commerce en cause était un attrait considérable, rendant plus aisée la circulation piétonne et plus agréable le séjour des consommateurs sur la terrasse, concédée à la SARL LE COMMERCE depuis avril 1999, par la ville, à titre provisoire ; qu'au demeurant, la SARL LE COMMERCE admet que l'élargissement des trottoirs lui a permis d'avoir 9 m² de terrasse supplémentaire, soit 1O tables supplémentaires et que son chiffre d'affaires a augmenté de 50 % de 1999 à 2002 ; que même si cette augmentation n'a pas été entièrement générée par la réfection de la rue Biscarra, il demeure que cette dernière a manifestement largement compensé la fermeture de la médiathèque et la suppression de quelques places de stationnement ; que cette terrasse, ainsi agrandie, grâce à l'élargissement des trottoirs de la rue Biscarra en 1998, était encore, suivant un article de Nice-Loisirs du 27 mai 2004, un élément de notoriété du commerce en cause, « un endroit idéal pour prendre un verre en toute tranquillité » ; qu'enfin les pièces produites par l'appelante, relatives à un retour des marginaux dans le secteur et au passage répété de véhicules et d'autobus dans la rue Lamartine, ne concernent pas la période de référence et ne seront donc pas examinées ; qu'il suit que le loyer du bail à renouveler entre les parties, au 1er octobre 2004, sera fixé à la valeur locative » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le local litigieux à usage exclusif de « commerce de restauration et activité annexe » est situé 18 bis rue Biscarra à NICE, en plein centre ville ; qu'il résulte du rapport d'expertise qu'au cours du bail expiré, et plus précisément fin 1998, la rue Biscarra a été réaménagée en zone semi-piétonne avec élargissement des trottoirs à 5,50 mètres, revêtement de ceux ci en granit, installation de candélabres « design », et implantation d'arbres (agrumes) ; que l'agrandissement des trottoirs devant le local litigieux constitue à l'évidence un attrait appréciable pour le commerce considéré (restaurant, loungebar) puisque rendant plus aisée la circulation piétonnière pour les chalands et plus agréable le séjour des consommateurs sur la terrasse (concédée à titre précaire par la ville, moyennant redevance, depuis avril 1999) ; que les articles de presse relatant cette transformation de la rue Biscarra sont d'ailleurs éloquents sur l'amélioration apportée par les travaux de réhabilitation d'un coût de 3,5 millions de francs qui y ont été réalisés par la municipalité ; qu'ainsi dans les articles parus dans NICE-MATIN des 3 septembre et 22 décembre 1998, versés aux débats, et titrant respectivement « Rue Biscarra : on opère ! » et « Biscarra fait peau neuve », on peut lire, notamment : « Une opération d'envergure a débuté en juin... la métamorphose en zone semi-piétonne de la rue Biscarra depuis l'avenue Jean Médecin jusqu'à l'intersection avec la rue Lamartine. Voilà longtemps que cette réalisation était réclamée par les riverains et notamment les commerçants, afin de donner un nouvel élan à un quartier qui, au cours de ces dernières années avait perdu de son aura » ; « La rue Biscarra va gagner des étoiles... » (NICE-MATIN, 3 septembre 1998) et « étouffée par les véhicules en stationnement, la rue Biscarra a pris ses aises. Surtout du côté des promeneurs qui ont désormais plus d'espace pour s'adonner au lèche-vitrines... Cet aménagement était impératif pour relancer l'activité économique et commerciale d'un quartier qui a conjugué les difficultés entre les dealers, drogués et SDF... » (NICE-MATIN, 22 décembre 1998) ; qu'en l'état de ces divers éléments c'est vainement que la locataire dénie l'amélioration apportée à la commercialité de la rue par ces réaménagements d'envergure, en invoquant la suppression des places de stationnement et la fermeture de la Médiathèque, alors que ces deux éléments sont très largement compensés : - d'une part, par l'élargissement des trottoirs et la semi-piétonnisation de la rue, favorables à la commercialité du secteur, et plus particulièrement du commerce considéré de bar-restaurant dont la clientèle a la possibilité de se garer dans le grand parking public Nice-Etoile, situé à proximité immédiate ; - et d'autre part, par la nette amélioration du standing et de la convivialité de la rue qui, non seulement rendent l'accès et le séjour des consommateurs dans l'établissement concerné plus agréable, mais encore contribuent à éloigner du secteur la fréquentation, peu favorable à la commercialité, de divers marginaux ; qu'en conséquence, force est de considérer que, comme l'a retenu l'expert, le réaménagement d'envergure de la rue Biscarra, fin 1998, a constitué une modification notable des facteurs locaux de commercialité favorable au commerce considéré de bar-restaurant ; que par suite, cette modification notable des facteurs locaux de commercialité justifie, à elle seule, le déplafonnement du loyer et sa fixation à la valeur locative, sans qu'il soit besoin de rechercher si les travaux réalisés au cours du bail expiré par la locataire ont entraîné une modification notable des caractéristiques du local, observation étant ici faite que le rapport d'expertise est assez imprécis en ce qui concerne tant la date de ces travaux (1999 selon l'expert, sans éléments corroborant cette date qui est contestée par la locataire) que la nature exacte desdits travaux (l'expert faisant état de transformation de la cour en pièce fermée alors que le bail du 2 août 1996 mentionnait déjà l'édification d'une verrière dans la cour intérieure au droit de la cuisine, et la transformation du logement du 1er étage en salle de billard et de réunion semblant être antérieure à la conclusion du bail du 2 août 1996) » ;

ALORS QUE la modification des facteurs locaux de commercialité ne justifie le déplafonnement du loyer que si elle a affecté les lieux objet du bail ; qu'en l'espèce, la société LE COMMERCE faisait valoir que l'augmentation de la surface des terrasses consécutive à l'élargissement des trottoirs de la rue Biscarra ne pouvait être prise en compte dans la mesure où elle tenait son droit d'occuper cette terrasse de l'autorité municipale, selon convention d'occupation précaire révocable à tout moment par la mairie ; qu'en jugeant que le réaménagement de la rue Biscarra avait permis une augmentation de la surface de la terrasse du restaurant exploité par la société LE COMMERCE, ce qui justifiait que le loyer du bail la liant à Madame X... soit fixé à la valeur locative, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si la terrasse n'était pas occupée à titre purement précaire par la société LE COMMERCE, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.145-33, L.145-34 du code de commerce, et 23-4 du décret du 30 septembre 1953 (article R.145-6 du code de commerce) ;

ALORS EN OUTRE QUE la modification des facteurs locaux de commercialité ne justifie un déplafonnement du loyer d'un bail commercial qu'à la condition de présenter un intérêt pour le commerce concerné ; qu'en l'espèce, la société LE COMMERCE faisait valoir dans ses écritures d'appel que l'augmentation de son chiffre d'affaires entre 1999 et 2002 s'expliquait par le fait que l'année de référence prise en compte par l'expert avait généré un chiffre d'affaires très faible du fait de la réalisation de travaux pendant six mois, et que son chiffre d'affaires avait en revanche fortement baissé entre 2002 et 2004 ; qu'en jugeant que l'amélioration du standing et de la convivialité de la rue où elle exerçait son activité constituait une modification notable des facteurs locaux de commercialité justifiant que le loyer soit fixé à la valeur locative, sans répondre au moyen précité de l'exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.