par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 15 septembre 2010, 09-67192
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
15 septembre 2010, 09-67.192

Cette décision est visée dans la définition :
Bail d'habitation




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique des pourvois principal et provoqué, réunis :

Vu l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 1er du décret du 6 mars 1987 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mai 2009), que Mme X..., locataire avec son époux, selon acte du 13 novembre 1986, d'un logement appartenant à l'office public départemental d'habitat des Hauts-de-Seine, a été grièvement blessée par électrocution le 22 mars 2005, en ouvrant l'armoire murale installée en 1988 dans la salle de bains ; que le bailleur a assigné la locataire pour la faire déclarer seule responsable de cet accident ;

Attendu que pour dire que la responsabilité de l'accident incombe pour moitié au bailleur, l'arrêt retient que si les locataires ont commis la faute de remplacer l'applique murale de classe 2 qui équipait la salle de bains par une armoire murale de classe 1 sans la relier à une prise de terre, l'office public départemental d'habitat des Hauts-de-Seine, bailleur institutionnel, s'est abstenu, pendant tout le cours de l'exécution du bail, de procéder à une vérification de l'installation électrique du logement, qui l'aurait conduit à constater le défaut de conformité de cette installation aux normes réglementaires intervenues et à installer un différentiel de haute sensibilité, dispositif qui a été rendu obligatoire dès 1987 et aurait prévenu l'accident ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que les locataires avaient informé le bailleur du remplacement, dans la salle de bains, d'une applique de classe 2 par une armoire murale de classe 1 et l'avaient invité à remédier aux risques qui pouvaient s'ensuivre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne M. et Mme X... Y... aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par Me Jacoupy, avocat aux Conseils pour l'office public départemental de l'habitat des Hauts-de-Seine, demandeur au pourvoi principal

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la responsabilité de l'accident survenu le 22 mars 2005 incombe pour moitié à Monsieur et Madame X... Y... et pour moitié à l'OPDH DES HAUTS DE SEINE,

AUX MOTIFS QUE

« Il n'est pas contesté que Monsieur et Madame X... Y... ont changé en 1988 l'applique de la salle de bains, de type classe 2, par une armoire, comportant deux ampoules électriques, de type classe 1.

Le 22 mars 2005, Madame X... Y... a subi une électrocution, prenant un savon dans cette armoire en sortant du bain...

Il résulte des rapports d'expertise que l'accident est dû à I'absence de « mise à la terre » de l'armoire incriminée et à l'absence de différentiel haute sensibilité sur l'installation électrique de l'appartement.

L'absence de mise à la terre est imputable aux locataires qui ont fait installer l'armoire incriminée.

En ce qui concerne le bailleur, en application de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, il est tenu de remettre au locataire un logement en bon état, de lui assurer une jouissance paisible et de faire toutes les réparations nécessaires autres que locatives ; l'obligation d'entretien porte notamment sur l'installation électrique ; en l'espèce il n'est pas contesté par l'OPDH DES HAUTS DE SEINE qu'aucun entretien, aucune révision ou vérification de l'installation électrique n'a été effectué depuis l'entrée dans les lieux des locataires en novembre 1986, soit pendant plus de dix-huit ans à la date de I'accident (mars 2005) et même depuis 1976, date d'installation du « tableau électrique », soit pendant plus de 28 ans, aucune preuve d'une quelconque intervention pendant toute cette période n'étant produite par le bailleur ; une simple inspection de l'installation par un technicien aurait permis au bailleur de constater le défaut de conformité de l'installation électrique et d'y remédier ; le défaut de toute vérification pendant une aussi longue période, par un bailleur institutionnel, alors qu'il n'est pas contesté que les normes évoluent et que l'obligation d'installer un différentiel remonte, aux dires du bailleur lui-même, au décret du 6 mars 1987, soit moins d'un an à peine après l'entrée dans les lieux, conduit à retenir la responsabilité du bailleur.

La responsabilité de l'accident doit en conséquence être partagée par moitié entre le bailleur et les locataires, le jugement devant être réformé en conséquence »,

ALORS, D'UNE PART, QUE

Le décret n° 87-149 du 6 mars 1987 fixant les conditions minimales de confort et d'habitabilité auxquelles doivent répondre les locaux mis en location dispose, en son article 1 e) : « le logement est alimenté en électricité, et, le cas échéant, en gaz. Ces alimentations, ainsi que la ventilation des pièces où le gaz est utilisé, répondent aux besoins normaux des usagers ; ces installations doivent assurer la sécurité des utilisateurs. Les nouvelles installations électriques et les nouvelles alimentations en gaz éventuelles, ainsi que la ventilation des pièces où le gaz est utilisé, sont conformes à la réglementation » ; qu'il résulte de ces dispositions que si les installations électriques « doivent assurer la sécurité des utilisateurs », le bailleur n'est pas tenu, dès lors qu'elle assure cette sécurité, de mettre l'installation existante en conformité avec de nouvelles normes, cette obligation ne s'appliquant qu'aux « nouvelles installations électriques » ; qu'ainsi, en retenant la responsabilité de l'OPDH DES HAUTS DE SEINE, alors qu'il était constant que l'applique de classe 2 équipant l'appartement donné en location assurait la sécurité des locataires et que son remplacement par une applique de classe 1, sans respect des normes nouvelles imposant la pose d'un « différentiel haute sensibilité », avait été effectué par le locataire à l'insu du bailleur, la Cour d'Appel a violé les articles 1 e) du décret n° 87-149 du 6 mars 1987 et 1147 du Code Civil,

ALORS, D'AUTRE PART, QUE

Si le bailleur est tenu, aux termes de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, « d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à 1'entretien normal des locaux loués », il n'a pas l'obligation d'effectuer des vérifications périodiques afin de s'assurer que le locataire n'a pas procédé, dans les lieux loués, à des transformations qui ne respecteraient pas les normes en vigueur ; qu'ainsi, en retenant la responsabilité de l'OPDH DES HAUTS DE SEINE au motif que « aucune révision ou vérification de l'installation électrique n'a été effectuée depuis l'entrée dans les lieux des locataires en novembre 2006 » et que « une simple inspection de l'installation par un technicien aurait permis au bailleur de constater le défaut de conformité de 1'installation électrique et d'y remédier », la Cour d'Appel a violé l'article 6 c) de la loi du 6 juillet 1989 et l'article 1147 du Code Civil.


Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la société GAN Eurocourtage IARD, demanderesse au pourvoi provoqué

La compagnie GAN EUROCOURTAGE fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la responsabilité de l'accident survenu le 22 mars 2005 incombe pour moitié à Monsieur et Madame X... Y... et pour moitié à l'office public département d'HLM des Hauts de Seine,

AUX MOTIFS QU'« il n'est pas contesté que Mr et Mme X... Y... ont changé en 1988 l'applique de la salle de bains, de type classe 2, par une armoire, comportant deux ampoules électriques, de type classe 1 ; que le 22 mars 2005 Mme X... Y... a subi une électrocution, prenant un savon dans cette armoire en sortant du bain ; qu'à la suite de l'intervention en urgence des pompiers Mme X... Y... est restée trois semaines en service de réanimation, en soins intensifs, à l'hôpital de Nanterre ; que sur demande de l'assureur de l'OPDH des Hauts de Seine, la société SARETEC a effectué une mission d'expertise en présence de tous les intéressés ; que cette société a déposé un rapport le 3 octobre 2005 et un complément de rapport le 8 février 2006 ;


que le simple changement d'une applique par une armoire de salle de bains apparaît, en dehors de tout élément technique contraire non démontré en l'espèce, être une opération banale pouvant s'apparenter à un changement normal et courant de luminaire, ne nécessitant pas de compétence particulière et ce, même s'agissant d'un changement effectué dans une salle de bains, alors qu'il n'est pas contesté que l'armoire installée était bien une armoire murale de salle de bains, en vente normalement dans le commerce, avec cette seule caractéristique qu'elle était de type classe 1 au lieu de l'applique d'origine, qui était de type classe 2, la différence étant une protection électrique moindre pour l'armoire de classe 1 qui aurait nécessité une « mise à la terre » non effectuée en l'espèce ;

Que les critiques contre le rapport de la société ADEM ne portent donc pas sur les constatations de l'expert quant à l'armoire incriminée et il faut retenir que les locataires n'ont fait qu'installer une armoire murale dans une salle de bains, opération, sans difficulté technique particulière démontrée, qui ne peut être assimilée à un « percement » de murs ou de cloisons ou encore à une « transformation » des lieux loués nécessitant l'accord préalable du bailleur » ;

ET AUX MOTIFS QU'« en revanche, il résulte des rapports d'expertise que l'accident est dû à l'absence de « mise à la terre » de l'armoire incriminée et à l'absence de différentiel haute sensibilité sur l'installation électrique de l'appartement ; que l'absence de mise à la terre est imputable aux locataires qui ont fait installer l'armoire incriminée ; qu'en ce qui concerne le bailleur, en application de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, il est tenu de remettre au locataire un logement en bon état, de lui assurer une jouissance paisible et de faire toutes les réparations nécessaires autres que locatives ; que l'obligation d'entretien porte notamment sur l'installation électrique ; qu'en l'espèce il n'est pas contesté par l'OPDH des Hauts de Seine qu'aucun entretien, aucune révision ou vérification de l'installation électrique n'a été effectué depuis l'entrée dans les lieux des locataires en novembre 1986, soit pendant plus de dix huit ans à la date de l'accident (mars 2005) et même depuis 1976, date de l'installation du « tableau électrique », soit depuis plus de 28 ans, aucune preuve d'une quelconque intervention pendant toute cette période n'étant produite par le bailleur ; qu'une simple inspection de l'installation par un technicien aurait permis au bailleur de constater le défaut de conformité de l'installation électrique et d'y remédier ; que le défaut de toute vérification pendant une aussi longue période, par un bailleur institutionnel, alors qu'il n'est pas contesté que les normes évoluent et que l'obligation d'installer un différentiel remonte, aux dires du bailleur lui-même, au décret du 6 mars 1987, soit moins d'un an à peine après l'entrée dans les lieux, conduit à retenir la responsabilité du bailleur ; que la responsabilité de l'accident doit en conséquence être partagée par moitié entre le bailleur et les locataires, le jugement devant être réformé en conséquence »,

ALORS QUE l'état de l'installation électrique d'un logement s'apprécie en fonction du risque apparent qu'elle peut présenter pour un non-technicien sans qu'il soit nécessaire de procéder, si l'installation, bien qu'ancienne, n'est pas dangereuse, à une quelconque mise aux normes ; que seuls les travaux effectués sur cette installation doivent être conformes à la réglementation en vigueur au moment de leur réalisation ; que la cour d'appel a constaté que l'armoire murale installée par les locataires était de type classe 1 et non de type classe 2 comme celle d'origine de sorte que sa protection électrique nécessitait une mise à terre non obligatoire initialement ; que l'applique de classe 2 équipant l'appartement donné en location assurait la sécurité des locataires ; qu'en retenant cependant qu'il appartenait au bailleur de mettre l'installation électrique en conformité avec les normes postérieures à l'installation, la cour d'appel a violé ensemble les articles 6 de la loi du 6 juillet 1989, 1er du décret du 6 mars 1987 et 1147 du code civil,

ALORS QU'en l'absence de toute demande ou mise en demeure de la part du locataire, le bailleur n'a aucune obligation de réaliser des travaux de mise aux normes ni même de vérifier l'état du local loué ; qu'il appartient au locataire, qui constate un risque manifeste pour sa sécurité physique ou sa santé, de demander à son bailleur de procéder aux travaux nécessaires ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a mis à la charge du bailleur une obligation de vérification régulière des installations des locaux loués et ainsi méconnu ensemble les articles 6 de la loi du 6 juillet 1989, 1er du décret du 6 mars 1987 et 1147 du code civil



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Cette décision est visée dans la définition :
Bail d'habitation


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.