par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 16 septembre 2010, 09-14210
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
16 septembre 2010, 09-14.210

Cette décision est visée dans la définition :
Assurance




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X..., qui exerçait une activité d'avocat au sein de la société Acces Juris (la société), a été blessé dans un accident de la circulation impliquant le véhicule assuré par la société Axa France, venant aux droits de la société Axa courtage (l'assureur) ; qu'après plusieurs expertises ordonnées en référé, M. X... et la société ont assigné l'assureur en réparation de leurs préjudices, en présence de la RAM Province, de la société AGF collectives et de la Caisse nationale des barreaux français ; qu'un expert ayant fixé la date de consolidation de l'état de la victime, l'assureur a présenté une offre d'indemnisation par conclusions du 17 février 2004 ; qu'un arrêt partiellement avant dire droit a ordonné une nouvelle mesure d'expertise et désigné un collège d'experts, qui a déposé son rapport le 3 avril 2008 ;


Sur le premier moyen :

Vu les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour condamner l'assureur à payer à M. X... une certaine somme au titre de son préjudice patrimonial, l'arrêt évalue d'abord sa perte de gains professionnels, en retenant que les experts concluent clairement à l'impossibilité pour la victime de reprendre son activité professionnelle du fait de son accident, puis apprécie la perte de valeur de la clientèle en relevant que M. X... a fait le choix d'arrêter son activité professionnelle ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel a méconnu les exigences des textes susvisés ;

Et, sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances ;

Attendu, selon le premier de ces textes, qu'une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident ; que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; que l'offre définitive doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation ; que, selon le second, lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ;

Attendu que, pour condamner l'assureur à payer les intérêts au double du taux légal à compter du 28 août 2008, jusqu'à la date de l'arrêt, sur les sommes allouées, l'arrêt retient que les trois derniers experts ont déposé leur rapport le 28 mars 2008 et que l'assureur n'a conclu que postérieurement au 28 août 2008 ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que l'assureur avait, à la suite du premier rapport déposé le 22 juillet 2003, fait dans le délai légal une offre qui n'était pas manifestement insuffisante, et alors que le dépôt d'un nouveau rapport d'expertise ne lui imposait pas de présenter une nouvelle offre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Axa France à payer à M. X... la somme de 821 158,08 euros au titre de son préjudice patrimonial et en ce qu'il condamne l'assureur au paiement des intérêts au double du taux légal à compter du 28 août 2008 et jusqu'à la date de l'arrêt, l'arrêt rendu le 12 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la Caisse nationale des barreaux français ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette l'ensemble des demandes présentées de ce chef ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la société Axa France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par infirmation du jugement entrepris, condamné la Société AXA COURTAGE, aux droits de laquelle vient la Société AXA FRANCE, à payer à Monsieur Jean-Marie X..., en deniers ou quittances valables, la somme de 821.158,08 euros au titre de son préjudice patrimonial ;

AUX MOTIFS QUE, au titre des pertes de gains professionnels, les experts concluent clairement à l'impossibilité pour la victime de reprendre son activité professionnelle du fait de l'accident dont il a été victime ; que Monsieur X... tente, à l'aide du rapport d'expertise de Monsieur Z..., de calculer arithmétiquement ce qu'auraient été ses gains au cours d'une carrière qui n'aurait connu aucun aléa, mais au contraire n'aurait connu que des succès en raison du développement du droit social, matière dont il dit avoir été un spécialiste ; que cependant un tel calcul ne peut être pris en compte par la Cour qui retiendra qu'en 1998, ses revenus étaient de l'ordre de 51.179 euros, sans qu'il soit nécessaire de tenir compte de l'incidence de l'impôt sur les sociétés qui devait être réglé par ACCES JURIS ; que dès lors, et compte tenu de l'ensemble des éléments produits par les parties, il convient de retenir un revenu annuel moyen de 65.000 euros, soit un préjudice économique jusqu'à la retraite de 65.000 x 10,945, soit 711.425 euros ; qu'il conviendra de déduire la somme de 58.898,98 euros revenant à la CNBF, ce qui laisse un solde disponible pour Monsieur X... au titre de ce poste de préjudice de 652.526,02 euros ; que l'incidence sur la retraite de Monsieur X... doit être calculée en fonction du chiffrage retenu ci-dessus pour un revenu de 65.000 euros ; que la Cour estime devoir fixer une telle perte à la somme de 99.000 euros ; que la perte totale au titre des gains professionnels s'établit donc à la somme de 99.000 + 652.526,02, soit une somme de 751.526,02 euros ; au titre de la perte de la valeur de la clientèle ; qu'en la matière, le premier juge qui a retenu l'évolution incertaine de la clientèle de Monsieur X..., lequel a en outre fait le choix d'arrêter son activité professionnelle, a fait une exacte appréciation en fixant ce poste de préjudice à la somme de 60.979,61 euros ;

ALORS QUE la Cour d'Appel ne pouvait sans se contredire, privant ainsi sa décision de motifs en violation de l'article 455 du Code de Procédure Civile, estimer que Monsieur X... était dans l'impossibilité de reprendre son activité professionnelle du fait de son accident (arrêt p. 5, pénultième alinéa) et retenir qu'il avait fait le choix d'arrêter son activité professionnelle (arrêt p. 6, alinéa 3), ce dont il résultait qu'elle n'était pas dans l'impossibilité de la reprendre.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par infirmation du jugement entrepris, condamné la Société AXA COURTAGE, aux droits de laquelle vient la Société AXA FRANCE, à payer à Monsieur Jean-Marie X..., en deniers ou quittances valables, la somme de 821.158,08 euros au titre de son préjudice patrimonial ;

AUX MOTIFS QUE, au titre des pertes de gains professionnels, les experts concluent clairement à l'impossibilité pour la victime de reprendre son activité professionnelle du fait de l'accident dont il a été victime ; que Monsieur X... tente, à l'aide du rapport d'expertise de Monsieur Z..., de calculer arithmétiquement ce qu'auraient été ses gains au cours d'une carrière qui n'aurait connu aucun aléa, mais au contraire n'aurait connu que des succès en raison du développement du droit social, matière dont il dit avoir été un spécialiste ; que cependant un tel calcul ne peut être pris en compte par la Cour qui retiendra qu'en 1998, ses revenus étaient de l'ordre de 51.179 euros, sans qu'il soit nécessaire de tenir compte de l'incidence de l'impôt sur les sociétés qui devait être réglé par ACCES JURIS ; que dès lors, et compte tenu de l'ensemble des éléments produits par les parties, il convient de retenir un revenu annuel moyen de 65.000 euros, soit un préjudice économique jusqu'à la retraite de 65.000 x 10,945, soit 711.425 euros ; qu'il conviendra de déduire la somme de 58.898,98 euros revenant à la CNBF, ce qui laisse un solde disponible pour Monsieur X... au titre de ce poste de préjudice de 652.526,02 euros ; que l'incidence sur la retraite de Monsieur X... doit être calculée en fonction du chiffrage retenu ci-dessus pour un revenu de 65.000 euros ; que la Cour estime devoir fixer une telle perte à la somme de 99.000 euros ; que la perte totale au titre des gains professionnels s'établit donc à la somme de 99.000 + 652.526,02, soit une somme de 751.526,02 euros ; au titre de la perte de la valeur de la clientèle ; qu'en la matière, le premier juge qui a retenu l'évolution incertaine de la clientèle de Monsieur X..., lequel a en outre fait le choix d'arrêter son activité professionnelle, a fait une exacte appréciation en fixant ce poste de préjudice à la somme de 60.979,61 euros ;

ALORS D'UNE PART QU' en affirmant que « les experts concluent clairement à l'impossibilité pour la victime de reprendre son activité professionnelle du fait de l'accident dont il avait été victime », cependant que, si le collège d'expert avait effectivement conclu que l'activité professionnelle de Monsieur X... « ne pourra être reprise », il n'en avait pas moins retenu, comme le faisait valoir la Compagnie AXA COURTAGE dans ses conclusions (p. 12 et s.), l'absence d'affaiblissement cognitif majeur de Monsieur X..., soulignant que « les performances intellectuelles ne sont pas sérieusement grevées par les troubles de concentration et de mémoire allégués » (rapport p. 35 in fine et p. 36 in limine) et estimé que « le fait d'avoir cessé ses activités paraît relever davantage de ses choix que de son handicap et d'une stratégie particulière ne voulant pas se contenter d'une demi-mesure d'une adaptation » (rapport p. 36) ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a dénaturé par omission ledit rapport d'expertise et violé l'article 4 du Code de Procédure Civile ;

ALORS D'AUTRE PART QU' en toute hypothèse, les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'après avoir énoncé qu'en 1998, année de l'accident, les revenus de Monsieur X... étaient de l'ordre de 51.179 euros, la Cour d'Appel a retenu que « compte tenu de l'ensemble des éléments produits par les parties, il convient de retenir un revenu annuel moyen de 65.00 euros » ; qu'en ne précisant pas les éléments sur lesquels elle se fondait et qui lui permettaient de conclure que le revenu annuel moyen de Monsieur X... était supérieur de 13.821 euros à celui qu'elle constatait avant l'accident, la Cour d'Appel a privé son arrêt de base légale au regard du principe de la réparation intégrale ;

ALORS ENFIN QU' en toute hypothèse, les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en ne précisant pas si le revenu de référence qu'elle fixait à la somme annuelle de 65.000 euros était un revenu net ou un revenu brut, quand il était soutenu qu'en matière d'indemnisation pour perte de revenu, seul le revenu net était à prendre en considération (conclusions p 14), la Cour d'Appel a derechef privé son arrêt de base légale au regard du principe de la réparation intégrale.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les sommes auxquelles la Société AXA COURTAGE, aux droits de laquelle vient la Société AXA FRANCE, était condamnée envers Monsieur X... et la Société ACCES JURIS porteront intérêts au double du taux légal à compter du 28 août 2008, et jusqu'à la date de l'arrêt sans tenir compte des provisions versées ni de la créance des organismes sociaux ;

AUX MOTIFS QUE le Docteur d'A... a déposé son premier rapport le 12 novembre 1999 ; que la Compagnie AXA a formulé des offres le 27 janvier 2000, lesquelles ont été refusées ; que le Docteur B... a déposé un nouveau rapport le 22 juillet 2003 ; que la compagnie a conclu en février 2004, comme rappelé dans le jugement déféré ; que rien ne permet de dire que ces offres étaient manifestement insuffisantes ; que les trois derniers experts ont déposé leur rapport le 28 mars 2008 ; que la Compagnie AXA n'a conclu que postérieurement au 28 août 2008 ; que dès lors le doublement des intérêts est dû par AXA COURTAGE à compter du 28 août 2008 jusqu'au rendu du présent arrêt sur les sommes qui seront allouées à Monsieur X... et ACCES JURIS, sommes constituant l'assiette de leurs préjudices, sans tenir compte des provisions versées ni de la créance des organismes sociaux ;

ALORS D'UNE PART QUE l'offre définitive d'indemnisation doit être faite dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation de la victime ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la date de consolidation de Monsieur X... était fixée dans les deux rapports d'expertise judiciaires successifs au 22 juillet 2003 (arrêt p. 3, al. & rapport d'expertise p. 38), que la Société AXA COURTAGE avait conclu en février 2004, après le dépôt du premier rapport d'expertise, et que les offres n'étaient pas manifestement insuffisantes ; qu'en imposant dès lors à l'assureur de formuler une nouvelle offre après le dépôt du second rapport du 28 mars 2008 qui n'avait pourtant pas modifié la date de consolidation, la Cour d'Appel a violé les articles L 211-9 et L 211-13 du Code des Assurances ;

ALORS D'AUTRE PART QUE, à supposer que l'assureur ait eu l'obligation de former une nouvelle offre d'indemnité à la suite du dépôt du dernier rapport d'expertise du 28 mars 2008, la majoration des intérêts n'était encourue qu'à compter de l'expiration d'un délai de cinq mois du jour de la connaissance que l'assureur avait eu de la date retenue par les derniers experts de la consolidation de la victime ; d'où il suit qu'en fixant le point de départ des intérêts majorés au 28 août 2008, soit cinq mois après le dépôt du dernier rapport d'expertise, sans rechercher la date à laquelle l'assureur avait eu connaissance du dernier rapport d'expertise, la Cour d'Appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L 211-9 et L 211-13 du Code des Assurances ;

ALORS ENCORE QUE, subsidiairement, lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ; qu'en retenant, comme assiette des intérêts majorés, les sommes qu'elle décidait d'allouer à Monsieur X... et à la Société ACCES JURIS cependant qu'elle constatait que, par conclusions du 16 janvier 2009, l'assureur avait présenté une offre d'indemnisation (arrêt p. 4), laquelle portait sur tous les postes de préjudices, ce dont il résultait que la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal avait pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur, et non l'indemnité telle que fixée par l'arrêt, la Cour d'Appel a violé les articles L 211-9 et L 211-13 du Code des Assurances ;

ALORS ENFIN QUE, subsidiairement, la majoration de l'intérêt ne peut être prononcée que jusqu'au jour de l'offre d'indemnité ou du jugement devenu définitif ; qu'en ordonnant le doublement des intérêts jusqu'au jour du prononcé de son arrêt quant elle constatait que, par conclusions du 16 janvier 2009, l'assureur avait présenté une offre d'indemnisation (arrêt p. 4), laquelle portait sur tous les postes de préjudices, ce dont il résultait que la majoration ne pouvait être prononcée que jusqu'au 16 janvier 2009, la Cour d'Appel a violé les articles L 211-9 et L 211-13 du Code des Assurances.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.