par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 17 février 2011, 09-13202
Dictionnaire Juridique

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Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 1ère chambre civile
17 février 2011, 09-13.202

Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu que la société Bloobox-net a créé sur internet un site accessible à l'adresse www.fuzz.fr sur lequel sont diffusées des informations ; que le 31 janvier 2008 a été publiée sur ce site, une brève rédigée en ces termes : "Kylie X... et Olivier Y... réunis et peut-être bientôt de nouveau amants", accompagnée d'un titre "Kylie X... et Olivier Y... toujours amoureux, ensemble à Paris", lui-même assorti d'un lien renvoyant à un article publié le 30 janvier 2008 sur le site www.célébrités-stars.blogspot.com ; qu'invoquant une atteinte à sa vie privée, M. Y... a saisi le juge des référés pour voir obtenir réparation et retrait immédiat de l'article sous astreinte ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué, (Paris, 21 novembre 2008) statuant en matière de référé, d'avoir débouté M. Y... de sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en matière de communication au public par voie électronique, la responsabilité de l'éditeur de contenus relève du droit commun de la responsabilité des éditeurs ; qu'en revanche, la responsabilité du fournisseur d'hébergement ne peut être engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire des services qu'il fournit, s'il n'avait pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère, ou si dès le moment où il en a eu cette connaissance, il a agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ; que le fournisseur d'hébergement est celui qui assure le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ; que celui qui contrôle un site internet, sur lequel il diffuse des informations ou autorise des tiers à y inscrire des informations, a la qualité d'éditeur et non de fournisseur d'hébergement, de sorte que sa responsabilité relève du droit commun de la responsabilité des éditeurs et non du droit spécial de la responsabilité des fournisseurs d'hébergement en matière de communication en ligne ; qu'en décidant néanmoins que la société bloobox-net, qu'elle a elle-même qualifiée d'"éditrice du site www.fuzz.fr", ne pouvait être considérée comme un éditeur, au sens de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, de sorte que sa responsabilité relevait du seul régime applicable aux hébergeurs, au motif inopérant que les internautes peuvent entrer directement des informations sur le site internet et, notamment, y insérer des liens vers d'autres sites, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, ensemble les articles 9 et 1382 du code civil, et l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°/ que subsidiairement, les personnes qui assurent, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services, si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ; qu'en se bornant à relever que M. Y... n'avait pas mis la société Bloobox-net en demeure de retirer de son site internet les données litigieuses, sans rechercher si, au regard de son activité limitée, la société Bloobox-net ne pouvait ignorer la présence des informations en cause sur son site internet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a relevé que l'activité de la société Bloobox-net, créatrice du site www.fuzz.fr, se bornait à structurer et classifier les informations mises à la disposition du public pour faciliter l'usage de son service mais que cette société n'était pas l'auteur des titres et des liens hypertextes, ne déterminait ni ne vérifiait les contenus du site, en a exactement déduit que relevait du seul régime applicable aux hébergeurs, la responsabilité de ce prestataire, fût-il créateur de son site, qui ne jouait pas un rôle actif de connaissance ou de contrôle des données stockées ; qu'ainsi la cour d'appel qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour M. Y....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, d'avoir débouté Monsieur Olivier Y... de sa demande tendant à voir condamner la Société BLOOBOX-NET à lui verser une provision en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'atteinte qu'elle a portée à l'intimité de sa vie privée ;

AUX MOTIFS QUE la SARL BLOOBOX-NET, qui a pour objet social la conception web et multimédia, édite sur internet un site accessible à l'adresse www.fuzz.fr ; qu'elle diffuse sur ce site des informations, dont certaines dans une rubrique "people" ont trait à l'actualité et à la vie privée d'artistes et de personnalités du spectacle ; que le 31 janvier 2008, ce site a publié une "brève" rédigée en ces termes :.Kylie X... et Olivier Y... réunis et peut-être bientôt de nouveau amants", accompagnée d'un titre "Kylie X... et Olivier Y... toujours amoureux, ensemble à Paris, lui-même assorti d'un lien renvoyant à un article publié le 30 janvier 2008 sur le site www.celebrites-stars.blogspot.com ; "La chanteuse Kylie X... qui a fait une apparition aux NJR Music Awards a ensuite été vue avec son ancien compagnon l'acteur français, Olivier Y.... La star a été vue à Paris promenant son chien ..., et alors qu'elle allait avec son ancien fiancé chez Yves St Laurent puis au café de Flore où elle aimait déjà se rendre lorsqu 'elle habitait Paris afin de recevoir le traitement pour soigner son cancer ; L'actrice âgée de 39 ans a créé bien malgré elle une petite émeute... alors qu 'elle promenait son chien avec Olivier Y..., dans les rues de Paris. Rappelons que les deux célébrités se sont séparées au mois de février 2007 lorsque l'acteur a été surpris en charmante compagnie et alors que Kylie X... ... suivait un lourd traitement contre le cancer. La star australienne est ensuite allée à la gare pour prendre un train Eurostar en direction de Londres mais elle pourrait d'après ses proches bientôt revoir Olivier Y... régulièrement" ; qu'invoquant une intrusion intolérable dans la sphère de son intimité, M. Olivier Y... a saisi le Juge des référés aux fins de voir constater cette atteinte à la vie privée et obtenir réparation de son préjudice moral, notamment voir ordonner le retrait immédiat de l'article sous astreinte, condamner la Société BLOOBOX NET au payement d'une provision de 30 000 € en réparation du préjudice moral et ordonner la publication de l'ordonnance sur la page du site internet sous astreinte ; que c'est dans ces conditions que l'ordonnance entreprise a été rendue ; que le premier juge a dit qu'en renvoyant au site www.celebrites-stars.blogspot.com, en agençant différentes rubriques telles que celle intitulée "people" et en titrant en gros caractères "Kylie X... et Olivier Y... toujours amoureux, ensemble à Paris", la société BLOOBOX NET a opéré un choix éditorial ; qu'il l'a considérée comme un éditeur de service de communication en ligne au sens de l'article 6 III 1 c de la loi susvisée renvoyant à l'article 93-2 de la loi du 21 juillet 1982 et par suite, responsable de la diffusion de propos portant atteinte à la vie privée de M. Y... ; qu'en cause d'appel, la Société BLOOBOX NET revendique le statut d'hébergeur au sens de l'article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique pour rejeter toute responsabilité, tandis que M. Y... lui attribue le rôle d'un éditeur ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 rappelé à l'article 1°` de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, le respect de la vie privée constitue une limite à la communication au public par voie électronique ; que l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 distingue les différents prestataires de cette communication en ligne ; que l'éditeur est, selon l'article 6 1-1, défini comme la personne ou la société qui "édite un service de communication en ligne" à titre professionnel ou non c'est-à-dire qui détermine les contenus mis à la disposition du public sur le service qu'elle a créé ; qu'en revanche, aux termes de l'article 6 I -2, l'hébergeur est la personne ou la société qui assure " même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services" ; que l'article 6-I-7° de la même loi précise que les hébergeurs ne sont pas soumis "à une obligation générale de surveillance des informations qu'ils stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites" ;qu'au vu de ce qui précède, le "prestataire technique" au sens de l'article 6 de la loi susvisée assure, en vue de leur communication au public en ligne, le stockage de données fournies par des tiers, et n'est pas, contrairement à l'éditeur, personnellement à l'origine des contenus diffusés ; qu'il convient d'apprécier si, au regard des dispositions de la loi du 21 juin 2004, la Société BLOOBOX NET détermine les contenus qui sont mis en ligne et si elle a la maîtrise du contenu éditorial des informations proposées sur son site et des titres résumant les informations ; qu'il n'est pas contesté que la Société BLOOBOX NET est éditrice du site www.fuzz.fr ; que ce site interactif offre aux internautes d'une part la possibilité de mettre en ligne des liens hypertextes en les assortissant de titres résumant le contenu des informations et d'autre part, le choix d'une rubrique telle que " économie ", "média", "sport" ou "people" etc, dans laquelle ils souhaitent classer l'information ; qu'ainsi, le 31 janvier 2008, un internaute a rédigé et déposé sur la rubrique "people" du site www.fuzz.fr un lien hypertexte renvoyant vers le site www.celebrites-stars.blogspot.com en ces termes: "Kylie X... et Olivier Y... réunis et peut-être bientôt de nouveau amants" et l'a assorti du titre suivant : Kylie X... et Olivier Y... toujours amoureux, ensemble à Paris" ; que c'est l'internaute qui utilisant les fonctionnalités du site, est allé sur le site source de l'information, www.celebrites-stars.blogspot.com, a cliqué sur le lien, l'a recopié sur la page du site de la Société BLOOBOX NET avant d'en valider la saisie pour le mettre effectivement en ligne sur le site www.fuzz.fr et a rédigé le titre ; qu'ainsi, l'internaute est l'éditeur du lien hypertexte et du titre ; que le fait pour la Société BLOOBOX NET, créatrice du site www.fuzz.fr, de structurer et de classifier les informations mises à la disposition du public selon un classement choisi par elle permettant de faciliter l'usage de son service entre dans la mission du prestataire de stockage et ne lui donne pas la qualité d'éditeur dès lors qu'elle n'est pas l'auteur des titres et des liens hypertexte et qu'elle ne détermine pas les contenus du site, source de l'information, www.celebrites-stars.blogspot.com que cible le lien hypertexte qu'elle ne sélectionne pas plus ; qu'elle n'a enfin aucun moyen de vérifier le contenu des sites vers lesquels pointent les liens mis en ligne par les seuls internautes ; qu'au vu de ce qui précède, il résulte que la société BLOOBOX NET ne peut être considérée comme un éditeur au sens de la toi pour la confiance dans l'économie numérique, sa responsabilité relevant du seul régime applicable aux hébergeurs ; qu'à l'exception de certaines diffusions expressément visées par la loi relatives à la pornographie enfantine, à l'apologie des crimes contre l'humanité et à l'incitation à la haine raciale que l'hébergeur doit, sans attendre une décision de justice, supprimer, sa responsabilité civile ne peut être engagée du fait des informations stockées s'il n'a pas effectivement eu connaissance de leur caractère illicite ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer les données ou en rendre l'accès impossible ; qu'il appartient à celui qui se plaint d'une atteinte à ses droits d'en informer l'hébergeur dans les conditions de l'article 6-I-5° de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 ; que dès cette connaissance prise, l'article 6-1-2° de la loi impose à l'hébergeur d'agir "promptement" ;

1°) ALORS QU'en matière de communication au public par voie électronique, la responsabilité de l'éditeur de contenus relève du droit commun de la responsabilité des éditeurs ; qu'en revanche, la responsabilité du fournisseur d'hébergement ne peut être engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire des services qu'il fournit, s'il n'avait pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère, ou si dès le moment où il en a eu cette connaissance, il a agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ; que le fournisseurs d'hébergement est celui qui assure le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ; que celui qui contrôle un site Internet, sur lequel il diffuse des informations ou autorise des tiers à y inscrire des informations, a la qualité d'éditeur et non de fournisseur d'hébergement, de sorte que sa responsabilité relève du droit commun de la responsabilité des éditeurs et non du droit spécial de la responsabilité des fournisseurs d'hébergement en matière de communication en ligne ; qu'en décidant néanmoins que la Société BLOOBOX-NET, qu'elle a elle-même qualifiée d'« éditrice du site www.fuzz.fr », ne pouvait être considérée comme un éditeur, au sens de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, de sorte que sa responsabilité relevait du seul régime applicable aux hébergeurs, au motif inopérant que les internautes peuvent entrer directement des informations sur le site Internet et, notamment, y insérer des liens vers d'autres sites, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, ensembles les articles 9 et 1382 du Code civil, et l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile ;


2°) ALORS QUE, subsidiairement, les personnes qui assurent, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services, si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ; qu'en se bornant à relever que Monsieur Y... n'avait pas mis la Société BLOOBOX-NET en demeure de retirer de son site Internet les données litigieuses, sans rechercher si, au regard de son activité limitée, la Société BLOOBOX-NET ne pouvait ignorer la présence des informations en cause sur son site Internet, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.



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Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.