par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 6 décembre 2011, 10-30896
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Cour de cassation, chambre commerciale
6 décembre 2011, 10-30.896
Cette décision est visée dans la définition :
Avocat
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Ceco construction a remis à la société d'avocats Sedex, en rémunération de ses prestations, une lettre de change d'un montant de 11 746,51 euros tirée sur la société Lajedo bâtiment ; que l'effet, endossé à son profit, n'ayant pas été réglé à son échéance, la société Sedex a assigné en paiement la société Lajedo bâtiment qui s'est prévalue du manquement de la société Sedex à ses règles déontologiques lui faisant obligation de ne recevoir une lettre de change d'un client que si ce dernier en est le tiré ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche:
Vu l'article 11-6, 2e alinéa, du Règlement intérieur national des barreaux (RI), ensemble les articles L. 511-11 et L. 511-12 du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement du titre cambiaire de la société Sedex, l'arrêt, après avoir relevé que la règle en cause, inscrite à l'article 11-6 du RI et selon laquelle "l'avocat peut recevoir un paiement par lettre de change dès lors que celle-ci est acceptée par le tiré, client de l'avocat", est une norme légale dont la violation ne constitue pas seulement une infraction disciplinaire mais peut avoir des conséquences sur le plan civil ou commercial, retient que le fait pour un avocat de ne pouvoir être payé que par une lettre de change tirée sur un client est fondé sur l'ordre public et participe aux principes essentiels de la profession, codifiés par le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, selon lesquels un auxiliaire de justice ne peut accepter des fonds dont il ne peut contrôler la provenance, et en déduit que la société Sedex, qui n'est pas un porteur légitime de la lettre de change, ne peut réclamer paiement de ses causes ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation prévue à l'article 11-6 du RI, est une règle de nature déontologique éventuellement passible de sanctions disciplinaires qui ne peut priver le porteur de ses recours cambiaires, dès lors qu'il n'est pas allégué qu'en l'acquérant dans de telles conditions, il aurait agi de mauvaise foi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Lajedo bâtiment aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Rouvière, avocat aux Conseils pour la société Sedex
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la SELARL SEDEX de ses demandes dirigées contre de la société LAJEDO BATIMENT, et de l'avoir condamnée à lui verser une somme de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE la société Lajedo Bâtiment conclut à l'absence pure et simple de créance reprochant à la société Ceco Construction, en charge de différents lots de construction dans le cadre de trois contrats de sous-traitance, diverses malfaçons, voire un abandon de chantier ; mais que le principe de l'inopposabilité des exceptions posé par l'article L 511-12 du code de commerce autorise le tiré accepteur à discuter le montant ou l'existence de la provision dans la seule hypothèse où le le porteur aurait acquis la lettre de mauvaise foi, à son détriment ; que cette preuve, dont le tiré a la charge, ne saurait résulter du seul fait que la société Sedex savait, pour être intervenue aux côtés de la société Ceco Construction, que la reddition des comptes entre les deux entreprises de construction était discutée ou de l'ouverture de la procédure collective intervenue plus de sept mois plus tard ; que la société Lajedo Bâtiment conclut en second lieu à la nullité de l'endossement de la société Sedex au regard de l'article 11-6 du règlement intérieur national (RIN) de la profession d'avocat ; que la société Sedex, dont les premiers juges ont adopté les conclusions, estime que la règle précitée relève de la déontologie des avocats et que seul le Bâtonnier de l'Ordre pourrait sanctionner sa violation ; mais que les règles professionnelles ont toujours été source de droit, permettant de les invoquer utilement devant le juge civil ou commercial ; qu'au surplus, en l'espèce, le texte litigieux relève du RIN élaboré par le Conseil National des barreaux que la loi du 11 février 2004 a doté d'un pouvoir normatif pour unifier les règles et usages de la profession ; que le caractère réglementaire et autonome du RIN a été confirmé par le décret du 15 juillet 2007 qui prévoit sa publication au Journal Officiel, à laquelle il a été procédé le 11 août 2007 ; que l'article 11-6 dont le 2eme alinéa dispose :"L'avocat peut recevoir un paiement par lettre de change dès lors que celle-ci est acceptée par le tiré, client de l'avocat" est une norme légale qui doit être respectée et dont la violation ne constitue pas seulement une infraction disciplinaire mais peut avoir des conséquences sur le plan civil ou commercial ; que le fait pour un avocat de ne pouvoir être payé que par une lettre de change tirée sur un client est fondé sur l'ordre public et participe aux principes essentiels de la profession, codifiés par le décret n°2005-790 du 12 juillet 2005, selon lesquels un auxiliaire de justice ne peut accepter des fonds dont il ne peut contrôler la provenance ; que l'interdiction ainsi posée s'analyse en droit comme une incapacité d'exercice dont la violation peut être sanctionnée par la nullité absolue au regard du but poursuivi, ce qui amène la société Lajedo Bâtiment à se prévaloir de la nullité de l'endossement ; mais que le prononcé de cette nullité n'est pas nécessaire pour accueillir la demande, la seule circonstance que société Sedex ne soit pas un porteur légitime de la lettre de change, qualité exigée par l'article L511-12 du code de commerce, ne lui permettant pas de réclamer paiement de ses causes ; qu'il convient en conséquence, infirmant le jugement déféré, de débouter la société Sedex de sa demande;
1°/ ALORS QUE la société LAJEDO BATIMENT s'étant bornée à invoquer la nullité de l'endossement de la lettre litigieuse par la société SEDEX sur le seul fondement de l'article 11-6 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat qui fait interdiction à un avocat de recevoir un paiement par une lettre de change dont le tiré n'est pas son client, la cour d'appel ne pouvait infirmer le jugement et débouter la société SEDEX en se déterminant par un moyen relevé d'office et sans avoir, au préalable, inviter les parties à présenter leurs observations, tenant à l'ordre public, aux principes essentiels de la profession d'avocat résultant du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, selon lequel un auxiliaire de justice ne peut accepter des fonds dont il ne peut contrôler la provenance ; que dès lors l'arrêt est entaché d'une violation du principe du contradictoire et de l'article 16 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE l'objet du Règlement intérieur national de la profession d'avocat (RNI) n'est pas de réglementer les effets de commerce ; qu'il en résulte que l'interdiction faite à un avocat par l'article 11-6 de ce règlement d'accepter en règlement de ses honoraires une lettre de change tirée sur une personne autre que son client est une règle de nature déontologique qui n'est passible, en vertu de l'article 183 du décret du 27 novembre 1991, que de sanctions disciplinaires ; que la méconnaissance de cette règle par un avocat, dont la mauvaise foi au sens de l'article L 511-12 du Code de commerce est écartée, ne peut lui faire perdre son recours camber contre le tiré, peu important son caractère réglementaire ; qu'en retenant en l'espèce que l'article 11-6 du RIN avait un caractère réglementaire et autonome, de sorte que sa violation ne constituait pas seulement une infraction disciplinaire mais entraînait des conséquences sur le plan civil ou commercial, de sorte que la société SEDEX ne pouvait être considérée comme porteur légitime de la lettre de change litigieuse, la Cour d'appel a violé le texte précité, ensemble les articles L. 511-11 et L. 511-12 du Code de commerce.
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Avocat
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.