par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 31 janvier 2012, 10-25429
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Cour de cassation, chambre sociale
31 janvier 2012, 10-25.429

Cette décision est visée dans la définition :
Délégué syndical




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, que des élections en vue du renouvellement de la délégation unique du personnel ont eu lieu au sein de la société Rover, dont le premier tour a été fixé au 10 mai 2010 ; que la Chambre syndicale des forces de vente (CSN) qui avait présenté un candidat sous le sigle CSN-CFE/ CGC a obtenu quatre voix sur les quarante-cinq suffrages exprimés dans l'ensemble de l'entreprise ; que le 25 mai suivant, la société Rover a adressé à la CSN le procès-verbal des élections et une lettre dans laquelle elle précisait à ce syndicat qu'il n'était pas " reconnu représentatif ", pour avoir obtenu moins de 10 % des suffrages exprimés ; que par lettre du 31 mai 2010, reçue le 2 juin, le CSN a contesté auprès de la société Rover son absence de représentativité, en indiquant que M. X..., qui occupait ces fonctions depuis 1998, restait son délégué syndical ; que la société Rover a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de cette désignation ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu que la CSN et M. X... font grief au jugement d'annuler la désignation de celui-ci en qualité de délégué syndical alors, selon le moyen :

1°/ que toute contestation visant le mandat d'un délégué syndical motivée par la survenance d'un fait nouveau doit être obligatoirement formée dans les quinze jours de la connaissance de ce fait, sous peine de forclusion ; qu'en l'espèce, la société Rover contestait le mandat de délégué syndical CSN de M. X... en raison de ce que ce syndicat ayant réalisé une audience inférieure à 10 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles en date du 10 mai 2010, il n'aurait plus été représentatif au sein de l'entreprise ; qu'en décidant que la société Rover, qui avait saisi le tribunal d'instance d'une requête en annulation de la désignation, par la CSN, de M. X... en qualité de délégué syndical le 14 juin 2010, soit plus de quinze jours après la proclamation des résultats du premier tour des élections professionnelles intervenu le 10 mai 2010 n'était pas forclose en son action, le tribunal d'Instance a violé les articles L. 2143-8 et R. 2324-4 du code du travail ;

2°/ qu'aux termes de son courrier en date du 31 mai 2010, après avoir observé que la représentativité de la CSN, organisation syndicale catégorielle, devait s'apprécier en considération de l'audience électorale obtenue au sein du seul collège où figurait son candidat et que M. X... ayant obtenu au moins 10 % du total des suffrages exprimés au sein du collège VRP elle était représentative au sein de la société Rover, la CSN s'était contentée de déclarer que le résultat des dernières élections professionnelles « pérennis (ait) » le mandat de délégué syndical de son adhérent, lequel avait été désigné en cette qualité à compter du 30 décembre 1998 ; qu'en affirmant que, par ce courrier du 31 mai 2010, la CSN avait procédé à une « désignation » de M. X... en qualité de délégué syndical et en en déduisant faussement que la société Rover ne pouvait agir et n'avait d'intérêt à agir que dans le délai de quinze jours courant « à compter de la désignation opérée par la CSN de M. X... » de sorte qu'elle n'aurait pas été forclose dans son action, le tribunal d'Instance a dénaturé ledit courrier de la CSN en date du 31 mai 2010 et violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que le droit pour un syndicat de désigner un délégué syndical n'est pas conditionné par la contestation préalable du résultat des élections professionnelles antérieures, ni davantage enfermé dans le délai de contestation de ces élections professionnelles ; qu'en annulant la désignation de M. X... par la CSN du seul fait que la CSN n'avait pas contesté les élections professionnelles lors desquelles M. X... n'avait pas été élu, le tribunal a violé les articles L. 2143-3 et L. 2143-8 du code du travail ;

Mais attendu que le mandat de délégué syndical prend fin lors du renouvellement des institutions représentatives dans l'entreprise ; que la désignation, à l'issue de ces nouvelles élections, d'un délégué syndical, fait courir à compter de la date de cette désignation le délai prévu par l'article R. 2324-24 du code du travail même si le salarié désigné exerçait déjà cette mission avant le nouveau scrutin ; que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, ne saurait être accueilli ;

Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article R. 2314-28 du code du travail ;

Attendu que le délai prévu par ce texte n'est pas applicable aux contestations qui ne portent que sur la prétention d'un syndicat à la qualité de syndicat représentatif, sans remise en cause des résultats du scrutin ;

Attendu que, pour annuler la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical, le tribunal retient que l'absence de contestation par la CSN des résultats publiés vaut acquiescement à ces résultats ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la CSN ne contestait ni le nombre de voix qu'elle avait recueilli, ni le nombre de suffrages exprimés dans chaque collège, mais soutenait qu'en raison de son caractère catégoriel et de son affiliation à une confédération interprofessionnelle nationale, son audience devait être calculée sur le seul collège dans lequel ses règles statutaires lui donnaient vocation à présenter des candidats, ce dont il résultait que sa prétention à la qualité de syndicat représentatif n'était pas soumise au délai de forclusion prévu par l'article R. 2314-28 du code du travail, le tribunal a violé par fausse application le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 septembre 2010, entre les parties, par le tribunal d'instance de Mantes-la-Jolie ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Poissy ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Rover à payer à la Chambre syndicale des forces de vente et à M. X... la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour M. X... et la Chambre syndicale des forces de vente

Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR annulé la désignation de monsieur François X... en qualité de délégué syndical par la CSN.

AUX MOTIFS QU'il ressort de l'examen des pièces fournies aux débats, ainsi que des arguments développés par les parties, que monsieur X... avait été désigné par le syndicat CSN comme délégué syndical à compter du 30 décembre 1998 ; que cependant des élections professionnelles ont eu lieu au sein de la société ROVER le 10 mai 2010 ; que la CSN n'a pas été signataire du protocole électoral mais que, par courrier du 15 avril 2010, elle a informé la société ROVER qu'elle présentait monsieur X... comme délégué syndical en qualité de titulaire du collège VRP, sous le sigle CSN/ CFE/ CGC ; qu'il ressort du procès-verbal dressé le 10 mai 2010 à la suite du premier tour du scrutin des élections professionnelles au sein de la société ROVER que le syndicat CSN a obtenu 4 voix et a été déclaré NON ELU, et ce dès le 10 mai 2010 de sorte que le mandat de monsieur X... expirait à cette date ipso facto, en application des dispositions de l'article L 2143-11 du Code du travail, et que ce syndicat ne peut prétendre que la société ROVER serait forclose dans son action au motif qu'elle aurait initié son action par une requête reçue au greffe du Tribunal d'Instance en date du 14 juin 2010, soit bien plus de 15 jours après le premier tour des élections, le point de départ du délai de 15 jours n'étant évidemment pas la date du suffrage, date à laquelle un résultat était proclamé, résultat que la société ROVER n'avait aucune raison de contester … ; que la société ROVER ne pouvait agir et n'avait d'intérêt à agir que dans le délai de 15 jours courant à compter de la désignation opérée par la CSN de monsieur X... comme délégué syndical, désignation dont la société ROVER a eu connaissance par courrier du 31 mai 2010 reçu le 2 juin 2010, de sorte que l'action a bien été initiée dans le délai de 15 jours légalement prévu, et ne saurait être déclarée forclose ; qu'il ressort de l'examen des pièces versées aux débats par la société ROVER que cette société, cohérente dans sa démarche dont elle avait informé les salariés sans que la CSN n'émette de contestation devant le Tribunal d'Instance, n'a à la suite des élections du 10 mai 2010, pas convoqué monsieur X... à la réunion du comité d'entreprise du 28 mai 2010, ce qui n'a pas davantage donné lieu à contestation par ce syndicat, qui ne pouvait par la suite désigner un délégué syndical sans avoir saisi le Tribunal d'Instance, seul juge compétent pour statuer sur ce type de contestation ; qu'il résulte de cette absence de contestation du résultat des élections que le Tribunal d'Instance ne saurait statuer sur le fond sans outrepasser ipso facto les dispositions du Code du travail prévoyant des délais pour contester le résultat obtenu à l'issue d'élections professionnelles, et que l'absence de contestation (par la CSN) des résultats publiés au sein de la société ROVER vaut acquiescement auxdits résultats, de sorte que la désignation postérieure de monsieur X... en qualité de délégué syndical par la CSN ne peut qu'être annulée.

1°) ALORS QUE toute contestation visant le mandat d'un délégué syndical motivée par la survenance d'un fait nouveau doit être obligatoirement formée dans les 15 jours de la connaissance de ce fait, sous peine de forclusion ; qu'en l'espèce, la société ROVER contestait le mandat de délégué syndical CSN de monsieur X... en raison de ce que ce syndicat ayant réalisé une audience inférieure à 10 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles en date du 10 mai 2010, il n'aurait plus été représentatif au sein de l'entreprise ; qu'en décidant que la société ROVER, qui avait saisi le Tribunal d'Instance d'une requête en annulation de la désignation, par la CSN, de monsieur X... en qualité de délégué syndical le 14 juin 2010, soit plus de quinze jours après la proclamation des résultats du premier tour des élections professionnelles intervenu le 10 mai 2010 n'était pas forclose en son action, le Tribunal d'Instance a violé les articles L 2143-8 et R 2324-4 du Code du travail.

2°) ALORS QU'aux termes de son courrier en date du 31 mai 2010, après avoir observé que la représentativité de la CSN, organisation syndicale catégorielle, devait s'apprécier en considération de l'audience électorale obtenue au sein du seul collège où figurait son candidat et que monsieur X... ayant obtenu au moins 10 % du total des suffrages exprimés au sein du collège VRP elle était représentative au sein de la société ROVER, la CSN s'était contentée de déclarer que le résultat des dernières élections professionnelles « pérennis (ait) » le mandat de délégué syndical de son adhérent, lequel avait été désigné en cette qualité à compter du 30 décembre 1998 ; qu'en affirmant que, par ce courrier du 31 mai 2010, la CSN avait procédé à une « désignation » de monsieur X... en qualité de délégué syndical et en en déduisant faussement que la société ROVER ne pouvait agir et n'avait d'intérêt à agir que dans le délai de 15 jours courant « à compter de la désignation opérée par la CSN de monsieur X... » de sorte qu'elle n'aurait pas été forclose dans son action, le Tribunal d'Instance a dénaturé ledit courrier de la CSN en date du 31 mai 2010 et violé l'article 1134 du Code civil.

3°) ALORS QUE le droit pour un syndicat de désigner un délégué syndical n'est pas conditionné par la contestation préalable du résultat des élections professionnelles antérieures, ni davantage enfermé dans le délai de contestation de ces élections professionnelles ; qu'en annulant la désignation de monsieur X... par la CSN du seul fait que la CSN n'avait pas contesté les élections professionnelles lors desquelles monsieur X... n'avait pas été élu, le tribunal a violé les articles L 2143-3 et L 2143-8 du Code du travail.

4°) ALORS QU'en tout état de cause, en affirmant péremptoirement que le syndicat CSN ayant obtenu lors du premier tour de scrutin 4 voix et ayant été déclaré non élu le 10 mai 2010, le mandat de monsieur X... avait expiré à cette date ipso facto, en application des dispositions de l'article L 2143-11 du Code du travail, sans même rechercher si, ainsi qu'il y avait été expressément invité par les conclusions de l'exposante (p. 4, § B), compte tenu de ce que la CSN est un syndicat catégoriel, la mesure de son audience électorale ne devait pas s'opérer au sein du seul collège défini par ses statuts, celui des VRP, en application des dispositions de l'article L 2122-2 du Code du travail, et non pas tous collèges confondus, comme pour un syndicat généraliste, de sorte que la CSN était toujours représentative au sein de la société ROVER et que le mandat de délégué syndical de monsieur X... n'avait donc pu expirer à la date de la proclamation des résultats des élections intervenues et être remis en cause, le Tribunal d'Instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L 2143-3 et L 2143-8 du Code du travail.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.