par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 14 mai 2014, 12-35035
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
14 mai 2014, 12-35.035

Cette décision est visée dans la définition :
Tierce-opposition




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 novembre 2012), que M. Patrick X... a été placé sous tutelle par jugement du 18 septembre 1981, sa mère étant désignée en qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire ; qu'au décès de cette dernière, la soeur du majeur protégé, Mme Monique X..., a été désignée en cette qualité ; qu'en septembre 2011, elle a formé tierce opposition au jugement ;

Attendu qu'elle fait grief à l'arrêt de déclarer ce recours irrecevable, alors, selon le moyen :

1°/ qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; qu'en l'espèce, le fait que Mme X..., qui n'était pas partie à l'instance, ni représentée devant le tribunal d'instance de Belley, ait été entendue le 3 juillet 1981 dans le cadre de la procédure d'ouverture de la tutelle de son frère, M. Patrick X..., n'était pas de nature à lui conférer la qualité de partie au jugement frappé de tierce opposition, une communauté d'intérêt ne pouvant suffire, par ailleurs, à caractériser une représentation ; que dès lors, en confirmant le jugement en retenant que l'intéressée avait été entendue en qualité de soeur de la personne à protéger et que les membres de la famille proche n'étaient pas considérés comme des tiers au sens de l'article 493 ancien du code civil, 430 du code civil et 1239 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ces textes, ainsi que les articles 582 et 583 du code de procédure civile ;


2°/ qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; qu'en l'espèce, la tierce opposition formée par Mme X... n'ayant pas pour objet de remettre en cause la mesure de tutelle prise à l'égard de son frère, M. Patrick X..., mais de rendre la dignité et le respect à ses parents, de rétablir la réalité pour la reconnaissance de son patrimoine et d'intégrer le statut de travailleur handicapé de son frère, ce qui constituait une action personnelle, la cour d'appel ne pouvait déclarer la tierce opposition irrecevable, sans violer l'article 583 du code de procédure civile ;

3°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'en l'espèce, en déclarant irrecevable la tierce opposition formée par Mme X... contre le jugement du tribunal d'instance de Belley du 23 janvier 2012, au motif qu'elle avait été entendue par la juridiction en qualité de soeur de la personne à protéger, et qu'elle disposait d'un recours sur le fondement des articles 493 ancien du code civil, 430 du code civil et 1239 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 6, alinéa 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ qu'en supposant même que Mme X... n'ait pas eu la qualité de tiers au sens de l'article 583 du code de procédure civile, la cour d'appel tenue de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable, ne pouvait déclarer irrecevable sa tierce opposition au jugement de tutelle de M. Patrick X... du 18 septembre 1981, en considérant qu'étant membre de la famille proche elle pouvait, par application des articles 493 ancien du code civil, 430 du code civil et 1239 du code de procédure civile faire un recours contre ce jugement, sans rechercher si l'intéressée avait été mise en mesure d'exercer cette voie de recours, par une notification régulière de la décision litigieuse ; qu'en l'absence d'une telle recherche, l'arrêt manque de base légale au regard des articles 680, 1239 du code de procédure civile, 493 ancien du code civil et 430 du code civil ;

5°/ qu'en affirmant, par adoption des motifs du jugement, que Mme X... avait participé à l'exécution du jugement du 18 septembre 1981 dès lors qu'elle avait été désignée, à la suite du décès de Mme Andréa X..., administratrice légale sous contrôle judiciaire des biens de son frère, M. Patrick X..., la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, le fait qu'en dehors de toute demande de sa part, elle ait été désignée représentant légal de son frère, n'étant pas de nature à faire disparaître les irrégularités dont est entaché le jugement frappé de tierce opposition et à l'égard desquelles elle sollicitait, à titre personnel, le rétablissement de la réalité ; que dès lors l'arrêt est entaché d'une violation des articles 455, 582 et 583 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir retenu, à bon droit, que celui qui peut former un recours ou un appel contre un jugement n'est pas recevable à le critiquer par la voie de la tierce opposition et relevé que l'article 493, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, applicable au jour du jugement, ouvrait un recours aux frères et soeurs du majeur protégé à l'encontre du jugement d'ouverture de la tutelle, même s'ils n'étaient pas intervenus à l'instance, l'arrêt en déduit exactement que Mme X... était irrecevable à former tierce opposition au jugement du 18 septembre 1981 ; qu'abstraction faite du motif adopté, erroné mais surabondant, relatif à l'audition de Mme X... par le juge des tutelles, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée et s'est assurée que Mme X... disposait d'une voie de droit pour défendre ses intérêts, a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour Mme X....

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal d'instance de BELLEY du 23 janvier 2012, en ce qu'il a déclaré irrecevable la tierce opposition formée par Madame Monique X... à l'encontre du jugement de tutelle de Monsieur Patrick X... en date du 18 septembre 1981

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 583 du Code de procédure civile dispose qu'« est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, et à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque¿En matière gracieuse, la tierce opposition n'est ouverte qu'aux tiers auxquels la décision n'a pas été notifiée » ; que Madame X... revendique la qualité de tiers ; que le jugement a notamment dit que Madame X... n'était pas un tiers dans la mesure où elle avait été entendue avec sa mère dans le cadre de l'instruction de la mesure envisagée, ce qui ressort du jugement du 18 septembre 1981 ; que précisément, Madame X... a été entendue en ce qu'elle était la soeur de Monsieur Patrick X... ; qu'en matière de tutelle, les membres de la famille proche ne sont pas considérés comme des tiers : l'article 493 ancien du Code civil, applicable à la date du jugement, ouvrait notamment aux frères et soeurs un recours, même s'ils n'étaient pas intervenus à l'instance, devant le tribunal de grande instance ; que le nouvel article 1239 du Code de procédure civile ouvre également l'appel contre les jugements statuant sur une mesure de protection, aux personnes énumérées à l'article 430 du Code civil, même si elles ne sont pas intervenues à l'instance, soit notamment un parent au sens de la parenté ; que par ailleurs, la personne qui peut exercer un recours ou un appel, n'est pas recevable à critiquer le jugement par la voie de la tierce opposition ; qu'elle n'est pas un tiers au sens de l'article 582 du Code de procédure civile ; que Madame X... est en conséquence irrecevable à exercer une tierce opposition au jugement ; qu'il lui appartenait d'exercer le recours particulier qui lui était réservé par la loi ; qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les dispositions de l'article 582 du Code de procédure civile qui traite de la finalité de l'exercice de la tierce opposition, cette voie de recours étant fermée à Madame X..., soeur du majeur protégé ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la tierce opposition formée par Madame Monique X... à l'encontre du jugement de tutelle de Monsieur Patrick X... en date du 18 septembre 1981

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la tierce opposition est une voie de recours exceptionnelle non suspensive d'exécution et dont les conditions sont édictées par les articles 582 et 583 du Code de procédure civile ; que l'article 582 dispose : « La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque. Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit » ; que quant à lui, l'article 583 stipule : « Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque¿En matière gracieuse, la tierce opposition n'est ouverte qu'aux tiers auxquels la décision n'a pas été notifiée » ; que la tierce opposition ne peut être formée que par un tiers au jugement attaqué, c'est-à-dire une personne ni partie ni représentée à cette décision ; qu'en l'espèce, Madame Monique X... ne peut se prévaloir de cette position particulière pour deux motifs : - d'une part le jugement du 18 septembre 1981 précise qu'elle a été entendue avec sa mère dans le cadre de l'instruction de la mesure de tutelle envisagée ; - d'autre part elle a participé à l'exécution de cette décision lorsqu'elle a été désignée administratrice légale sous contrôle judiciaire des biens de son frère Patrick ; que dans ces conditions il convient de déclarer cette action irrecevable.

1°/ ALORS QU'EST recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; qu'en l'espèce, le fait que Madame X..., qui n'était pas partie à l'instance, ni représentée devant le Tribunal d'instance de Belley, ait été entendue le 3 juillet 1981 dans le cadre de la procédure d'ouverture de la tutelle de son frère, Monsieur Patrick X..., n'était pas de nature à lui conférer la qualité de partie au jugement frappé de tierce opposition, une communauté d'intérêt ne pouvant suffire, par ailleurs, à caractériser une représentation ; que dès lors, en confirmant le jugement en retenant que l'intéressée avait été entendue en qualité de soeur de la personne à protéger et que les membres de la famille proche n'étaient pas considérés comme des tiers au sens de l'article 493 ancien du Code civil, 430 du Code civil et 1239, du Code de procédure civile, la cour d'appel a violé ces textes, ainsi que les articles 582 et 583 du Code de procédure civile ;

2°/ ALORS QU'EST recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; qu'en l'espèce, la tierce opposition formée par Madame X... n'ayant pas pour objet de remettre en cause la mesure de tutelle prise à l'égard de son frère, Monsieur Patrick X..., mais de rendre la dignité et le respect à ses parents, de rétablir la réalité pour la reconnaissance de son patrimoine et d'intégrer le statut de travailleur handicapé de son frère, ce qui constituait une action personnelle, la Cour d'appel ne pouvait déclarer la tierce opposition irrecevable, sans violer l'article 583 du Code de procédure civile ;

3°/ ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'en l'espèce, en déclarant irrecevable la tierce opposition formée par Madame X... contre le jugement du Tribunal d'instance de Belley du 23 janvier 2012, au motif qu'elle avait été entendue par la juridiction en qualité de soeur de la personne à protéger, et qu'elle disposait d'un recours sur le fondement des articles 493 ancien du Code civil, 430 du Code civil et 1239 du Code de procédure civile, la Cour d'appel a violé l'article 6 alinéa 1er de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ ALORS QU'EN supposant même que Madame X... n'ait pas eu la qualité de tiers au sens de l'article 583 du Code de procédure civile, la Cour d'appel tenue de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui sont applicables, ne pouvait déclarer irrecevable sa tierce opposition au jugement de tutelle de Monsieur Patrick X... du 18 septembre 1981, en considérant qu'étant membre de la famille proche elle pouvait, par application des articles 493 ancien du Code civil, 430 du Code civil et 1239 du Code de procédure civile faire un recours contre ce jugement, sans rechercher si l'intéressée avait été mise en mesure d'exercer cette voie de recours, par une notification régulière de la décision litigieuse ; qu'en l'absence d'une telle recherche, l'arrêt manque de base légale au regard des articles 680, 1239 du Code de procédure civile, 493 ancien du Code civil et 430 du Code civil ;


5°/ ALORS QU'EN affirmant, par adoption des motifs du jugement, que Madame X... avait participé à l'exécution du jugement du 18 septembre 1981 dès lors qu'elle avait été désignée, à la suite du décès de Madame Andréa X..., administratrice légale sous contrôle judiciaire des biens de son frère, Monsieur Patrick X..., la Cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, le fait qu'en dehors de toute demande de sa part, elle ait été désignée représentant légal de son frère, n'étant pas de nature à faire disparaître les irrégularités dont est entaché le jugement frappé de tierce opposition et à l'égard desquelles elle sollicitait, à titre personnel, le rétablissement de la réalité ; que dès lors l'arrêt est entaché d'une violation des articles 455, 582 et 583 du Code de procédure civile.



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Tierce-opposition


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.