par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 2 décembre 2014, 13-24405
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Cour de cassation, chambre commerciale
2 décembre 2014, 13-24.405

Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 622-21 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Mimax (la SCI) a fait entreprendre des travaux sur un immeuble dont elle est propriétaire, notamment la pose d'un chéneau prenant appui sur l'immeuble voisin appartenant à Mme X... ; que cette dernière, estimant que ces travaux empiétaient sur sa propriété et qu'ils avaient causé des désordres, a assigné la SCI devant le juge des référés pour obtenir la désignation d'un expert ; qu'en cours d'expertise, la SCI a appelé en intervention forcée l'architecte et la société Delignières, couvreur ; que celle-ci ayant été mise en liquidation judiciaire, et la société Bernard et Nicolas Y... désignée liquidateur, le juge des référés a retenu que l'article L. 622-21 du code de commerce interdisait une telle action ;

Attendu que, pour confirmer cette décision, interdire d'engager l'action en extension d'expertise contre le liquidateur de la société Delignières, inviter en conséquence toute partie intéressée à évaluer et déclarer sa créance dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, l'arrêt retient que l'article L. 622-21 du code de commerce interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance est née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, que cette interdiction englobe nécessairement une demande d'expertise faite par un créancier dès lors qu'une telle action vise à établir la responsabilité du débiteur et à obtenir réparation, la SCI n'étant pas en mesure d'indiquer quelle conséquence juridique, autre qu'une demande indemnitaire, pourrait avoir sa demande tendant à ce que l'expertise soit déclarée commune et opposable à la société Delignières ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'action de la SCI ne tendait pas par elle-même à la condamnation de la société Delignières au paiement d'une somme d'argent et ne contrevenait donc pas à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;

Condamne la société Bernard et Nicolas Y..., en qualité de liquidateur de la société Delignières, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Mimax.

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'interdiction d'engager l'action en extension d'expertise à l'encontre de la SELARL BERNARD et NICOLAS Y..., mandataire liquidateur de la SARL DELIGNIERES JP, et d'avoir invité en conséquence toute partie intéressée à évaluer et à déclarer leur créance dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL DELIGNIERES JP auprès des organes désignés par la juridiction ayant ouvert cette procédure collective ;

Aux motifs que « la SCI MIMAX est appelante de l'ordonnance de référé qui a rejeté sa demande d'extension d'expertise. Elle demande que la mesure d'expertise en cours soit déclarée « commune et opposable » à la SARL DELIGNIERES, entreprise de couverture à l'origine des désordres qui lui sont reprochés, tout en soutenant que cette demande n'a pas pour objet d'étayer un appel en garantie ultérieur, mais seulement de permettre à l'expert de disposer de l'ensemble des informations nécessaires à la compréhension des désordres. Sur ce point, la cour observe avec le premier juge que l'article L 622-21 du code de commerce, disposition d'ordre public, interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance était née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ; que cette interdiction englobe nécessairement une demande d'expertise faite par un créancier dès lors qu'une telle action vise à établir la responsabilité du débiteur et à obtenir réparation ; que la SCI demanderesse n'est, du reste, pas en mesure d'indiquer quelle conséquence juridique, autre qu'une demande indemnitaire, peut avoir sa demande tendant à ce que l'expertise soit déclarée « commune et opposable » à la SARL DELIGNIERES alors que la simple recherche de la vérité ne passe pas, d'un point de vue technique, par une telle « déclaration » et que l'expert commis peut légalement, par application de l'article 243 CPC, se faire communiquer tous documents détenus par des tiers, au besoin à l'aide d'une injonction délivrée par le tribunal » (arrêt p 5 § 2 et 3) ;

Et aux motifs adoptés du jugement que « sur l'extension à l'égard de la SELARL Y..., mandataire judiciaire de la SARL DELIGNIERES JP : la présente instance est engagée postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de cette SARL. L'article L 622-21 du code du commerce, auxquels renvoient les articles L 631-14 pour le redressement judiciaire et L 641-3 pour la liquidation judiciaire pose le principe de l'arrêt des poursuites individuelles, selon lequel le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. La notion d'action en paiement s'entend largement et concerne en particulier une instance en demande d'expertise (Com, 12 octobre 2004, n° 03-12.442 : juris-Data n° 2004-025236 ; Act proc coll 2004, Comm. 230). En effet, une telle instance tend indirectement à l'obtention d'une somme d'argent, dès lors que l'expertise permet d'établir la responsabilité du cocontractant soumis à une procédure collective et d'obtenir en conséquence réparation. (Com, 1er février 1977, JCP G 1978, II, 18873, note V. DELAPORTE. ¿ Com, 16 février 1993, n° 90-20.442, juris-Data n° 1993-000304, RJDA 1993, n° 737. CA PARIS, 14e ch A, 27 mai 1998, Juris-Data n° 1998-021521, Act Proc Coll 1998, Comm 120). Une demande tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent sur le fondement d'une créance ayant son origine antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire entraîne en outre l'application d'office de la règle de l'arrêt des poursuites et l'obligation de déclarer les créances au passif (Com, 28 mars 1995, n° 92-19.917, B IV n° 104, RJDA 1995, n° 10, n° 1153 ; Com, 26 octobre 1999, n° 97-11.734). L'argumentaire réitéré de la SCI MIMAX n'est pas de nature à influer sur une telle règle d'ordre public, alors qu'elle n'est pas en mesure d'indiquer quelle autre conséquence juridique qu'une demande indemnitaire une telle extension des opérations d'expertise est susceptible d'entraîner à l'encontre de la SARL DELIGNIERES. De fait, d'un simple point de vue technique, il n'est pas nécessaire que les opérations d'expertise soient déclarées juridiquement opposables à la SARL DELIGNIERES (ce qui est constitutif d'une faculté d'en établir contradictoirement la responsabilité éventuelle au soutien d'une action en paiement, quelle que soit la solvabilité réelle de cet entrepreneur) pour permettre à l'expert de remplir sa mission. Le simple recueil de renseignements par l'expert auprès de cette entreprise peut être valablement sollicité par M. B... sur le fondement de l'article 243 du code de procédure civile, qui permet la communication à l'expert de tous documents par des tiers, éventuellement sous l'injonction d'une juridiction. Il convient en conséquence de relever d'office que la présente instance est soumise à l'interdiction visée par ce texte et qu'il appartient dès lors à toute partie intéressée d'évaluer et déclarer leur créance dans le cadre de la procédure collective, alors que le juge commissaire devra statuer sur l'admission totale ou partielle de celle-ci » ;

1- Alors que le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance est antérieure à ce jugement, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; que l'action tendant à la mise en oeuvre d'une expertise, qui ne tend pas au paiement d'une somme d'argent mais à permettre à l'expert de disposer des informations nécessaires à la compréhension de désordres, n'est pas affectée par cette règle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'interdiction de l'article L 622-21 du code de commerce englobe nécessairement une demande d'expertise faite par un créancier dès lors qu'une telle action vise à établir la responsabilité du débiteur et à obtenir réparation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L 622-21 du code de commerce ;

2- Alors que l'action tendant à la reconnaissance de la responsabilité de l'auteur d'un dommage n'est pas soumise à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'action en extension de l'expertise aux fins de reconnaître la responsabilité de la société DELIGNIERES était interdite en application de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a derechef violé l'article L 622-21 du code du commerce ;

3- Alors que la SCI MIMAX faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p 6 § 6), que l'action en extension d'expertise n'avait pas pour objet d'agir en paiement à l'encontre de la société DELIGNIERES en liquidation judiciaire mais d'obtenir les informations nécessaires à la compréhension des désordres ; qu'en considérant que cette action engagée par la SCI MIMAX à l'encontre de la SELARL Y..., es qualités de liquidateur de la société DELIGNIERES, visait à établir la responsabilité du débiteur et à obtenir réparation, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la SCI MIMAX, en violation des articles 1134 du code civil et 4 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.