par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 13 juillet 2016, 15-22848
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
13 juillet 2016, 15-22.848

Cette décision est visée dans la définition :
Filiation




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches :

Vu les articles 310-3 et 332, alinéa 2, du code civil ;

Attendu que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Ilham X... a été inscrite à l'état civil comme étant née le 31 août 2006 de Mme Y... et de M. X..., son époux ; qu'en septembre 2010, M. Z... a assigné ces derniers en contestation de la paternité de M. X... et en établissement judiciaire de sa paternité ; qu'après avoir ordonné une expertise biologique à laquelle M. X... et Mme Y... n'ont pas déféré, le tribunal a dit que M. X... n'était pas le père de l'enfant ;

Attendu que, pour infirmer le jugement ayant ordonné une expertise biologique et rejeter l'action en contestation de paternité, l'arrêt retient que M. Z... a introduit son action tardivement et que la finalité recherchée par ce dernier n'est pas de faire triompher la vérité biologique mais de se venger de Mme Y..., qui a refusé de renouer une relation amoureuse avec lui, de sorte qu'en présence d'une action tardive et dont la finalité bafoue l'intérêt de l'enfant concernée, M. X... et Mme Y... justifient d'un motif légitime de refus de l'expertise biologique ;

Qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant relatif au caractère tardif de l'action, et alors que l'intérêt supérieur de l'enfant ne constitue pas en soi un motif légitime de refus de l'expertise biologique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action engagée par M. Z... et rejette l'exception de nullité soulevée par M. X... et Mme Y..., l'arrêt rendu le 2 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne M. X... et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit qu'il existe des motifs légitimes de ne pas ordonner l'expertise biologique sollicitée par M. Z..., d'AVOIR débouté M. Z... de sa demande expertise et d'AVOIR, en conséquence, débouté M. Z... de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE l'article 332 du code civil dispose que la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que la mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père ; que l'article 310-3 du même code prévoit en son alinéa second que si une action relative à la filiation est engagée, la filiation se prouve par tous moyens ; que, dans son jugement du 21 juin 2011, le tribunal a fait droit à la demande d'expertise biologique présentée par M. Z... en retenant que cette mesure est de droit en matière de filiation et que M. X... et Mme Y..., épouse X..., n'ont pas démontré l'existence d'un motif légitime de ne pas l'ordonner ; que M. X... et Mme Y... épouse X... s'oppose à cette mesure d'instruction en se prévalant de motifs légitimes ; que M. Z... ne peut prétendre que M. X... et Mme Y... épouse X... doivent être considérés comme ayant acquiescé au jugement ordonnant l'expertise au motif qu'il n'ont pas saisi le premier Président de la cour d'appel afin d'être autorisés à relever appel immédiat de la décision ; qu'en effet, l'article 272 du code de procédure civile prévoyant cette faculté n'est pas applicable en l'espèce, le jugement du 21 juin 2011 ayant non seulement ordonné l'expertise, mais ayant aussi tranché une partie du principal en déclarant l'action en contestation de paternité recevable ; que M. X... et Mme Y... épouse X... font valoir que M. Z... ne rapporte pas la preuve de relations intimes entre lui et la mère de l'enfant Ilham pendant la période légale de conception ; qu'ils ajoutent que la demande tardive de M. Z... est uniquement motivée par sa rancune à l'égard de Mme Y... épouse X... avec laquelle il a entretenu une relation de quelques mois en 2009 ; qu'ils soutiennent enfin que l'expertise aurait des conséquences psychologiques dramatiques pour Ilham, enfant légitime de M. X..., lequel s'est toujours comporté comme tel ; que M. Z... n'a introduit son action qu'en septembre 2010 alors que l'enfant est née le 31 août 2006 ; qu'il est donc pour le moins étonnant que M. Z... ait attendu quatre années pour introduire son action, alors qu'il prétend avoir « passé beaucoup de temps avec Mme Y... épouse X... durant la grossesse puis après la naissance de l'enfant » et avoir continué à voir régulièrement Ilham jusqu'en mai 2010, ce qui, au contraire, aurait dû l'inciter à faire établir sans attendre la paternité dont il se prévaut ; qu'il ressort par ailleurs du constat d'huissier établi le 20 juillet 2011, qu'entre le 20 avril et le 20 juin 2010, M. Z... a envoyé de multiples messages à Mme Y... épouse X... sur son téléphone mobile ; que, dans ces messages, lesquels à défaut de preuve contraire, n'ont pas été obtenus de façon déloyale par Mme Y... épouse X..., M. Z... fait notamment part à cette dernière de ses regrets suite à la rupture de leur relation amoureuse et de ses élans sexuels à son égard, mais n'évoque à aucun moment l'enfant dont il prétend être le père, ce qui dément l'attachement dont il se prévaut envers Ilham et accrédite au contraire les allégations des appelants selon lesquelles la finalité recherchée par M. Z... n'est pas de faire triompher la vérité biologique ainsi qu'il le soutient, mais de se venger de Mme Y... épouse X... qui a refusé de renouer une relation amoureuse avec lui ; que, dans ces conditions, si en matière de filiation, l'expertise biologique est certes de droit, M. X... et Mme Y... épouse X... justifient de raisons légitimes pour s'y opposer, une telle mesure d'instruction étant sollicitée dans le cadre d'une action tardive, et poursuivant une finalité qui bafoue l'intérêt supérieur de l'enfant concernée ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement rendu le 21 juin 2011 en ses dispositions ayant ordonné une expertise biologique ;

1) ALORS QUE toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que constitue une violation de ce droit le fait, pour un père biologique, d'être empêché d'établir sa paternité ; qu'en se bornant à affirmer que la demande était contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant sans rechercher si compte tenu de cet intérêt, le refus de faire droit à la mesure sollicitée n'était pas de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit de M. Z... de mener une vie privée et familiale normale, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

2) ALORS QUE toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il ne peut être porté atteinte à ce droit que pour un motif légitime et à condition que cette atteinte ne soit pas disproportionnée ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que M. X... et Mme Y... sont désormais divorcés et vivent séparément ; qu'en affirmant que la demande de M. Z... était contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant sans expliquer en quoi il était, dans ces circonstances, de l'intérêt supérieur de ce dernier de laisser son lien de filiation inchangé, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

3) ALORS QUE toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il ne peut être porté atteinte à ce droit que pour un motif légitime ; qu'en affirmant que la demande de M. Z... était contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant sans expliquer en quoi il était de l'intérêt supérieur de ce dernier de le laisser dans l'incertitude sur l'identité exacte de son père biologique, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

4) ALORS QUE l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; qu'en se fondant, pour refuser d'ordonner l'expertise biologique sollicitée par M. Z... sur la circonstance qu'elle était sollicitée dans le cadre d'une action tardive, quand cette circonstance, à la supposer établie, ne caractérisait pas un motif légitime de refuser une expertise de droit en matière de filiation, la cour d'appel a violé les articles 310-3 et 332, alinéa 2, du code civil ;

5) ALORS QUE l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; qu'en inférant de la circonstance que l'action en contestation de paternité avait été introduite par M. Z... après la rupture de ses relations avec la mère de l'enfant, l'existence d'une intention de nuire, constitutive d'un motif légitime de rejeter sa demande d'expertise biologique, la cour d'appel a derechef violé les articles 310-3 et 332, alinéa 2, du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Z... de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QU'il appartient donc à la cour d'apprécier le bienfondé de la contestation de paternité de M. X... à l'égard de Ilham, au vu des moyens de preuve qui lui sont soumis par M. Z..., demandeur à l'action ; que M. Z... soutient que sa relation avec Mme Y..., collègue de travail depuis août 2005, a commencé en novembre 2005, celle-ci étant alors mariée avec M. X... et que cette liaison s'est poursuivie jusqu'en mai 2010 ; que les appelants contestent vigoureusement ces allégations ainsi que l'existence de toutes relations intimes de M. Z... et Mme Y... épouse X... durant la période légale de conception de l'enfant née le 31 août 2006 et répondent que cette relation n'a duré que quelques mois en 2009 et a entraîné la séparation des époux X... ; que M. Z... produit le témoignage de son neveu Nordine Z... et de David A..., lesquels ne font que rapporter les confidences de M. Z... et ne sont pas probants ; qu'il verse encore le témoignage de Mme Malick B... qui atteste le 24 octobre 2010 tenir de la bouche de la mère que celle-ci entretenait une relation avec M. Z... dès 2005 ; que, toutefois, ce témoignage ne fait état d'aucun élément objectif vérifiable puisque Mme Malick B... précise elle-même qu'elle a fait la connaissance de Mme Y... épouse X... lors de son emménagement avec M. Z... soit en 2009 ; qu'ainsi, à défaut d'être corroboré par d'autres éléments de preuve, ce seul témoignage est insuffisant à établir une relation intime dès 2005 ; qu'enfin M. Z... se prévaut d'une ressemblance frappante entre lui-même et l'enfant Ilham ; que toutefois, au vu des photographies produites par chacun des parties, cette ressemblance apparaît discutable et les témoignages de Sandra C..., Nordine Z... et de David A... qui font également état de cette ressemblance relèvent d'une appréciation subjective, laquelle ne saurait fonder la remise en cause de la filiation légitime de Ilham ; qu'il s'ensuite que M. Z... doit être débouté de ses demandes en contestation de paternité et tendant à établir sa propre paternité à l'égard de Ilham ainsi que des demandes accessoires qui en découlent ; que la cour ayant infirmé le jugement du 21 mai 2013, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en dommages et intérêts présentée à titre subsidiaire en cas de confirmation du jugement, par Me Caroline D... es qualité d'administratrice ad hoc de l'enfant Ilham X... et dirigée contre M. X... et Mme Y... épouse X... ; qu'en revanche, M. Z... réclame aux appelants des dommages et intérêts afin d'indemniser le préjudice moral qu'il soutient avoir subi en raison des procédés dilatoires et des mensonges dont ils ont usé afin de retarder l'établissement de sa paternité ; que sa demande portant sur la filiation de l'enfant Ilham ayant été rejetée, M. Z... ne rapporte pas la preuve d'une faute à l'encontre de M. X... et de Mme Y... épouse X... génératrice du préjudice moral invoqué ; que sa demande ne peut donc prospérer ;

1) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits clairs et précis qui sont soumis à leur examen ; que, dans son témoignage, M. Nordine Z... indiquait expressément que « je me suis véritablement rendu compte que Ilham X... était la fille de mon oncle tant la ressemblance était frappante, sans compter le fait que Marie X... me l'a dit à plusieurs reprises et ce de son propre chef » ; qu'en affirmant, pour écarter ce témoignage des débats, qu'il ne faisait que rapporter des confidences du demandeur à l'action, la cour d'appel a dénaturé cette attestation qui relatait au contraire des propos qui avaient été directement tenus par Mme Y..., en violation de l'article 1134 du code civil ;

2) ALORS QUE la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari n'est pas le père ; qu'en écartant des débats le témoignage par lequel Mme C... attestait que la mère de l'enfant lui avait formellement déclaré en 2009 que M. Z..., avec lequel elle avait une relation depuis 2005, était le véritable père de l'enfant Ilham, à la faveur d'un motif inopérant selon lequel ce témoignage ne ferait état d'aucun élément objectif vérifiable en ce qu'il relatait des propos tenus par la mère en 2009, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 332 du code civil ;


3) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits clairs et précis qui sont soumis à leur examen ; que, dans son témoignage, M. Nordine Z... indiquait expressément que « je me suis véritablement rendu compte que Ilham X... était la fille de mon oncle tant la ressemblance était frappante, sans compter le fait que Marie X... me l'a dit à plusieurs reprises et ce de son propre chef » ; que, dans son témoignage, M. A... indiquait pour sa part qu'au moment où Mme X... travaillait au sein de l'entreprise Editus « il était manifeste qu'il y avait entre eux une grande complicité. J'ai demandé à M. Z... ce qu'il en était. Il m'a confié qu'ils entretenaient une liaison depuis novembre 2005. De plus M. Z... m'a confié qu'était née une petite fille de leur relation : Ilham » ; qu'en écartant des débats le témoignage de Mme C... pour n'être corroboré par aucun autre élément de preuve quand M. A... confirmait l'existence patente de relations intimes entre M. Z... et Mme Y... dès 2005 et que M. Nordine Z... attestait expressément que la mère de l'enfant lui avait encore confirmé à plusieurs reprises que son oncle était effectivement le père d'Ilham, la cour d'appel a dénaturé, par omission, ces deux attestations en violation de l'article 1134 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Filiation


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.