par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 26 avril 2017, 15-25204
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Cour de cassation, chambre sociale
26 avril 2017, 15-25.204

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée par la société G...             comme ouvrière à compter du 1er juin 1994 par des contrats saisonniers, a occupé à partir du 1er octobre 2007 le poste de comptable et responsable du personnel ; que, licenciée le 3 août 2011, elle a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 1994 et la condamnation de son employeur à des indemnités de rupture et des dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier à compter du 1er juin 1994 le contrat de travail de la salariée en contrat à durée indéterminée et de le condamner, en conséquence, à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnité de requalification et de solde d'indemnité de licenciement, alors, selon le moyen, que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, elle faisait valoir que la salariée ne pouvait solliciter la requalification de contrats antérieurs au 23 août 2006 car son action était prescrite ; qu'en omettant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, les dispositions de la loi qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque celle-ci n'était pas expirée à la date de son entrée en vigueur, soit le 19 juin 2008, et les dispositions de la loi qui réduisent la durée d'une prescription s'appliquent à cette dernière à compter de la date de son entrée en vigueur, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée antérieurement prévue ; qu'il en résulte que l'action de la salariée en requalification de ses contrats de travail à durée déterminée introduite le 23 août 2011, auparavant soumise à la prescription trentenaire, était soumise à la prescription quinquennale courant à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et n'était pas atteinte par la prescription ; que, par ce motif de pur droit, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, il est ainsi répondu aux conclusions invoquées ;

Sur le second moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de solde d'indemnité de licenciement, alors, selon le moyen, que l'ancienneté d'un salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs requalifiés en un contrat à durée indéterminée doit être calculée en fonction des périodes de travail effectif, durant lesquelles le salarié s'est tenu à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, il était constant qu'entre 1994 et 2007, la salariée avait travaillé pour la société par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs ; qu'en jugeant néanmoins que l'ancienneté de la salariée devait être appréciée de façon continue à compter du 1er juin 1994, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de l'employeur, à quelles périodes elle avait effectivement travaillé pour la société et s'était tenue à sa disposition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1245-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que par l'effet de la requalification prononcée, l‘ancienneté de la salariée devait être prise en compte à partir du 1er juin 1994, au moment où celle-ci avait travaillé sans contrat écrit ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée, qui est recevable :

Vu l'article L. 1232-6 du code du travail ;

Attendu que la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu'à son terme ; qu'il s'ensuit que la signature pour ordre de la lettre de licenciement au nom de l'employeur par une telle personne ne peut être admise ;

Attendu que pour dire que le licenciement de la salariée reposait sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il est constant que c'est M. B..., expert-comptable de la société G...             , qui a signé la lettre de convocation à l'entretien préalable, a mené l'entretien préalable de la salariée et a signé la lettre de licenciement, tous ces documents étant signés « pour ordre » par ce dernier, sous le nom de M. C... Clemens ou D... Félix, gérants, que l'employeur justifie d'un mandat donné le 20 juillet 2011 à M. David B..., expert-comptable, par M. Félix D..., gérant de la société G...             , « pour le représenter dans toutes les démarches de licenciement à l'égard de Mme Marie-José Y..., pour le compte de la SCEA G...              », que si la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour procéder à l'entretien et notifier le licenciement, les documents comportant la mention « po » (pour ordre) ont la valeur de documents rédigés par la personne ayant le pouvoir de signature, qu'ainsi, la lettre de licenciement signée « pour ordre » au nom du gérant est valable, quand bien même l'identité de la personne signataire ne serait pas connue, dès lors que la procédure de licenciement a été menée à son terme, le mandat de signer la lettre de licenciement ayant été ratifié, qu'en l'absence de désapprobation du mandant (personne ayant la signature en temps normal) à l'égard des actes effectués par celui qui s'est comporté comme le titulaire d'un mandat apparent (le signataire), la lettre de licenciement est valable, qu'il en résulte que la procédure de licenciement diligentée à l'encontre de la salariée est parfaitement régulière ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la procédure de licenciement avait été conduite par l'expert-comptable de l'employeur, personne étrangère à l'entreprise, ce dont il résultait, nonobstant la signature pour ordre de la lettre de licenciement par cette personne à laquelle il était interdit à l'employeur de donner mandat, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la cassation sur le premier moyen du pourvoi principal entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs visés par les deuxième, troisième et quatrième moyens de ce pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de Mme Y... reposait sur une cause réelle et sérieuse de licenciement, l'arrêt rendu le 16 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société G...             aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société G...             et condamne celle-ci à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., demanderesse au pourvoi principal.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé que l'expert comptable avait pu signer la lettre de licenciement, que la procédure de licenciement n'était pas irrégulière et que le licenciement avait été valablement prononcé, et d'avoir en conséquence débouté Mme Y... de sa demande visant à voir condamner la société employeuse à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et pour irrégularité de procédure.

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur les demandes afférentes au licenciement : Mme Y... soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour plusieurs raisons : La procédure de licenciement a été menée par une personne extérieure à l'entreprise, à savoir le Cabinet d'expertise comptable de la société G...             . L'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement. Son inaptitude trouve sa source dans le comportement de son employeur. Sur l'absence de qualité du signataire de la lettre de licenciement : Mme Y... fait valoir que la procédure de licenciement a été menée par une personne extérieure à l'entreprise, à savoir le cabinet comptable et non par la société G...             ; que l'employeur et lui seul a qualité pour licencier un salarié ; que s'il peut donner pouvoir à une personne appartenant à son entreprise pour diligenter une procédure en ses lieu et place, il ne peut, en revanche, d'aucune façon donner mandat à une personne extérieure à l'entreprise ; II est constant que c'est M. B..., expert-comptable de la société G...             , qui a signé la lettre de convocation à l'entretien préalable, a mené l'entretien préalable de la salariée et a signé la lettre de licenciement, tous ces documents étant signes « pour ordre » par ce dernier, sous le nom de M. C... Clemens ou D... Félix, gérants. L'employeur justifie d'un mandat donné le 20 juillet 2011 à M. David B..., expert-comptable, par M. Félix D..., gérant de la société G...             , « pour le représenter dans toutes les démarches de licenciement à l'égard de Mme Marie-José Y..., pour le compte de la SCEA G...              ». Si la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour procéder à l'entretien et notifier le licenciement, les documents comportant la mention « po » (pour ordre) ont la valeur de documents rédigés par la personne ayant le pouvoir de signature. Ainsi, la lettre de licenciement signée « pour ordre » au nom du gérant, est valable, quand bien même l'identité de la personne signataire ne serait pas connue, dès lors que la procédure de licenciement a été menée à son terme, le mandat de signer la lettre de licenciement ayant été ratifié. En l'absence de désapprobation du mandant (personne ayant la signature en temps normal) à l'égard des actes effectués par celui qui s'est comporté comme le titulaire d'un mandat apparent (le signataire), la lettre de licenciement est valable. Il en résulte que la procédure de licenciement diligentée à l'encontre de Mme Y... est parfaitement régulière et ses prétentions à voir déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse de ce chef seront rejetées. Le jugement déféré sera, par conséquent, infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à Mme Y... une somme de 2 403 euros pour procédure irrégulière.

ALORS, D'UNE PART, QUE, les règles applicables à l'entretien préalable et au licenciement interdisent, pas leur finalité même à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu'à son terme ; que la cour d'appel a constaté que M. B..., expert comptable de la société, a tenu l'entretien préalable et signé « pour ordre » la lettre de licenciement de Mme Y... du 3 août 2011, l'employeur lui ayant donné le 20 juillet 2011 donné un mandat à cette fin ; qu'en jugeant que le licenciement de Mme Y... avait une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'imposaient de ses propres constatations et violé l'article L.1232-6 du code du travail.

ALORS, D'AUTRE PART, et si besoin était QUE, si la lettre de licenciement signée « pour ordre » au nom du gérant peut, même en l'absence de connaissance de l'identité de la personne signataire, être valable, en cas de ratification par le mandant, il en va différemment lorsqu'il est établi que la personne qui a signé « pour ordre » était un expert-comptable, c'est-à-dire une personne étrangère à l'entreprise au sens strict, à laquelle il est interdit de donner mandat, ledit mandat ne pouvant dès lors être ratifié; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences qui s'imposaient de ses propres constatations et violé l'article L.1232-6 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (sur la consultation des délégués du personnel)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé que la société avait satisfait à son obligation de reclassement et d'avoir en conséquence débouté Mme Y... de sa demande d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à ce titre.

AUX MOTIFS PROPRES QUE, Sur l'obligation de reclassement : En application des dispositions de l'article L 1226-10 du code du travail, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré par le médecin du travail, inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, et après avis des délégués du personnel, de chercher à reclasser le salarié sur un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. La recherche des possibilités doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Le licenciement ne peut être prononcé que si l'employeur justifie, dans ces conditions, soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi, soit du refus par la salariée de l'emploi proposé lorsqu'aucune autre proposition de reclassement n'est possible. L'employeur doit mettre en oeuvre de manière sérieuse, effective el loyale l'obligation de reclassement ; il a, à cet égard, une obligation de moyen renforcé. En l'espèce, Mme Y... a été embauchée en qualité de comptable et responsable du personnel ; lors de l'unique visite de reprise du 18 juillet 2011, elle a fait l'objet d'une fiche d'aptitude ainsi rédigée par le médecin du travail à la MSA « inapte à son poste de travail et à tout poste dans l'entreprise. Le maintien du salarié dans l'entreprise entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ». Malgré cet avis, l'employeur n'est pas dispensé de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise, le cas échéant, au sein du groupe auquel il appartient et au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail. En outre, l'employeur est tenu de solliciter l'avis des délégués du personnel, et ce même en présence d'une impossibilité de reclassement. En l'espèce, il n'est pas soutenu par l'employeur qu'il aurait accompli cette formalité pourtant substantielle. Cependant, la sanction de l'inobservation de cette formalité ne réside nullement, comme le soutient la salariée, dans l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement mais uniquement dans l'octroi d'une indemnité sur la base de l'article L 1226-15 du code du travail, laquelle n'est pas sollicitée.

ALORS, D'UNE PART, QUE l'inobservation de la formalité relative à l'avis des délégués du personnel rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse et est sanctionnée par l'indemnité prévue par l'article L.1226-15 du code du travail qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire ; qu'après avoir relevé qu'il n'est pas soutenu par l'employeur qu'il aurait sollicité l'avis des délégués du personnel, formalité pourtant substantielle, la cour d'appel a, pour débouter Mme Y... de ses demandes, affirmé que la sanction de l'inobservation de cette formalité ne réside nullement, comme le soutient la salariée, dans l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, mais uniquement dans l'octroi d'une indemnité sur la base de l'article L.1226-15 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L.1226-10 et L.1226-15 du code du travail.

ALORS, D'AUTRE PART et en tout état de cause, QUE les juges du fond ne sauraient dénaturer les conclusions des parties ; qu'après avoir soutenu que son employeur avait méconnu son obligation de reclassement, qu'en particulier la consultation des délégués du personnel n'avait jamais été justifiée, Mme Y... a demandé au titre des conséquences du licenciement le bénéfice des dispositions de l'article L.1226-15 du code du travail, en particulier de l'indemnité qui ne peut être inférieure aux douze mois de salaires ; qu'en affirmant pour débouter Mme Y... de ses demandes qu'elle n'avait pas sollicité une indemnité sur la base de l'article L.1226-15 du code du travail, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de Mme Y... et violé l'article 4 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (sur le reclassement)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé que la société avait satisfait à son obligation de reclassement et d'avoir en conséquence débouté Mme Y... de sa demande d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à ce titre.

AUX MOTIFS ENONCES AU PREMIER MOYEN

AUX MOTIFS PROPRES encore QUE pour le surplus, l'employeur fait valoir que la société ne disposait d'aucun poste vacant, compatible avec l'état de santé de Mme Y..., susceptible de lui être proposé. Est produit aux débats le registre d'entrées et de sorties du personnel pour la période du 1 er août au 31 octobre 2011. Il en résulte clairement qu'aucune embauche n'a eu lieu sur cette période en contrat à durée indéterminée, seuls trois postes administratifs permanents à durée indéterminée existant dans l'entreprise, donc un effectif permanent particulièrement réduit, la société G...             embauchant essentiellement des ouvriers saisonniers. Par ailleurs, il n'est pas établi ni même simplement soutenu que la société G...             ferait partie d'un groupe rendant possible la permutabilité du personnel entre les entreprises du groupe, en raison de leur activité, de leur organisation ou de leur lieu d'exploitation. Il est, ainsi, clairement établi que l'employeur ne pouvait reclasser la salariée, celle-ci étant, en outre, déclarée inapte atout poste dans l'entreprise. Il convient, par conséquent, de considérer que l'obligation de reclassement a été sérieusement étudiée, au regard, notamment, de la taille réduite de l'entreprise et de l'état de santé de Mme Y.... Mme Y... sera, dès lors, déboutée de ses prétentions de ce chef et le jugement déféré, confirmé.

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur le certificat d'inaptitude daté du 18 juillet 2011 le médecin du travail de la MSA déclare Mme Y... « inapte à son poste de travail et à tout poste dans l'entreprise » ; en conséquence, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. La lettre de licenciement de la SCEA C... indique « avoir recherché les aménagements possibles pour offrir un emploi de reclassement et qu' « il n'y a pas d'emplois disponibles dans l'entreprise » (la SCEA n'avait que trois contrats à durée indéterminée). En conséquence le conseil juge que l'obligation de reclassement a été étudiée.

ALORS, QUE, lorsque l'employeur ne peut offrir un emploi comparable à l'emploi précédemment occupé par le salarié, il doit lui proposer les postes de reclassement emportant, par rapport à l'ancien poste, modification du contrat de travail, si ce sont les seuls disponibles et appropriés à ses capacités ; que pour juger que la société avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a affirmé qu'aucune embauche n'a eu lieu sur cette période en contrat à durée indéterminée, seuls trois postes administratifs permanents à durée indéterminée existant dans l'entreprise, la société C... embauchant essentiellement des ouvriers saisonniers ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitaient ses propres constatations, si l'employeur n'aurait pas pu et dû proposer un emploi d'ouvrier saisonnier à Mme Y..., qui avait occupé un tel poste de 1994 à 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1226-10, ensemble l'article L.1226-15 du code du travail.

ALORS, EN OUTRE, QUE, les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, Mme Y... a fait valoir que son employeur l'a convoquée très rapidement à un entretien préalable au licenciement après le constat de son aptitude, sans attendre les conclusions écrites du médecin du travail et qu'au regard de l'enchaînement des faits, son employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement ; qu'en se contentant d'affirmer, sans autre précision, que l'obligation de reclassement a été sérieusement étudiée, au regard, notamment, de la taille réduite de l'entreprise et de l'état de santé de Mme Y..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé que le comportement de l'employeur n'était pas, de façon exclusive, à l'origine de la dégradation de l'état de santé de Mme Y... et de l'inaptitude à son poste de travail et donc d'avoir débouté celle-ci de sa demande de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à ce titre.

AUX MOTIFS PROPRES QUE, Sur l'origine de l'inaptitude de Mme Y... : Mme Y... fait valoir qu'elle a été déclarée inapte suite, notamment, à l'agression qu'elle a subie de la part de son employeur au mois d'août 2010. Cependant, cette agression n'est nullement établie. Effectivement, toute l'argumentation de Mme Y... repose sur un mail que lui a adressé M. C... Clemens sous la date du 19 août 2010, ce mail étant rédigé comme suit « ce pas mon compte, ce le compte de la G...             SCEA et je suis pas content que vous faites votre salaire la bas totalement selon votre goût sans communication ni avec Félix ni avec moi. Ce vraiment scandaleux ». Il résulte des écritures des parties, qui s'accordent sur ce point, que ce mail fait suite au fait que Mme Y... aurait pris l'initiative de se faire rémunérer ses heures supplémentaires, sans l'accord de sa hiérarchie, opérant elle-même, comme sa qualité de comptable le lui permettait, un virement sur son propre compte bancaire. Or, ce mail adressé par l'employeur, s'il traduit, incontestablement son mécontentement, ne laisse apparaître aucune menace, aucune agressivité à rencontre de la salariée. Celui-ci ne fait que rappeler à la salariée son pouvoir de direction. L'employeur ne peut, donc, être considéré comme ayant commis une faute à l'égard de la salariée, faute à l'origine de son inaptitude et ce d'autant plus, que le Docteur Nathalie E..., psychiatre, indique, le 20 mars 2011, après consultation, que Mme Y... bénéficiait d'un suivi psychiatrique depuis 5 ans motivé par des difficultés psychiques en lien avec la maladie de son mari. Ainsi, le comportement de l'employeur ne peut être considéré comme étant, et ce de façon exclusive, à l'origine de la dégradation de l'état de santé et de l'inaptitude à son poste de travail de la salariée Mme Y... sera déboutée de ses prétentions de ce chef. Il y a lieu, par conséquent, de considérer que le licenciement de Mme Y... repose sur une cause réelle et sérieuse de licenciement et le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur la demande de non préservation de la santé et sécurité de Mme Y... : au vu des documents fournis et au vu des articles 6 et 9 du code de procédure civile, le conseil de prud'hommes juge que les faits nécessaires à la preuve de la demande ne sont pas suffisantes.

ALORS, D'UNE PART, QUE l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, doit en assurer l'effectivité ; que dès lors que son comportement a participé à l'inaptitude du salarié, il ne peut plus se fonder sur celle-ci pour se prévaloir d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que pour débouter Mme Y... de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a affirmé que l'employeur n'avait pas commis de faute et que son comportement ne peut être considéré comme étant, et ce de façon exclusive, à l'origine de la dégradation de l'état de santé et de l'inaptitude à son poste de travail de la salariée ; qu'en exigeant ainsi que le comportement de l'employeur, participant à la dégradation de l'état de santé et de l'inaptitude à son poste de travail de Mme Y..., soit fautif la cour d'appel a violé l'article L.1232-1, ensemble l'article L.4121-1 du code du travail.

ALORS aussi QUE la cour d'appel qui a dit le licenciement valable au motif que le comportement de l'employeur ne peut être considéré comme étant, et ce de façon exclusive, à l'origine de la dégradation de l'état de santé et de l'inaptitude à son poste de travail de la salariée, quand il suffit qu'il ait participé de façon déterminante à l'inaptitude du salarié, ayant causé l'inaptitude a encore violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

ALORS enfin QUE lorsque le salarié invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité à l'origine d'un accident et de son inaptitude, il appartient à l'employeur de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat ; que pour débouter Mme Y... de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a affirmé que l'employeur n'avait pas commis de faute et que son comportement ne peut être considéré comme étant, et ce de façon exclusive, à l'origine de la dégradation de l'état de santé et de l'inaptitude à son poste de travail de la salariée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a, à tout le moins, inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et 1315 du code civil.

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société G...             , demanderesse au pourvoi incident.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR requalifié à compter du 1er juin 1994 le contrat de travail de Mme Y... en contrat à durée indéterminée et d'AVOIR en conséquence condamné la société G...             à payer à la salariée les sommes de 3 380,97 euros à titre d'indemnité de requalification et de 21 034,27 euros à titre de solde de l'indemnité de licenciement.

AUX MOTIFS QUE « Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. L'article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°). Aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée. En vertu de l'article L.1242-13 du code du travail, ce contrat est remis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche. Selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa 1, L.1243-11 alinéa 1, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 du même code. Le contrat de travail à durée déterminée ne peut comporter qu'un seul motif. Le motif du recours à un contrat de travail à durée déterminée s'apprécie au jour de sa conclusion. Les effets de la requalification, lorsqu'elle est prononcée, remontent à la date du premier contrat à durée déterminée irrégulier. En l'espèce, la société G...             ne conteste pas le fait que la relation de travail entre les parties ait débuté le 1er juin 1994 et qu'elle s'est poursuivie, sous la forme de contrats à durée déterminée saisonniers jusqu'au 1er octobre 2007, date de la signature du premier contrat à durée indéterminée au poste de « comptable et responsable du personnel » coefficient 420 de la convention collective nationale des exploitations agricoles du département des Landes. Cette situation est, en outre, attestée par les bulletins de salaire produits aux débats par la salariée. La lecture des pièces produites par les parties permet de mettre en évidence, sans qu'aucune contestation ne soit expressément soulevée, que le premier contrat écrit date du 15 décembre 1997. Au regard des règles ci-dessus énoncées, il s'avère, ainsi, que, dès l'origine, la relation de travail liant les parties est affectée d'irrégularités puisque le premier contrat du 1er juin 1994 n'a fait l'objet d'un écrit. Par conséquent, la requalification des contrats à durée déterminée saisonniers en contrat à durée indéterminée s'impose. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef. »

1) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société G...             faisait valoir que Mme Y... ne pouvait solliciter la requalification de contrats antérieurs au 23 août 2006 car son action était prescrite (conclusions page 16) ; qu'en omettant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société G...             à payer à Mme Y... la somme de 21 034,27 euros à titre de solde de l'indemnité de licenciement.

AUX MOTIFS QUE « Sur l'indemnité de licenciement : Aux termes de l'article L 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail. En application de l'article L 1234-11 du code du travail, les circonstances entraînant la suspension du contrat de travail, en vertu, soit de dispositions légales, soit d'une convention ou d'un accord collectif de travail, soit de stipulations conventionnelles, soit d'usages ne rompent pas l'ancienneté du salarié appréciée pour la détermination du droit à l'indemnité de licenciement ; toutefois, la période de suspension n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions. L'indemnité légale est de 1/5 de mois par année d'ancienneté. Elle est majorée pour les salariés dont l'ancienneté est supérieure à 10 ans'; elle est alors égale à 1/5 de mois par année d'ancienneté auquel il faut ajouter 2/15 de mois par année d'ancienneté au-delà de 10 ans. En outre, au regard des dispositions de l'article L1226-14 du code du travail, le doublement de l'indemnité a lieu en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle. En l'espèce, l'ancienneté de Mme Y... doit être appréciée au 1er juin 1994, soit une ancienneté de 17,3 années. L'indemnité de licenciement se calcule comme suit : 2X (1/5 X 17,3 X 3'380,97) = 23.396,31 euros. 2X (2/15 X 7,3 X 3'380,97) = 6.581,62 euros. Dont à déduire, la somme déjà versée à hauteur de 8.943,66 euros, soit un solde en faveur de la salariée de 21.034,27 euros. Il convient, par conséquent, de faire droit à la demande de Mme Y... de ce chef. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef ».


1) ALORS QUE l'ancienneté d'un salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs requalifiés en un contrat à durée indéterminée doit être calculée en fonction des périodes de travail effectif, durant lesquelles le salarié s'est tenu à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, il était constant qu'entre 1994 et 2007, Mme Y... avait travaillé pour la société G...             par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs ; qu'en jugeant néanmoins que l'ancienneté de la salariée devait être appréciée de façon continue à compter du 1er juin 1994, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de l'employeur, à quelles périodes elle avait effectivement travaillé pour la société G...             et s'était tenue à sa disposition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1245-1 du code du travail et 1134 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.