par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 2, 29 juin 2017, 16-20172
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
29 juin 2017, 16-20.172
Cette décision est visée dans la définition :
Deniers
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;
Attendu, selon ces textes, que les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et que, conformément à l'article 1252 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; qu'en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ;
Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort, que M. X... a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société WGV Versicherungen, représentée en France par la société Avus France ; que celle-ci a indemnisé M. X... aux termes d'un d'accord limitant à 50 % son droit à indemnisation ; que refusant la proposition de la société Avus France, la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse (la caisse), l'a assignée en paiement des prestations versées à M. X... ; que le Bureau central français (le BCF) est intervenu volontairement aux débats en sa qualité de représentant de la société WGV Versicherungen ;
Attendu que, pour condamner le BCF à payer à la caisse la somme de 1 984,76 euros correspondant à la moitié des prestations versées à M. X..., le jugement énonce que les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ne prévoient qu'une faculté quant à l'exercice du droit de préférence puisqu'il dispose que l'assuré social peut exercer ses droits, et que l'absence d'exercice de cette faculté ne peut être valablement opposée par le BCF à la caisse pour s'exonérer du paiement des sommes dues ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. X..., en vertu du droit de préférence qui lui est conféré par la loi, avait obtenu du BCF l'indemnisation de la part de ses pertes de gains professionnels actuels non compensée par les prestations versées par la caisse, et que le recours subrogatoire de cette dernière ne pouvait s'exercer, dans la limite de l'indemnité à la charge du BCF, que sur le reliquat restant dû, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Avus et dit recevable et bien fondée la société Bureau central français en son intervention volontaire, le jugement rendu le 4 mai 2016, entre les parties, par la juridiction de proximité de Paris 9e arrondissement ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Paris 10e arrondissement ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au Bureau central français, ès qualités, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour l'association Bureau central français, ès qualités
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné l'association Bureau Central Français à payer à la CPAM des Hautes-Alpes la somme de 1 579,73 € outre celle de 405,03 € en deniers ou quittances ;
Aux motifs que l'article L 376 alinéas 1 à 4 du code de la sécurité sociale dispose : « lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droits conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée » ; ainsi, les dispositions de cet article ne prévoient qu'une faculté quant à l'exercice du droit de préférence puisqu'il dispose que l'assuré social « peut exercer ses droits... » ; l'absence d'exercice de cette faculté ne peut donc valablement être opposée par le Bureau Central Français à la CPAM des Hautes Alpes pour s'exonérer du paiement des sommes dues ; la société Bureau Central Français sera donc condamnée à payer à la CPAM des Hautes Alpes la somme de 1 579,73 euros (1984,76 - 405,03), outre la somme de 405,03 euros que la société AVUS s'était déjà engagée à payer (jugement, pages 4 et 5) ;
1°/ Alors que le droit de préférence de la victime, qui ne requiert aucune demande spécifique de sa part, implique que la créance du tiers payeur soit imputée sur le montant des indemnités allouées au titre du poste de préjudice concerné sans tenir compte du partage de responsabilité ; qu'il en résulte, d'une part, que les sommes que la victime peut obtenir du tiers responsable de ce chef correspondent à la part de son préjudice que ne réparent pas les prestations versées, à hauteur de la part incombant au tiers responsable, d'autre part, que seul le solde de l'indemnité est, le cas échéant, alloué au tiers payeur ;
Qu'en l'espèce, il est constant, d'une part, que le préjudice de la perte des gains professionnels actuels s'élève, pour la victime, à la somme de 7 128,98 €, dont le tiers responsable, conformément à une transaction passée avec l'intéressée, ne doit supporter que la moitié, soit la somme de 3 564,49 €, d'autre part, que ce préjudice n'a été indemnisé par la CPAM des Hautes-Alpes qu'à hauteur de la somme de 3 969,52 €, laissant à la charge de la victime une somme de 3 159,46 €, de sorte qu'en application des articles L 376-1 du code de la sécurité sociale et 31 de la loi du 5 juillet 1985, il appartient au tiers responsable d'indemniser par priorité la victime, à hauteur de la somme précitée, seul le solde, à hauteur de la part incombant au tiers responsable, soit la somme de 405,03 €, devant être alloué au tiers payeur ;
Que pour estimer au contraire qu'il appartenait à l'assureur du tiers responsable de régler au tiers payeur la somme de 1 984,76 €, soit la moitié des prestations servies par ce dernier à la victime, la juridiction de proximité a considéré que le droit de préférence de la victime n'était qu'une faculté et qu'en l'espèce celle-ci ne l'avait pas exercée ;
Qu'en statuant ainsi, quand il résulte des textes susvisés que le paiement de la créance de la victime sur le tiers responsable doit toujours primer celui de la créance du tiers payeur agissant par subrogation, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ;
2°/ Alors, subsidiairement, qu'à supposer que l'exercice, par la victime, du droit de préférence prévu à l'article L 376 du code de la sécurité sociale soit subordonné à la mise en oeuvre d'une démarche expresse en ce sens, celle-ci résulte suffisamment de l'acceptation par l'intéressée d'une transaction aux termes de laquelle elle accepte le partage de responsabilités proposé par l'assureur du tiers responsable ainsi que, par voie de conséquence, la somme qui, sur ces bases, lui est offerte et qui la remplit de ses droits ;
Qu'en l'espèce, il résulte des pièces régulièrement produites au débat qu'en l'état d'un préjudice, au titre de la perte des gains professionnels actuels, évalué à la somme de 7 128,98 €, la victime a signé avec l'assureur du tiers responsable un procès-verbal de transaction aux termes duquel elle acceptait une réduction de son droit à indemnisation à hauteur de 50 % et, partant, admettait être remplie de ses droits par l'allocation, pour ce poste, d'une somme de 3 159,46 € correspondant, au titre du droit de préférence de la victime, à la différence entre le préjudice subi et la part restant à la charge de la victime, après versement des prestations de la caisse d'assurance maladie, dans la limite de la part restant à la charge du tiers responsable, le solde de 405,03 € étant versé à la caisse ;
Que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de l'exposante, développées oralement à l'audience, si l'exercice de son droit de préférence par la victime ne résultait pas de la signature de la transaction conclue avec l'assureur du tiers responsable, la juridiction de proximité a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L 376 du code de la sécurité sociale et de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985.
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Cette décision est visée dans la définition :
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.