par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 11 mai 2011, 09-41298
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Cour de cassation, chambre sociale
11 mai 2011, 09-41.298

Cette décision est visée dans la définition :
VRP




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 2 janvier 1985 en qualité de VRP par la société Airap ; que le 31 mars 2003, l'employeur lui a notifié sa mise à la retraite ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de la société Airap au paiement notamment d'un rappel de commissions et d'une indemnité de clientèle ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de commissions, alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une modification du contrat de travail du représentant le fait pour l'employeur de redéployer les secteurs attribués aux VRP dans l'entreprise en leur attribuant des codes informatiques, lorsqu'une telle codification a pour effet de modifier le contenu des secteurs contractuellement définis ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de l'arrêt que certains des clients figurant dans le code informatique 43 avaient été ses clients sur lesquels il avait été commissionné, ce dont il s'évinçait qu'en lui attribuant le code 19, la société Airap l'avait privé d'une partie de sa clientèle et modifié son secteur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour établir que la société Airap l'avait indûment privé de commissions, il invoquait dans ses conclusions d'appel et versait aux débats l'attestation d'un ancien représentant de la société Airap, M. Y..., qui confirmait que la création du code informatique 43 avait eu pour objet d'attribuer à ce dernier des clients anciennement attachés à son secteur ; qu'en affirmant qu'il n'apportait aucun élément permettant de démontrer que les clients relevant du code 43 relevaient de son propre secteur, sans examiner ni même viser cette attestation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté, par motifs propres et adoptés, que les clients et le secteur du code 43 ne correspondaient pas à la clientèle et au secteur géographique contractuellement attribués à M. X... et que le seul fait qu'il ait pu, dans les premières années de sa collaboration, contracter exceptionnellement avec l'une des entreprises relevant du secteur 43, ne démontrait pas qu'il travaillait dans ce secteur d'activité ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 1237-5 et L. 7313-13 du code du travail ;

Attendu que la mise à la retraite du salarié par l'employeur prévue par l'article L. 1237-5 du code du travail constitue un mode de rupture du contrat de travail par l'employeur permettant au salarié de prétendre, s'il en remplit les conditions, à l'indemnité de clientèle prévue par l'article L. 7313-13 du code du travail, qui ne se cumule pas avec l'indemnité de départ à la retraite, seule la plus élevée étant due ; que l'indemnité de clientèle a pour objet de compenser la perte pour le représentant de la clientèle qu'il a créée, apportée ou développée au profit de son ancien employeur ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité de clientèle, l'arrêt retient que l'existence d'un accroissement en nombre et en valeur de la clientèle par M. X... est établi ; qu'en revanche il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice ; qu'en effet le salarié a été mis à la retraite à taux plein à l'âge de 65 ans révolus et qu'à cet âge, il devait normalement cesser l'exercice de sa profession ; qu'il perçoit depuis sa mise à la retraite une pension de la CRAM d'un montant mensuel de 1 040 euros auquel s'ajoutent des pensions de retraite complémentaire pour un montant global mensuel de 3 000 euros alors que les commissions perçues par lui au sein de la société Airap au cours des deux dernières années s'élevaient en moyenne à 1 800 euros par mois ; que manifestement, depuis sa mise à la retraite, M. X... a des revenus supérieurs à ceux qu'il aurait pu escompter dans le cadre du démarchage de sa clientèle ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la comparaison des niveaux de revenus du salarié avant et après la rupture, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande d'indemnité de clientèle, l'arrêt rendu le 23 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Airap aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Airap à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de rappel de commissions

AUX MOTIFS PROPRES QUE « il résulte des explications et des pièces que la société AIRAP a attribué aux secteurs de ses représentants des codes informatiques, notamment les codes 19 et 43 ; Que cette opération ne saurait constituer une modification du contrat de travail du salarié ; Que Monsieur X... ne conteste pas devant la Cour qu'il a perçu les commissions sur le chiffre d'affaire correspondant à la clientèle de son secteur, référencée sous le code 19 ; Que la société AIRAP verse aux débats la liste détaillée de ses clients référencés sous le code 43 ainsi que les fiches signalétiques des entreprises correspondantes, desquelles il ressort que ces entreprises, soit ont une activité d'installateurs au sens large et/ou de négoce sur les produits AIRAP, soit sont situées dans les départements 39 et 63, hors du secteur géographique de Monsieur X...; Que le salarié n'apporte pas d'éléments pouvant remettre en cause ces constatations et que le fait qu'il ait pu exceptionnellement dans les premières années de sa collaboration contracter avec l'une de ces entreprises ne suffit pas à démontrer qu'il travaillait dans le secteur d'activité correspondant ; Qu'il y a lieu en conséquence et à l'instar des premiers juges de le débouter de sa demande en paiement d'un rappel de commissions de 2001 à 2003 pour le secteur 43 »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Vu le contrat de travail valablement signé entre les parties en date du 2 janvier 1985 ; vu l'avenant du 4 février 1997 au dit contrat de travail, qui prévoyait, à la rubrique IV, la clientèle qui relevait du contrat de représentation de Monsieur René X... ; que le code 43 correspond aux clients « installateur en ingénierie climatique et revendeur » ; que le secteur d'activité défini par le contrat de travail et l'avenant ne porte que sur la clientèle « constructeurs et utilisateurs » et correspond au code 19 ; que le conseil de Monsieur René X... reconnaît à la barre que les commissions correspondant au code 19 ont toutes été réglées ; qu'en conséquence, Monsieur René X... ne peut se prévaloir des commissions du code 43 ; qu'il sera donc débouté de ses demandes au titre de rappel de commissions »

1 - ALORS QUE constitue une modification du contrat de travail du représentant le fait pour l'employeur de redéployer les secteurs attribués aux VRP de l'entreprise en leur attribuant des codes informatiques, lorsqu'une telle codification a pour effet de modifier le contenu des secteurs contractuellement définis ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de l'arrêt que certains des clients figurant dans le code informatique 43 avaient été des clients de Monsieur X... sur lesquels il avait été commissionné, ce dont il s'évinçait qu'en lui attribuant le code 19, la société AIRAP l'avait privé d'une partie de sa clientèle et modifié son secteur ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2 – ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour établir que la société AIRAP l'avait indûment privé de commissions, Monsieur X... invoquait dans ses conclusions d'appel (p 4) et versait aux débats l'attestation d'un ancien représentant de la société AIRAP, Monsieur Y..., qui confirmait que la création du code informatique 43 avait eu pour objet d'attribuer à ce dernier des clients anciennement attachés au secteur de Monsieur X... ; qu'en affirmant que Monsieur X... n'apportait aucun élément permettant de démontrer que les clients relevant du code 43 relevaient de son propre secteur, sans examiner ni même viser cette attestation, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande d'indemnité de clientèle

AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article L7313-13 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en cas d'absence de faute grave, le voyageur représentant ou placier a droit a une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ; Que cette indemnité est destinée à réparer le préjudice subi du fait de la perte pour l'avenir du bénéfice de cette clientèle ; Qu'au vu des pièces produites, le nombre des clients du secteur confié à Monsieur X... s'élevait à 27 (anciens clients) au moment de l'embauche et à 34 au moment de la rupture du contrat de travail ; Que parallèlement, le chiffre d'affaires de ce secteur qui représentait 60 674,00 euros (398 000 francs) en 1983 et 1984 s'élevait à 589 017,00 euros en 2001 et 2002 et 453 162,00 euros en 2002 et 2003; Qu'il en résulte un accroissement en nombre et en valeur de la clientèle ; Qu'en revanche, il n'est pas démontré en l'espèce l'existence du préjudice ; Que Monsieur X... en effet a été mis à la retraite à taux plein à l'âge de 65 ans révolus et qu'à cet âge, il devait normalement cesser l'exercice de sa profession ; Qu'il perçoit depuis sa mise à la retraite une pension de retraite de la CRAM d'un montant mensuel de 1040,00 euros auquel s'ajoutent des pensions de retraite complémentaire pour un montant global mensuel de 3 000,00 euros alors que les commissions perçues par lui au sein de la société AIRAP au cours des 2 dernières années s'élevaient en moyenne à euros par mois ;Que manifestement, depuis sa mise à la retraite, Monsieur X... a des revenus supérieurs à ceux qu'il aurait pu escompter dans le cadre du démarchage de la clientèle ; Qu'en conséquence, sa demande en paiement d'une indemnité de clientèle doit être rejetée »

1. ALORS QUE la mise à la retraite du salarié par l'employeur prévue par l'article L. 1237-5 du Code du travail constitue un mode de résiliation du contrat de travail par le fait de l'employeur permettant au salarié de prétendre, s'il en remplit les conditions, à l'indemnité de clientèle prévue par l'article L. 7313-13 du Code du travail ; qu'en se fondant sur la mise à la retraite à taux plein à l'âge de 65 ans révolus de Monsieur X... pour lui dénier tout droit à une indemnité de clientèle, nonobstant l'accroissement de sa clientèle en nombre et en valeur qu'elle avait constatée, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2. ALORS QUE lorsque le salarié a démontré avoir développé en nombre et en valeur la clientèle de son employeur, c'est à ce dernier qu'il incombe d'établir l'absence de préjudice causé au représentant par la perte de sa clientèle ; qu'en faisant peser sur Monsieur X... la charge d'établir qu'il avait subi un préjudice du fait de la perte de la clientèle qu'il exploitait pour le compte de la société AIRAP, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil ;


3. ALORS QUE l'indemnité de clientèle a pour objet de réparer la perte de la possibilité d'exploiter la clientèle que le représentant a développée pour le compte de son employeur; que ce préjudice existe donc du seul fait de la cessation d'exploitation de la clientèle, indépendamment du niveau des revenus perçus par le salarié après la rupture de son contrat de travail ; qu'en relevant que Monsieur X... avait perçu après sa mise à la retraite des pensions de retraite supérieures aux commissions que lui versait la société AIRAP, la Cour d'appel a violé l'article L 7313-13 du code du travail.



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Cette décision est visée dans la définition :
VRP


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.