par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 9 juin 2011, 10-10348
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
9 juin 2011, 10-10.348

Cette décision est visée dans la définition :
Recevabilité




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Georges Y... a contracté divers emprunts auprès de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse (la banque) ; que celui-ci ayant été défaillant, la banque a consenti le 28 décembre 1995 aux époux Y... un prêt de restructuration dont le remboursement était garanti par plusieurs hypothèques ; qu'après le décès de son époux, dont elle est héritière, Mme Y... a assigné la banque aux fins de voir constater la prescription de sa créance ; que l'arrêt attaqué (Bastia, 4 novembre 2009) a accueilli cette demande ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la banque fait grief à la cour d'appel d'avoir déclaré recevable l'action de Mme Y..., alors, selon le moyen, que l'intérêt au succès ou au rejet d'une prétention s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice ; qu'en particulier est irrecevable en l'absence de litige né et actuel, l'action préventive tendant à forcer une personne, qui peut se prévaloir d'avoir un droit, à prouver ses prétentions en justice ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait tout en constatant que la caisse régionale de crédit agricole mutuel n'avait émis aucune prétention à l'égard de Mme Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir exactement retenu que, même en dehors de tout litige, Mme Y... avait intérêt à faire constater la prescription de la créance de la banque afin de lui permettre de connaître la consistance exacte du patrimoine dont elle avait hérité et l'étendue des droits dont elle pouvait disposer compte tenu des hypothèques garantissant cette créance, c'est à bon droit que la cour d'appel a déclaré l'action recevable ;

Et attendu que le second moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse ; la condamne à payer à Mme Y... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux conseils pour la caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Corse

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré l'action de Madame Y..., venue aux droits de son mari, feu Georges Y... recevable, dit que la prescription de l'article L. 110-4 du Code de commerce était applicable dans les relations entre parties, et avant dire droit invité les parties à conclure sur la partie de la créance atteinte par la prescription ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 31 du Code de procédure civile l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, étant précisé que l'intérêt légitime suppose au sens de cet article, qu'il soit né et actuel ; qu'en l'espèce, l'action de la demanderesse ne présente pas un simple caractère déclaratoire mais, a, au contraire, pour elle une utilité pratique sérieuse tout comme pour la banque ; que l'incertitude dans laquelle le Crédit Agricole souhaiterait la laisser a en effet une incidence sur l'appréciation de la consistance du patrimoine dont elle a hérité avec d'éventuelles conséquences fiscales, ainsi que sur l'étendue des droits dont elle peut disposer compte tenu de l'existence d'inscriptions d'hypothèques sur les biens hérités ;

ALORS QUE l'intérêt au succès ou au rejet d'une prétention s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice ; qu'en particulier est irrecevable en l'absence de litige né et actuel, l'action préventive tendant à forcer une personne, qui peut se prévaloir d'avoir un droit, à prouver ses prétentions en justice ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait tout en constatant que la Caisse Régionale de Crédit Agricole n'avait émis aucune prétention à l'égard de Mme Y..., la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 31 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré l'action de Madame Y..., recevable, dit que la prescription de l'article L. 110-4 du Code de commerce était applicable dans les relations entre parties, et avant plus amplement dire droit invité ces dernières à conclure sur la partie de la créance atteinte par la prescription ;

AUX MOTIFS QUE la loi répute acte de commerce toute opération de change, banque et courtage, de sorte que le Crédit Agricole dont c'est l'activité essentielle ne saurait donc invoquer son statut pour se prétendre non commerciale ; que la prescription décennale est donc bien applicable aux faits de l'espèce s'agissant d'un prêt consenti par une banque à un particulier et il importe peu, à cet égard, que le prêt ait été souscrit par acte authentique, seule la nature de la créance ayant une incidence sur ce point ; que le point de départ de cette prescription n'est pas contesté par la banque ; qu'il remonte au premier impayé du prêt de consolidation du mois de février 1996 ; que depuis février 1996, première échéance, le Crédit Agricole n'invoque en réalité aucun acte interruptif de prescription ; qu'il fait état des rapports particuliers et atypiques du Crédit Agricole avec certains agriculteurs dans l'île, du fait d'une intervention de l'Etat tous les deux ans, contribuant à modifier considérablement les rapports contractuels initiaux des parties ; qu'il fait valoir que tout agriculteur, éligible auxdites mesures, bénéficiait en droit ou de fait, d'une suspension automatique des poursuites, interdisant au créancier d'agir ; que le Crédit Agricole ne précise pas les suspensions de poursuites émanant d'un texte, fut-il réglementaire qui les auraient rendues obligatoires, ni les raisons pour lesquelles il s'est abstenu de présenter une quelconque réclamation concernant la créance dont s'agit ; qu'il cite le procès-verbal de la réunion d'installation de la Commission Régionale de conciliation du 25 septembre 2000 aux termes duquel le directeur général du Crédit Agricole confirme son accord à la suspension des poursuites à l'encontre des exploitants qui ont saisi la Commission Régionale de Conciliation, mais n'affirme pas que M. Y... ait en son temps effectivement saisi cette Commission ; que de la même manière la recommandation du procès-verbal sur les procédures de recouvrement de la dette, est sans caractère obligatoire et sans incidence sur la prescription décennale constatée ; qu'il reste à déterminer le montant exact de la créance du Crédit Agricole atteint par cette prescription, soit les diverses échéances impayées depuis février 2006, soit la totalité de la dette devenue exigible du fait de la déchéance automatique du terme si bon semble au prêteur ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance et que la circonstance que celle-ci soit constatée par un acte authentique revêtu de la formule exécutoire n'a pas pour effet de modifier cette durée ; qu'ainsi le régime de la prescription suit les règles applicables en fonction de la nature de la créance ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans même rechercher si la créance de la Caisse de Crédit Agricole n'avait pas une nature civile, dès lors que les prêts avaient été consentis pour soutenir l'activité agricole poursuivie par M. Y... dans le cadre de l'exercice de cette activité, laquelle avait par nature un caractère civil et non un caractère commercial, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 110-4 du Code de commerce, L. 311-1 du Code rural et 2262 ancien du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait ; que les demandes des débiteurs sollicitant le bénéfice des mesures de désendettement, comme la reconnaissance de la dette par le débiteur constituent des causes d'interruption de la prescription ; enfin que le juge doit procéder à l'analyse même succincte des attestations produites par une partie à l'appui de ses prétentions ou de sa contestation ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans même procéder à l'analyse, même succincte de l'attestation produite par Mme Y..., en date du 5 septembre 2008, par laquelle la Chambre d'agriculture de la Haute Corse faisait état d'une réunion de conciliation entre celle-ci et les représentants de la Caisse Régionale du Crédit Agricole, au cours de laquelle une proposition de solde de tout compte avait été faite par Mme Y..., mais avait été estimée insuffisante par les représentants du Crédit Agricole, ce dont il résultait que les délais de prescription déjà écoulés avaient été interrompus, la Cour d'appel n'a pas, de ce chef, également, légalement justifié sa décision au regard des articles 1353 du Code civil, 2248 ancien du même Code et 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en se déterminant encore comme elle l'a fait, cependant que la Commission Régionale de conciliation agricole, lors de sa création le 25 septembre 2000, avait prévu, dans le cadre de la mise en place des modalités de désendettement, l'arrêt obligatoire des poursuites de tous les créanciers à l'encontre de tous les débiteurs, la Cour d'appel n'a pas davantage légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 et 2248 ancien du Code civil ;

ALORS, ENFIN, QU'en toute hypothèse et à titre subsidiaire, en constatant la prescription extinctive et en invitant néanmoins les parties à discuter du montant de la créance prescrite, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.