par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 6 juillet 2011, 08-12648
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
6 juillet 2011, 08-12.648
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Arbitrage
Exequatur
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur l'intervention de Mme X..., ès qualités de curatrice de M. X... :
Attendu que Mme X..., ès qualités, qui n'a pas été partie à l'instance ayant abouti à l'arrêt attaqué, mais justifie d'un intérêt, intervient pour soutenir le pourvoi formé par M. X... et propose en outre un moyen de nullité qui lui est propre ;
Mais attendu que la partie intervenante devant la Cour de cassation ne peut que s'associer aux moyens du demandeur au pourvoi sans invoquer de moyens distincts ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1502-1° du code de procédure civile ;
Attendu que l'appel de la décision qui accorde la reconnaissance ou l'exécution d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger est ouvert si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ;
Attendu que M. Y... avait souscrit, en son nom mais pour le compte de M. X..., 80 actions de la société suisse Art Reports Indices & Charts (ARIC), les 20 autres étant détenues par M. Y... personnellement; que, le 25 septembre 2000, à Genève, MM. Y... et X... ont souscrit un contrat de fiducie prévoyant que tous les frais et dépenses encourus par M. Y... dans l'exercice de son mandat lui seront intégralement remboursés par M. X... et contenant une clause compromissoire ; qu'à la suite de la mise en liquidation de la société ARIC, M. Y... a demandé le remboursement de l'ensemble des frais et dépenses engagés par la société et avancés par lui, puis, mis en oeuvre la procédure d'arbitrage ; que par une sentence du 29 mai 2006, rendue à Genève, l'arbitre a condamné M. X... à payer à M. Y... l'intégralité des sommes demandées par celui-ci ; que, par ordonnance du 4 septembre 2006, le président d'un tribunal de grande instance a ordonné l'exequatur de cette sentence ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt attaqué retient que le fait que l'arbitre, saisi suivant les règles visées au contrat, se soit référé à la commune intention des parties pour déterminer le champ contractuel lui permettant de statuer sur le différend qui lui était soumis, ne peut être assimilé ni à une absence, même partielle, de convention d'arbitrage, ni à une violation de l'obligation de se conformer à la mission qui lui a été conférée et que l'interprétation de la commune intention des parties et, partant, du champ contractuel, telle qu'elle est donnée par l'arbitre, apparaît au vu des circonstances qui y sont rappelées, parfaitement fondée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'arbitre avait constaté que l'article 4 du contrat ne visait que les dépenses encourues dans l'exercice du mandat du fiduciaire et que ce mandat ne visait, suivant la lettre du contrat, que la souscription des actions, ce dont il résultait que l'arbitre avait statué sans convention d'arbitrage sur le surplus des demandes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
Reçoit Mme X..., ès qualités, en son intervention en tant qu'elle invoque le moyen du pourvoi, mais déclare irrecevable le moyen qu'elle invoque elle-même ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux conseils pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance rendue le 4 septembre 2006 par le Président du Tribunal de grande instance de LYON ayant revêtu de l'exéquatur la sentence arbitrale internationale prononcée le 29 mai 2006 ;
AUX MOTIFS QUE «l'office de la cour d'appel, saisie en vertu de l'article 1502 du Code civil, est limité à l'examen des vices énumérés par ce texte. En l'espèce, Monsieur X... ne peut soutenir que l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage, alors que le contrat qu'il a signé le 25 septembre 2000 avec Monsieur Y... prévoit expressément en son article 7 que celui-ci est soumis au droit suisse et que tout différent découlant du contrat sera soumis à l'arbitrage en conformité avec les règles de la Chambre de Commerce et de l'Industrie de GENEVE, le siège du Tribunal arbitral étant fixé à GENEVE. Le fait que l'arbitre saisi suivant les règles visées au contrat, se soit référé à la commune intention des parties pour déterminer le champ contractuel lui permettant de statuer sur le différend qui lui était soumis ne peut être assimilé ni à une absence, même partielle, de convention d'arbitrage, ni à une violation de l'obligation de se conformer à la mission qui lui a été conférée. En tout état de cause, l'interprétation de la commune intention des parties et, partant, du champ contractuel, telle qu'elle est donnée par l'arbitre en page 15 de la sentence (§ 85 à 88), apparaît, au vu des circonstances qui y sont rappelées, parfaitement fondée.» (cf. arrêt page 3 - 4);
ALORS QUE lorsqu'une clause d'un contrat est claire et précise, c'est-à-dire susceptible d'un seul sens, les juges du fond ne peuvent lui donner une autre sens sous prétexte de rechercher l'intention des parties ; que les juges du fond ne peuvent notamment pas ajouter à un tel contrat clair et précis une stipulation qu'il ne comporte pas ; qu'en l'espèce, il résulte de l'article 7 du contrat de fiducie du 25 septembre 2000 que «tout différend découlant du présent contrat sera soumis à l'arbitrage» ; que le contrat de fiducie régissait les obligations des parties dans le cadre de la seule souscription d'actions de la société ARIC SA et précisait notamment l'étendue du mandat de Monsieur Y... en prévoyant que «le Fiduciaire a souscrit en son nom, mais pour le compte du Fiduciant 80 actions de la société» ARIC S.A. (cf. préambule) et que «le Fiduciant s'engage à exercer les droits de vote et autres droits que lui confèrent sa qualité d'actionnaire (article 3) ; l'article 4 du contrat de fiducie indiquait en outre que «tous les frais et dépenses encourues par (Monsieur Y...) dans l'exercice de son mandat lui seront intégralement remboursés par le Fiduciant», Monsieur X... ; qu'il résulte ainsi des termes clairs et précis des articles 4 et 7 du contrat que l'arbitre était compétent pour statuer sur les demandes de Monsieur Y... relatives au remboursement par l'exposant des frais et dépenses encourues par Monsieur Y... dans l'exercice de son mandat, à savoir la souscription d'actions de la société ARIC SA d'un montant de 80.000 francs suisses et l'exercice des droits d'actionnaire ; que devant l'arbitre Monsieur Y... demandait la condamnation de Monsieur X... au remboursement non seulement de cette somme de 80.000 francs suisses, mais également de toutes les autres sommes qu'il avait de son propre chef engagées en dehors du cadre du mandat pour un montant total de 1.307.616,06 francs suisses ; que l'expert a expressément reconnu que la répartition des pertes de la société n'était pas prévue par le contrat écrit mais par une prétendue «convention tacite» complémentaire (voir sentence arbitrale, page 7, § 51 et page 15, § 85) ; que l'arbitre s'est néanmoins reconnu compétent pour statuer sur la demande de Monsieur Y... qui n'était pas fondée sur le contrat écrit du 25 septembre 2000 en décidant que «bien que le contrat écrit n'ait fait mention que des actions, l'intention des parties portait sur un champ plus large. Dans l'esprit des parties, la disposition contractuelle couvrait également les montants que Monsieur Paul Y... serait amené à engager pour la société» (Sentence arbitrale page 2, n° 6) et ce «nonobstant les termes utilisés dans le contrat écrit, signé par les parties» (Sentence arbitrale page 15, § 86 al. 2) ; que l'arbitre a ainsi interprété la volonté des parties contre les termes clairs et précis des clauses du « contrat écrit » et a ajouté à ce contrat une «convention tacite» qu'il ne prévoyait aucunement ; qu'en adoptant expressément cette «interprétation de la commune intention des parties» par l'arbitre pour en déduire que l'arbitre n'avait pas statué hors de sa mission, la Cour d'appel a ajouté au contrat une clause ou «convention tacite» qu'il ne prévoit aucunement et a dénaturé les termes des articles 4 et 7 du contrat de fiducie, en violation de l'article 1134 du Code civil et 1502 du Code de procédure civile ;
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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Arbitrage
Exequatur
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.